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Faut-il encore se faire vacciner avec AstraZeneca ?
Faut-il encore se faire vacciner avec AstraZeneca ?
©JUSTIN TALLIS / AFP

Lutte contre la pandémie

Si des cas de thromboses liées au vaccin britannique semblent avérés, voilà les éléments qui permettent de conclure que le bilan avantages/risques de son injection penche très nettement du côté positif.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Les thromboses. C’est le sujet du moment et il est important. Tout d’abord parce que le système de pharmacovigilance est aujourd’hui tellement performant que fort heureusement les signaux d’alerte pour des évènements très rares sont détectés en temps réel. C’est le fantastique résultat de l’utilisation des données de soins. Cette avancée va se poursuivre et le marché du médicament en sera transformé. On peut faire un parallèle avec un autre évènement récent: la trop longue succession de fautes dans la prescription du Médiator. L’utilisation des données de soins aurait pu sauver des vies au lieu de rester sanctuarisées dans les ordinateurs de la sécu.

Ensuite parce que le sujet n’est pas les thromboses en général mais une thrombose en particulier celle des veines du cerveau ou bien de l’intestin. Ces thromboses très rares sont probablement en rapport avec un phénomène immunitaire. Nous sommes passés d’un signal faible à des constatations troublantes et maintenant à un lien possible. Les médecins allemands, danois ou norvégiens sont d’avis qu’il y a un lien avec le vaccin AstraZeneca. Dès lors comment décider et faire un choix rationnel si on choisit de se faire vacciner aujourd’hui?

LE ROYAUME-UNI DEMONTRE L'EFFET INDUBITABLE DU VACCIN ASTRAZENECA EN VIE REELLE

Les britanniques ont vacciné massivement, avec un vaccin à vecteur viral génétiquement modifié le ChAdOx1. Les résultats à court terme sont remarquables.

Figure N°1: ces courbes synchrones ne laissent pas de doute sur la relation de cause à effet entre la campagne de vaccination britannique et la maîtrise de l’épidémie malgré le variant.

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Le vaccin est très efficace et la campagne britannique a démontré quelques aspects intéressants de la vaccination. En particulier le vaccin est efficace chez les personnes âgées, il n’y a pas de décrochage des résultats par rapport à l’essai de phase 3. Il n’y a pas  de différence avec les autres vaccins au niveau de la durée de la protection, un sujet sur lequel on avance au fur et à mesure que le temps passe.

Ce vaccin présente-t-il des effets indésirables plus nombreux?

Concernant les effets indésirables des pourcentages circulent en particulier des comparaisons avec les autres vaccins. Il s’agit d’une information inutilisable pour la raison suivante: les effets indésirables cumulés sont déclaratifs (n’importe qui peut les déclarer) et c’est un bon système d’alerte. Cependant cette alerte est le plus souvent liée à des symptômes qui témoignent d’une réaction immunitaire banale comme une douleur au site de l’injection, de la fièvre ou un syndrome grippal. Or ce vaccin est immunogène, probablement plus que les vaccins à ARN messager. C’est pourquoi on observe ces effets classés indésirables en déclaratif surtout chez les personnes de moins de 55 ans. Nous avons expliqué plus haut qu’il n'entraîne pas plus de thromboses veineuses en général mais qu’il est associé à un nombre plus élevé de thromboses cérébrales, ces thromboses restant un évènement très rare.

Faut-il se faire vacciner par AstraZeneca?

Pour répondre, comme avec tous les vaccins il faut avoir une idée du rapport bénéfice/risque . Ce qui intéresse les Français c’est bien sûr de pouvoir se faire un avis sur des bases rationnelles. La discussion avec leur médecin est essentielle. La mesure du risque aussi. Le tableau N°1 contribue à cette évaluation du risque. Je précise qu’il n’est pas fait état de la morbidité ni des séquelles pour les survivants de l’infection grave. S’agissant simplement de la mortalité, elle est évaluée en nombre de décès pour 1000 en cas d’infection par le Sars CoV 2. Il s’agit de statistiques prenant en compte la souche historique et pas spécialement un des variants actuels. Le risque d’une thrombose cérébrale associée à la vaccination reste de l’ordre de quelques cas par million. Nous constatons que le risque de mortalité par la Covid-19 est au moins mille fois supérieur à celui d’une thrombose de ce type sauf pour la personne à faible risque: “Une femme de 31 ans, d’ethnicité blanche, avec un IMC <30” .

