La France, démocratie défaillante : mais qui serait le meilleur candidat 2022 (ou le moins mauvais…) pour la consolider ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les manifestations contre le passe vaccinale (ici, à Toulouse) remettent dans le débat les enjeux de démocratie.
Les manifestations contre le passe vaccinale (ici, à Toulouse) remettent dans le débat les enjeux de démocratie.
©Fred SCHEIBER / AFP

Dégradation

Selon une étude du journal britannique The Economist, l'indice de démocratie au niveau mondial est passé de 5,37 en 2020 à 5,28 en 2021, soit la plus forte baisse annuelle depuis l'année 2010. Ce constat est également visible en France, qui vient de passer dans la catégorie des "démocraties défaillantes".

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Selon une étude du journal britannique The Economist avec Our World in data publiée jeudi 9 février, l'indice de démocratie au niveau mondial est passé de 5,37 en 2020 à 5,28 en 2021, soit la plus forte baisse annuelle depuis l'année 2010. Ce constat est également visible en France, qui a vu son statut passer de « démocratie complète » à celui de « démocratie défaillante » en 2020. Quels sont les critères et indicateurs qui se sont dégradés et qui ont provoqué cette bascule vers une démocratie incomplète en France ?

Christophe Bouillaud : Pour vous répondre, il faut bien déjà comprendre que la détermination du statut de « démocratie complète » ou de « démocratie défaillante » correspond à des seuils dans un indice composite calculé à partir de données portant sur le processus électoral et le pluralisme, sur le fonctionnement de l’Etat, sur la participation populaire aux processus politiques de décision, sur la culture politique et enfin sur les libertés fondamentales. Dans la notation composite ainsi obtenue (avec quatre niveaux possible : « démocratie complète », « démocratie défaillante », « régime hybride », « régime autoritaire »), la France se voit attribuer un score de 7,99, soit juste en dessous de 8,00 qui la qualifierait pour être une « démocratie complète ». Nous faisons tout de même clairement dans ce tableau d’ensemble partie des pays démocratiques. Il y a des pays qui dans ce classement, lié bien sûr à la vision occidentale de la démocratie représentative, obtiennent une note très faible, comme la Chine populaire avec 2,21 ou l’Afghanistan 0,32 (sic), tous deux sans aucun l’ombre d’un doute des régimes autoritaires.

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Là où nous sommes faibles dans cet indice composite, c’est sur la culture politique. Cela correspond à toutes les données de sondage existantes sur la confiance que portent les Français eux-mêmes au processus politique, au régime démocratique, aux partis, aux hommes politiques, à leurs concitoyens, etc. Ce n’est pas très étonnant. Je ne crois pas en effet qu’il existe un seul collègue en science politique en France qui ne soit pas prêt à accepter que nous vivons actuellement une crise de confiance dans le processus politique, et plus généralement dans la manière dont notre société est organisée. Les records d’abstention sur les élections locales des années 2020-21 sont dans tous les esprits. Les mobilisations en dehors de tout parti important ou de toute structure associative importante, comme bien sûr les Gilets Jaunes depuis 2018 et les anti-vax ou les anti-pass, depuis l’été dernier, témoignent aussi de cet aspect.

En dehors de cet aspect, comme beaucoup de pays au moment du plus fort de la pandémie de Covid-19, la France a pris massivement des mesures de restriction des libertés. Cela a joué sur l’indice, et nous sommes loin d’être revenus en arrière sur ces restrictions en 2021.

Charles Reviens : The Economist Intelligence Unit vient effectivement de publier l’actualisation 2021 de son « index global de démocratie » créé en 2006 et dont j’avais commenté il y a un an l’édition 2020 dans une contribution Atlantico. Une synthèse rapide de l’étude est disponible sur youtube.

L’indice mondial s’établit à 5,28/10, alors qu’il faut avoir plus de 8 pour être « une démocratie complète ». C’est le score le plus bas depuis la création de l’indice, la baisse la plus forte depuis la crise financière de 2008-2010. Ce score connaît une baisse continue depuis 2018 et la baisse est particulièrement violente depuis le début de la crise sanitaire.

