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Vladimir Poutine s'exprime lors de son discours à la nation au Kremlin à Moscou, le 21 février 2022.
Vladimir Poutine s'exprime lors de son discours à la nation au Kremlin à Moscou, le 21 février 2022.
©Alexey NIKOLSKY / Sputnik / AFP

Offensive militaire

Selon certains stratèges, l’hypothèse d’un président russe décidant de s’en prendre à des pays membres de l’Otan ou de l’Union européenne ne peut plus être totalement écartée.

Pierre Conesa

Pierre Conesa

Pierre Conesa est agrégé d’Histoire, énarque. Il a longtemps été haut fonctionnaire au ministère de la Défense. Il est l’auteur de nombreux articles dans le Monde diplomatique et de livres.

Parmi ses ouvrages publiés récemment, Docteur Saoud et Mister Djihad : la diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite, Robert Laffont, 2016, Le lobby saoudien en France : Comment vendre un pays invendable, Denoël, Vendre la guerre : Le complexe militaro-intellectuel, Editions de l'Aube, 2022.

 

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Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Selon certains stratèges, l’hypothèse d’un président russe décidant de pousser l’offensive hors d’Ukraine voire de s’en prendre à des pays membres de l’OTAN ou de l’Union Européenne ne peut plus être totalement écartée. A quel point ce scénario est-il peu probable ? Pourquoi est-il pour autant nécessaire de l’envisager ?

Pierre Conesa : Une grand partie des observateurs ont jugé la phase préalable à l'invasion, en supposant que Poutineétait un dirigeant raisonnable qui ne prendrait pas le risque d'un conflit majeur.

On s'est trompé car en même temps que le dirigeant russe parlait de négociations, il préparait un plan d'invasion selon quatre ou cinq axes différents qui démontraient son intention de reconquérir l'Ukraine dans sa totalité. L'OTAN n'a pas l'intention d'intervenir en Ukraine qui n'est pas membre, idem sur la Moldavie, prochaine étape probable si l'intention est de reprendre la main sur l'ancien espace soviétique : même contexte international même paralysie des Occidentaux.

L'attaque contre un pays membre de l'OTAN me paraît assez improbable, mais encore une fois Poutine est seul décideur.

Florent Parmentier : Depuis une semaine, on ne peut plus écarter les scénarios les plus pessimistes. L'Ukraine ne bénéficie pas de la protection de l'OTAN, matérialisée par l'article 5 de la charte de l'OTAN.

Il faut repartir de la rationalité de Vladimir Poutine, qui sur cette action semble avoir pris une orientation ferme : il a choisi d'attaquer délibérément l'Ukraine, au détriment de la stabilité interne de la Russie et de sa réputation internationale. L'objectif n'était sans doute pas partagé par l'appareil d'Etat, plus conscient des risques de cette guerre, ainsi que par la population, dont une partie se détourne nettement des médias officiels en prenant des risques importants pour aller manifester. La décision a toutefois été prise de lancer une guerre pour démilitariser l'Ukraine et se lancer dans une opération de changement de régime, qui ne peut réussir.

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Une attaque contre un des Etats-membres de l'OTAN ou de l'UE impliquerait de fait la mobilisation de l'Armée américaine et des alliés. Nous passerions dans une autre dimension du conflit. Cela paraît à ce stade difficilement envisageable, mais pour autant, envisager ces différents scénarios permet plus sûrement d'en conjurer la possibilité. 

Parmi les cibles potentielles, on évoque la Moldavie dont on souligne les similitudes avec l’Ukraine. Les réactions de la communauté internationale seraient-elles les mêmes qu’actuellement ?

Pierre Conesa : Moscou semble avoir décidé de ne parler que le langage de la force tant vis-à-vis d'éventuelles sanctions occidentales que du changement de statut de la Finlande en annonçant des mesures de rétorsion comme l'Occident "n'en a jamais connues" : menace ou risque majeur (guerre et emploi du nucléaire?). La seule option ouverte aux pays membres de l'OTAN est de renforcer les capacités militaires des pays frontaliers (anciens pays satellites et surtout Etas baltes) pour démontrer leur intention de ne pas céder. Cela dit quid de Kaliningrad qui est enclavé entre la Pologne et les Pays Baltes.

Cela dit la guerre n'est pas terminée en Ukraine qui est un pays légèrement plus vaste que la France, qui ne l'oublions pas a généré des phénomènes de résistance anti russe importants (des maquis ont duré jusqu'en 1954). Occuper des villes transforme l'offensive classique en guerre urbaine (plus meurtrière). Plus la guerre d'invasion durera, plus il faudra adopter une posture diplomatique souple (livraison d'armes , sanctuarisation des éventuels maquis....).

Florent Parmentier : La Moldavie se trouve dans un cas différent : sa Constitution prévoit un statut de neutralité (article 11). Son territoire à l'Est, la Transnistrie, échappe à l'autorité de Chisinau depuis le début des années 1990, mais il n'y a pas eu de combats depuis. En 2019, un gouvernement de courte période a uni les forces "pro-russes" et les forces "pro-européennes". Aujourd'hui, la gouvernement de Maïa Sandu poursuit un rapprochement avec l'Union européenne, qui a vu la réorientation de son commerce extérieur. Elle est "à la croisée des mondes", pour reprendre le titre d'un ouvrage que j'avais co-signé avec Josette Durrieu en 2019. Espérons qu'elle sera épargnée par les affrontements militaires...

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Les autorités finlandaises ont évoqué le fait que le pays se réservait le droit de demander l’adhésion à l’OTAN si ce choix devenait "une question de sécurité nationale". Peu après, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a évoqué les "graves conséquences militaro-politiques qui nécessiteraient des mesures réciproques de notre pays”. Les analystes évoquent aussi le cas des pays baltes qui pourraient être des cibles. Si des pays comme ces derniers appartenant à l’UE, à l’Otan, voire aux deux, quelles pourraient être les réponses des Européens et de l’Occident de manière plus large ?

Florent Parmentier :La réaction de la Finlande et de la Suède est plus que compréhensible : leur sentiment de vulnérabilité s'est dramatiquement renforcé avec la guerre contre l'Ukraine, puis avec les menaces exprimées par Maria Zakharova. Nous aurions ici également une forme de gradation de la riposte, au niveau militaire et non plus des sanctions économiques cette fois.

On imagine que ce genre de situation aurait des conséquences en cascade. Quelles pourraient être les conséquences concrètes à travers le monde d’une attaque russe sur un pays de l’OTAN ou de l’UE ?

Pierre Conesa : Je ne suis pas certain que la condamnation de l'offensive russe aille au-delà des pays occidentaux que trop d'observateurs assimilent à la "communauté internationale" : un seul exemple, que vont faire les pays de la bande sahélienne qui ont accueilli des troupes de Wagner ?

Florent Parmentier : Là encore, nous sommes dans un questionnement spéculatif, mais dont il faut mesurer la portée. La réponse sera militaire. La déstabilisation risquerait de toucher plusieurs régions du monde, les Balkans pourraient retourner dans un état instable et dangereux, ou la Chine pourrait en profiter pour conquérir Taïwan. Nous ne mesurons pas encore les effets d'une situation dont, à cette heure, de nombreux paramètres sont inconnus. Il faut néanmoins envisager de nombreux scénarios. Espérons toutefois que les diplomates reprendront très vite le pas sur les militaires...

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