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Un implant cérébral a permis à un homme paralysé de faire écrire par un ordinateur ce qu’il pensait
©Michael Buholzer / AFP

Miracle de la science

Une technologie révolutionnaire permettant d'écrire avec son cerveau.

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur. Depuis plus de vingt ans, il s’intéresse aux états modifiés de conscience, à la physique quantique et ses implications philosophiques, ainsi qu'aux liens entre science, culture et spiritualité de façon générale. Son dernier ouvrage, co-écrit avec l’ethnobotaniste Romuald Leterrier, s'intitule Se Souvenir du Futur

 

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Atlantico : Le système d'implants neuronaux BrainGate est une interface cerveau-machine (ICM) utilisant l'intelligence artificielle pour traduire les signaux d'activité neuronaux générés pendant l'écriture manuscrite. Est-ce une technologie révolutionnaire ? Pourquoi ?

Jocelyn Morisson : On peut parler d’une technologie révolutionnaire car elle est beaucoup plus rapide que les précédents systèmes qui ont été testés. Cette annonce fait suite à une étude publiée dans la revue Nature qui présente le cas d’une personne de 65 ans paralysée à partir du cou suite à un accident qui a rompu sa moelle épinière en 2007. Le système lui permet d’imaginer qu’il écrit à la main sur une feuille de papier et les signaux cérébraux sont décodés par une intelligence artificielle qui retranscrit ce qu’il écrit en pensée. La précision est de 94 % et monte à 99 % après correction automatique. La méthode testée avant cela était beaucoup moins rapide car elle consistait pour le sujet à imaginer qu’il pointait et sélectionnait des lettres une par une sur un écran, ce qui est plus fastidieux. Elle permettait de taper environ six mots par minute alors que ce nouveau système permet d’atteindre dix-huit mots par minute (quatre-vingt-dix caractères), ce qui est proche des vingt-trois mots par minutes (ou cent-quinze caractères) d’un utilisateur de smartphone de la même tranche d’âge que le sujet. 

Quel est le fonctionnement de ce dispositif ? Comment les signaux sont recueillis et interprétés ?

On parle d’écriture manuscrite virtuelle. Le sujet imagine simplement qu’il écrit avec un stylo sur une feuille de papier. Le signal cérébral est capté par des électrodes très fines implantées dans la zone du cortex moteur où cette activité se déroule. Il est envoyé à un ordinateur dont les algorithmes décodent le signal et le transforment en texte à l’écran. Le premier auteur de l’étude, Frank Willet, chercheur à l’université Stanford, explique que le nouveau système utilise à la fois la riche activité neuronale enregistrée par les électrodes intracorticales et la puissance des algorithmes capables de décoder les lettres formées dans ce signal et de reconstituer les mots correspondants. Ce qui est décodé est bien la forme des lettres telle qu’imaginée dans l’esprit du sujet alors qu’il les trace sur le papier avec son stylo imaginaire. Les chercheurs ont réalisé une véritable prouesse car ils ont démontré, d’abord, que la représentation de l’écriture manuscrite dans le cerveau se maintenait longtemps après que l’activité elle-même avait disparu, et en second lieu qu’elle pouvait constituer un signal en tant que tel qui pouvait être décodé par l’intelligence artificielle. Chaque lettre étant bien différente des autres, l’IA peut décoder l’intention de l’utilisateur et gagner en vitesse de transcription, y compris en reconnaissant les signes de ponctuation et les signes diacritiques (accents, tréma, etc.). 

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Ce dispositif d’interface cerveau-machine a-t-il un avenir en dehors de quelques laboratoires ? Pourrions-nous le voir à grande échelle pour pallier aux handicaps ?

Ces dispositifs ont à coup sûr un avenir car ils vont permettre à des personnes handicapées d’effectuer un grand nombre de tâches simplement en imaginant faire quelque chose de précis, pas seulement l’écriture. Dans ce cas précis, les chercheurs soulignent que cette preuve de concept n’est valable que pour la personne étudiée. Il va falloir montrer que le système peut être standardisé et fonctionner avec d’autres utilisateurs de la même façon. Mais il s’agit ici d’un dispositif semi-invasif avec des électrodes implantées dans une zone bien précise du cerveau. On ne va pas implanter des électrodes partout dans le cerveau pour pallier toutes les fonctions. Or, plus un signal cérébral va être fin et précis, plus il sera difficile de l’extraire sans dispositif invasif. Plus globalement, ces systèmes ont de l’avenir car les recherches précédentes montrent qu’une personne peut contrôler un curseur d’ordinateur et disposer ainsi d’une souris pleinement opérationnelle comme n’importe quel utilisateur, même sans dispositif implanté, en récupérant un signal cérébral à la surface de la boîte crânienne. On pense aussi à l’univers des jeux vidéo, des réalités virtuelles, etc. À terme, tout le monde pourrait bénéficier de ces technologies pour contrôler des fonctions de smartphone ou d’ordinateur simplement par la pensée, mais par une pensée dirigée pour produire un type de signal cérébral précis, pas forcément la pensée qui correspond directement à la fonction elle-même. Les freins sont techniques, mais aussi d’ordre éthique.  

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