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« Pour la deuxième année consécutive, la pandémie a été la plus grande source de pression sur la liberté démocratique dans le monde. À cause des fermetures et des restrictions de voyage, les libertés civiles ont de nouveau été suspendues dans les démocraties développées et les régimes autoritaires. De nombreux citoyens, mais pas tous, ont toléré les règles d'urgence et l'élargissement des pouvoirs de l'État. Les divisions s'enracinent entre ceux qui favorisent les politiques de précaution comme les confinements et les vaccinations obligatoires et ceux qui sont hostiles à l'ingérence de l'État et à toute réduction des libertés individuelles. Début 2021, des manifestations liées au covid avaient déjà eu lieu dans au moins 86 pays ; à la fin de l'année, les protestations autour du mouvement antivax faisaient rage de l'Autriche à l'Australie. »

6,4 % de la population des 167 pays étudiés vis dans une démocratie complète, 39.3 % dans une démocratie incomplète (« flawed »), 17.2 % dans un régime hybride et 37.1% dans un régime autoritaire.

Le pays le mieux classé sur les 167 pays notés est la Norvège comme en 2020 (9,75/10), l’Allemagne est 15ème (8,67), le Royaume-Uni 18ème (8,10), les Etats-Unis 26ème (7,85), la Russie 124ème (3,24) et la Chine 148ème (2,21). La Corée du Nord (1,02, 165ème) a perdu la dernière place et est désormais devancée par le Myanmar (1,02) et l’Afghanistan qui a en 2021 le score le plus bas avec 0.32.

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Un point remarquable de l’étude tient à son titre « le Challenge chinois » et l’image choisie fusionne le drapeau de la République Populaire de Chine avec le symbole de la justice. Le défi chinois tient au fait que les démocraties semblent perdre au moins en termes relatifs l’avantage en matière de développement et de prospérité économiques puisque la Chine avec son régime autoritaire et sa 148ème place sur 167 n’en est pas moins la deuxième économie mondiale en terme nominaux, avec vocation à prendre la première place dans les années 1930 selon The Economist.

La France a en 2021 un score de 7.99 identique à celui de 2020. Elle remonte de la 24ème à la 22ème place et est à 0,01/10 point des 21 « démocraties complètes ».

Le score est basé sur 5 segments (processus électoral et pluralisme, fonctionnement des pouvoirs publics, participation politique, culture, politique, libertés publiques). La note la plus faible attribuée par The Economist concerne la culture politique. The Economist note en particulier les faits suivants :

73 % des Français souhaite une réforme majeure ou totale du système politique mais ont peu confiance dans la capacité du système à se réforme (sondage Pew) ;

17 % des Français considèrent qu’un pouvoir militaire constituerait une bonne méthode de direction du pays ;

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Y-a-t-il actuellement dans les discours des candidats à la présidentielle des considérations relatives à ce sujet ? Certains candidats ont-ils dans leur programme des propositions à même de combler les défaillances en matière de démocratie observées par The Economist ?

Christophe Bouillaud : Il faut distinguer les différents aspects.

Sur les libertés publiques, et sur le maintien du pluralisme par exemple dans les médias, le discours est très peu porté, que ce soit à droite ou à gauche. Des associations (comme la vénérable Ligue des droits de l’Homme ou la récente Quadrature du Net) ou des intellectuels engagés, comme Julia Cagé par exemple, en parlent, mais cela est finalement très peu thématisé par les partis de gauche habitués pourtant à défendre ces causes depuis les années 1960. Quant aux partis de droite, en particulier les Républicains, ils n’ont visiblement aucune inquiétude réelle sur ces sujets. Ils ont peut-être tort, et leur candidate Valérie Pécresse serait peut-être en meilleure posture si elle osait rappeler que la France doit rester un Etat de droit et avoir une vie médiatique pluraliste. Bien sûr, comme l’expérience des années 2017-2022 l’a prouvé, la majorité gouvernementale actuelle (LREM/MODEM) ne porte qu’un intérêt plus que limité à ces questions. En effet, selon elle, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et toutes les lois dénoncées par les oppositions comme liberticides accroissent les libertés.

