Qui de l’Ukraine ou de la Russie n’a pas respecté les accords de Minsk ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine le 9 décembre 2019 à l'Elysée.
Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine le 9 décembre 2019 à l'Elysée.
©Alexey NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

Responsabilité partagée ?

Les accords de Minsk ont été adoptés en 2015 par la Russie et l'Ukraine pour mettre fin à la guerre dans le Donbass.

Marie Dumoulin

Marie Dumoulin

Marie Dumoulin dirige le programme Wider Europe du Conseil européen pour les relations internationales, un think tank paneuropéen. Marie Dumoulin a aussi travaillé comme diplomate au ministère des Affaires étrangères.

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Atlantico : Que contiennent exactement les accords de Minsk ?

Marie Dumoulin : Ces accords ont été négociés lors de la guerre du Donbass en 2014. Il y a dans les faits deux accords de Minsk. Un mémorandum, signé en septembre 2014 puis un deuxième accord signé en février 2015, lors d’une phase aiguë des combats. Ce deuxième accord est en fait la déclinaison pratique pour la mise en œuvre du mémorandum. Il prévoit des choses très concrètes qui devaient être instaurées en bloc sur quatre grands sujets dans les régions de Donetsk et Louhansk (rien ne concerne la Crimée). Un volet économique qui concernait notamment les relations bancaires et économiques entre les régions de Donetsk et Louhansk et le reste de l’Ukraine. Un volet humanitaire, avec la question des échanges de prisonniers et l'aide humanitaire. Un des deux gros morceaux était le volet sécuritaire, prévoyant un cessez-le-feu, des règles encadrant le déploiement d’armes lourdes, le départ des combattants étrangers, et l’établissement d’une mission de l’OSCE pour vérifier l’application de ces mesures. Le dernier volet, politique, contenait quatre points principaux : une loi sur l’amnistie que l’Ukraine devait adopter, prévoyant l’amnistie de toute personne ayant participé aux combats, sauf crimes particulièrement graves ; une révision constitutionnelle prévoyant la décentralisation et devant tenir compte de la spécificité des régions de Donetsk et Louhansk ; une loi spécifique sur les modalités de décentralisation pour ces deux régions ; une loi sur l’organisation d’élections locales dans ces deux régions afin que la décentralisation ne bénéficie qu’à des autorités locales légitimement élues. Enfin les accords prévoyaient que l’Ukraine retrouve le contrôle de sa frontière dans les régions de Donetsk et Louhansk (contrôlée de fait par les Russes).

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En revanche, contrairement à ce qu’on peut lire parfois. Les accords de Minsk ne prévoient pas de référendum d’autodétermination. Une décentralisation et des élections locales des deux régions oui, mais pas plus.

A quel point ces accords étaient-ils importants ?

Ils ont été fondamentaux entre 2014 et 2022. Après février 2015, cela a entraîné une baisse significative de la violence des combats qui était jusqu’alors à un très haut niveau d’intensité, avec des victimes civiles. La signature a été suivi d’un gel relatif du conflit, même si les accords n’ont jamais été pleinement respectés et qu’il n’y a jamais eu de cessez-le-feu complet. Cela a permis une baisse significative du nombre de victimes. Ainsi, lorsque les Nations Unies évoquaient près de 15000 victimes du conflit, il s’agit en grande majorité de personnes mortes avant la signature des accords.

Dans quelle mesure ces accords ont-ils été appliqués ? Et qui en est responsable ?

L’Ukraine a, très rapidement, commencé à préparer les textes et les soumettre au parlement. La loi sur le statut des régions de Donetsk et Louhansk a été adoptée. Mais lors de l’examen de la révision constitutionnelle, des manifestations massives ont eu lieu autour du parlement, avec des affrontements et des morts. A partir de là, il y a eu très peu de progrès du côté ukrainien. Le travail a cependant continué sur la mise en œuvre du volet politique des accords, notamment dans le cadre du format Normandie. Après son élection, le président Zelensky a affiché sa volonté de mettre en œuvre l’intégralité des accords de Minsk et l’Ukraine a fait de nouvelles propositions sans qu’aucune aboutisse. En l’absence d’adoption des textes de loi prévus par les accords de Minsk, les Russes ont rejeté la responsabilité principale de leur échec sur les Ukrainiens. Mais en réalité, le volet sécuritaire des accords n’a pas été davantage mis en oeuvre. Il n’y a jamais eu de cessez-le-feu complet, pas plus que de retrait des armes lourdes ou des combattants étrangers. Et la Russie a toujours entretenu la fiction selon laquelle la mise en œuvre de cette partie reposait sur les autorités de fait de Donetsk et Louhansk et que cela ne concernait pas Moscou. Jusqu’en février 2022, l’objectif russe était de présenter ce conflit comme interne à l’Ukraine et d’en attribuer la responsabilité  aux autorités de Kiev, supposées discriminer les populations russophones de l’Est. Moscou cherchait à faire en sorte que les autorités ukrainiennes négocient sur un pied d’égalité avec les autorités de fait de Donetsk et Louhansk afin d’obtenir une forme de fédéralisation de l’Ukraine. Cela aurait octroyé à ces deux régions et donc à Moscou, un droit de regard sur la politique ukrainienne. Donc aucun des deux volets principaux des accords de Minsk n’a été mis en œuvre. Et la responsabilité repose sur les deux parties.

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Et in fine, c’est la Russie qui a mis fin à toute perspective de mise en œuvre ?

Oui, les Russes ont changé de logique en février 2022. Le 21, Moscou annonce reconnaître l’indépendance des républiques de Donetsk et Louhansk. A partir de là, les accords de Minsk n’ont plus de raison d’être puisque leur but était justement de réintégrer ces régions dans l’Ukraine. Les Russes ont clairement jeté les accords de Minsk à la poubelle.

Impossible donc de revenir aux accords de Minsk ?

C’est impossible. A fortiori puisque les Russes ont annoncé l’annexion de quatre régions ukrainiennes à la Russie. Les accords de Minsk font partie de l’histoire mais ils ne sauraient servir de base à une reprise de négociations aujourd’hui.

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