Sur le fonctionnement de l’Etat, je ne vois pas beaucoup de vraies propositions. Surtout les oppositions semblent sous-estimer complètement le travail de sape effectué par le « macronisme » dans les fondements mêmes de notre haute administration. Seule la fonction militaire semble résister à la passion « macroniste » de mettre des managers généralistes partout. Le fait de casser tous les corps spécialisés de la haute fonction publique en faveur d’un « mercato » des talents nous amène sans le dire vers un « spoils systems » à la Française, où la loyauté politique l’emportera définitivement sur la compétence. On commence aussi dans les oppositions à découvrir le rôle toxique des cabinets de conseil, comme le désormais célèbre MacKinsey, dans la décision publique – et aussi dans les dépenses publiques, vu le coût de ces bons conseils. Cependant, pour l’instant, aucun parti n’a clairement pris fait et cause pour le retour à une haute administration neutre, impartiale, spécialisée. Personne n’a clairement dit que l’Etat devait disposer en interne de ses propres ressources d’expertise.

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Sur le problème de la confiance dans les institutions et le processus démocratique, seuls les deux extrêmes du champ politique prennent vraiment le taureau par les cornes.

Du côté du candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, il y a depuis très longtemps la proposition de convoquer à la suite de son éventuelle élection une Assemblée constituante, pour réviser de fond en comble le régime politique en vigueur en France. C’est cohérent avec la critique de longue période portée par la gauche sur la Vème République, un retour au Mitterrand du « coup d’Etat permanent ». Il resterait à voir quelles seraient les solutions que cette Assemblée ferait émerger en son sein pour améliorer la démocratie française. Y aurait-il en son sein une majorité pour établir un vrai référendum d’initiative citoyenne ? Quelle place auraient les collectivités locales ? Etc.

Du côté des deux candidats d’extrême-droite, Marine Le Pen et Eric Zemmour, le succès même de leur candidature, leur élection à la Présidence de la République, est présenté comme la solution à la crise de confiance. Ils prétendent tous deux être en mesure d’incarner l’aspiration du « peuple français » contre des concurrents n’ayant pas cette capacité. De leur propre point de vue, le régime de la Vème République n’est pas vraiment en cause, vu aussi leur révérence envers l’image du Général De Gaulle, c’est l’usage anti-populaire qui en a été fait selon eux par les gouvernants des dernières décennies. Ils évoquent d’ailleurs tous deux la possibilité d’utiliser le référendum tel qu’il existe déjà dans la Constitution.

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Quoi qu’il en soit, le problème de la confiance ne pourra être résolu que le jour où la majorité de la population français aura de nouveau le sentiment que ses demandes sont prises en compte par les gouvernants, par le processus politique. Un des premiers points pour faire avancer le pays en ce sens serait d’adopter un scrutin proportionnel qui interdirait de fait à une majorité politique de députés d’être fondé sur une minorité sociologique d’électeurs trop réduite comme actuellement. Cela supposerait donc de former des gouvernements de coalition. Comme tout le monde y arrive dans les démocraties complètes qui ont ce mode de scrutin, pourquoi en serions-nous congénitalement incapables ? Ce refus de la proportionnelle est délétère, car il empêche aussi certains opposants de progresser politiquement, intellectuellement, en s’opposant au sein même de l’arène parlementaire. Le FN/RN aurait-il eu des députés depuis des décennies qu’il serait sans doute actuellement une force bien plus apte à gouverner, mais aussi sans doute un opposant plus redoutable.

Charles Reviens : La réforme des institutions ne constitue pas une composante majeure des préoccupations des Français, loin derrière les thématiques du pouvoir d’achat, de l’immigration et de l’insécurité. Mais cette question est présente dans les programmes des candidats déclarés à date mais souvent avec des angles d’attaque très différents de ceux de The Economist.

Le programme de Marine Le Pen met en avant la revendication traditionnelle du Rassemblement National concernant la proportionnelle aux élections législatives. Le programme reprend la revendication majeure des gilets jaunes d’instauration du référendum d’initiative citoyenne qui ressemble pour partie à la votation suisse qui existe depuis sa Constitution depuis 1874.

Il faut se rappeler que Marion Maréchal, alors député Front National du Vaucluse, avait réalisé en la matière pour la campagne présidentielles 2017 un travail complet avec rédaction précise d’articles modificatifs de la Constitution : importance du patrimoine historique et des racines chrétiennes de la France, scrutin proportionnel pour les élections législatives, respect de l’expression pluraliste et contradictoire par les médias, référendum d’initiative citoyenne sur pétition de 2 % du corps électoral, référendum d’abrogation d’une loi de moins d’un an sur pétition de 5 % du corps électoral, réduction du Sénat à 200 membres, suppression des questions préjudicielles avant toute interprétation d’un traité par une juridiction, interprétation des lois par le Conseil constitutionnel sur la seule base des articles de la Constitution, suppression des questions prioritaires de constitutionnalité, suppression du Conseil économique, social et environnemental, suppression du titre XV sur l’Union Européenne.

A date on ne trouve rien sur le programme publié sur le site de campagne d’Éric Zemmour mais ses positions en tant que journaliste et chroniqueur sont bien connues : contestation des équilibres institutionnels actuels, critique de l’unanimisme idéologique des médias et du gouvernement des juges. Ses positions détaillées sont probablement très proches des travaux de Marion Maréchal de 2016-2017.

Il n’y a à date rien sur le champ institutionnel dans les 24 pages du programme de Valérie Pécresse. Lors des primaires LR et comme l’expose le comparateur de l’Ifrap, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et Michel Barnier avaient axés leurs réformes constitutionnelles sur le seul enjeu de l’immigration. Eric Ciotti voulait réhabiliter le référendum et inscrire dans la Constitution les origines chrétiennes de la France, des options qui ne sont pas sans rappeler les travaux de Marion Maréchal en 2016 et les positions probables d’Éric Zemmour.

Les questions constitutionnelles sont traditionnellement importantes pour Jean-Luc Mélenchon et sont programme 2022 n’y fait pas exception. Il faut convoquer une Constituante pour mettre fin à la monarchie présidentielle et fonder la VIème République avec comme grands principes « un plan de séparation de l’argent et de l’Etat », l’instauration du référendum d’initiative citoyenne (comme Marine Le Pen), la garantie de la liberté de conscience (visant notamment à éviter la stigmatisation des musulmans), la « démocratisation » des médias et la critique des milliardaires contrôlant les médias privés français.

Chez Yannick Jadot, l’importance est mise sur « la séparation de l’Etat et des lobbys », l’indépendance des médias avec des règles anti-concentration et une gouvernance paritaire, la question de la protection de la liberté face aux plateformes, algorithmes et réseaux sociaux, enfin le renforcement de l’indépendance de la justice.

Le candidat communiste Fabien Roussel veut « rétablir une nouvelle République et rendre au peuple sa pleine souveraineté » avec pas moins de 20 propositions détaillées, avec par exemple des propositions sur les médias : abrogation des textes adoptés depuis 2017 « portant atteinte à la liberté de la presse et de création sur les médias numériques », lois visant à lutter sur la concentration du secteur.

Ces différentes propositions sont bien en phase avec l’insatisfaction démocratique relevée par The Economise ou les analyses de Marcel Gauchet. Les gilets jaunes qui ont constitué dans leur première phase une jacquerie fiscale et un appel à la démocratie directe et à la décentralisation sont passé par là. On note également l’importance générale de l’enjeu des médias et des GAFAM pour la vie démocratique. L’essayiste Idriss Abekane considère sur ce point qu’il faut dépasser le triptyque de Montesquieu exécutif-législatif-judiciaire et nécessairement y rajouter dans l’analyse constitutionnelle les pouvoirs médiatique et monétaire.

Un candidat serait-il mieux placé que d’autres pour espérer un retour au statut de « démocratie complète » ? Au contraire, faut-il s’inquiéter de programmes qui nous éloigneraient plus encore de ce statut, si oui lesquels ?

Christophe Bouillaud : Malheureusement, sauf à être partisan de l’un ou de l’autre extrême et à croire à leur solution, ce candidat qui nous ferait revenir pleinement à ce statut n’existe pas. Ni Macron ni Pécresse pour ne parler que de ceux qui ont une chance de l’emporter selon les sondages disponibles actuellement ne se lancera dans une grande réforme institutionnelle, et aucun des deux n’aura intérêt à réformer le mode de scrutin. Macron aurait pu le faire, et son allié du MODEM a fait pression en vain dans ce sens. Quant aux Républicains, ils sont bloqués sur 1958 et ne bougeront jamais sur ce point, surtout s’ils connaissaient une revanche en 2022. A part avec l’élection d’un Le Pen, d’un Zemmour ou de Mélenchon, qui serait une façon de couper le nœud gordien, nous politistes allons continuer longtemps à disséquer cette crise de confiance, à décrire la hausse des taux d’abstention, à analyser des mouvements sociaux de plus en plus radicaux.

Par ailleurs, la réélection de Macron ne fera qu’accentuer ce processus de délitement de la haute fonction publique, et entérinera de fait la limitation de fait des libertés publiques mise en œuvre lors de son premier quinquennat, dont un droit de manifester de plus en plus réduit. On a bien compris aussi à ses réactions face à des opposants venant lui parler lors de ses déplacements publics que Macron considérait désormais toute critique directe de son action comme « politisée », donc illégitime. Cela augure mal de son comportement lors de son second quinquennat.

Enfin, l’élection de Marine Le Pen ou d’Eric Zemmour nous emmènerait en territoire inconnu. La Vème République comporte malheureusement en son sein tous les ingrédients pour la mise en place d’une dictature, surtout si le nouveau pouvoir savait se rendre populaire. En effet, quand une démocratie devient un régime autoritaire, dans un premier temps, c’est d’abord parce que le pouvoir a su rallier une grande masse de citoyens derrière lui.

Charles Reviens : Le classement de The Economist place la France à 0.01 point sur 10 du seuil de la démocratie complète donc selon eux le chemin est court.

Il me semble toutefois que le périodique britannique passe un peu vite sur les particularités tout à fait spécifiques de l’organisation française. La configuration institutionnelle combine prééminence absolue du Président de la République, qui depuis notamment la réforme du quinquennat en 2000 dispose de prérogatives sans aucune mesure avec les chefs de l’exécutif partout ailleurs dans le monde démocratique, et un système électoral institué dès 1958 (suffrage uninominal à deux tours) conduisant à une faible représentation au Parlement de larges franges de l’électorat et la possibilité pour un parti structurellement minoritaire d’avoir une majorité stable, ce qui serait par exemple totalement impossible en Allemagne où règne la proportionnelle plurinominale et où 4 des 5 derniers gouvernements se sont appuyées sur des coalitions à plusieurs partis.

Cette configuration hexagonale singulière est pourtant tout sauf un gage d’efficacité comme l’indiquait Jean-François Revel dès 1992 dans son magistral essai « l’absolutisme inefficace » et il n’est pas interdit de penser que les titulaires présent ou récents d la fonction présidentielle ont conscience du caractère « impossible » de leur mission comme l’explique par exemple régulièrement Maxime Tandonnet. Le Parlement de plus en plus juniorisé a en outre une faible tradition et capacité de contrôle du gouvernement et de l’administration.

Les programmes évoqués plus haut renvoient à l’insatisfaction démocratique ressentie. A ce titre et concernant Emmanuel Macron plus que probable candidat à sa propre succession, ce qui compte principale ce sont les modalités de l’exercice du pouvoir.

Ainsi the Economist n’a pas manqué de relater l’épisode de l’emmerdement des non vaccinés : « Le président français Emmanuel Macron a déclaré au journal Le Parisien qu'il avait l'intention de rendre la vie des personnes non vaccinées aussi dure que possible, probablement avec l’objectif de rallier derrière lui avant la présidentielle d'avril une majorité des Français, qui sont favorables à la vaccination. Ce pari électoral peut être payant pour le président sortant, mais cela diabolise minorité des non vaccinés, sème la division et fragilise la cohésion sociale en France ».

Cette analyse est donc très proche de ma contribution de début d’année sur le pass vaccinal dont je rappelle la conclusion : « La question de l’efficacité sanitaire est très accessoire par rapport à l’opportunité politique. Il y a une nette domination du ‘cliver fracturer diaboliser’ électoral sur le ‘tester tracer isoler’ de santé publique. Enfin le fait de concentrer toute l’attention publique sur la question du covid à trois mois du premier tour des élections présidentielles permet d’éluder ou au moins de retarder des débats éventuellement plus difficiles ou plus incertains pour la majorité présidentielle. »

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