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Dans ce contexte, il est assez facile de comprendre que de nombreux Français ont intérêt à se faire vacciner le plus tôt possible avec le premier vaccin disponible. Il apparaît aussi très logique de réserver l’AstraZeneca aux personnes de plus de 50 ans. Il faut aussi rappeler que les hommes sont sous représentés dans la cohorte des thromboses cérébrales observées alors qu'ils ont à tout âge un risque de mortalité par la Covid-19 plus élevé que les femmes.

Confiance et rationalité

Les scientifiques, dont les médecins, doivent décrire les faits sans les dissimuler. Ce n’est pas en répétant que le rapport bénéfice/risque est favorable que l’on améliore la confiance dans les vaccins anti-Covid-19 au contraire. Il faut d’abord saluer la perspicacité des médecins qui ont su très vite réagir à un signal d’alerte dissimulé par le caractère exceptionnel de la pathologie (thrombose veineuse cérébrale). Dans ces situations la controverse est un puissant facteur de résolution de problèmes. Les chercheurs danois, allemands ont fait en très peu de temps un travail remarquable. Pour autant il n’est pas étonnant que le public se détourne de ce vaccin. Ce serait très défavorable à ceux et celles qui ont un risque élevé que ce changement d’attitude se prolonge. En effet, nous sommes très en retard dans la campagne de vaccination par rapport à la dynamique de l’épidémie. Ce retard pourrait s’aggraver. Il faut engager la discussion et parler évaluation du risque. Du coup la présence d’un médecin devient incontournable et la connaissance des antécédents du patient aussi.

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  • Vaccin ChAdOx1 (Chimpanzee Adenovirus Oxford 1) d'où vient l’incertitude?
    S’agit il de thromboses en général ou de certaines formes graves de la maladie thrombo-embolique? Entre une phlébite du mollet qui va guérir sans séquelles et une embolie pulmonaire avec ou sans coagulation intravasculaire disséminée potentiellement mortelle ou bien une thrombose veineuse du cerveau, chacun peut comprendre que ce n’est pas la même thrombose, pas le même signal de pharmacovigilance. Entre une personne à haut risque de faire une thrombose veineuse et qui l’a fait après l’injection (une femme tabagique sous oestro-progestatifs, un homme ayant un cancer du poumon, quiconque faisant une péritonite appendiculaire après la vaccination) et une personne sans risque préexistant qui la fait aussi après l'injection, l'alerte n’est pas du tout la même.
  • C’est pourquoi ce n’est pas le nombre d’effets indésirables rapporté aux doses injectées ou au nombre de patients qui constitue le signal. Et le fait que ce nombre soit plus faible que celui attendu dans une population similaire non vaccinée n’est pas suffisant pour écarter le Yellow Card (Carton Jaune de la pharmacovigilance). Pour autant il faut retenir cet aspect quantitatif. Il pourrait démontrer en réalité que le vaccin diminue dans cette population le risque de thrombose en général tout en augmentant les pathologies thrombotiques de consommation, deux signaux contradictoires qui ont peut être trompé la surveillance au début.
  • Les cas de thrombo-embolie grave avec des troubles de la coagulation comme des saignements et/ou une thrombopénie (chute du nombre de plaquettes sanguines) sont beaucoup plus rares que les thromboses veineuses en général.
  • Plusieurs (peut-être plusieurs dizaines en raison du nombre de millions de personnes vaccinées?) cas de thrombose veineuse cérébrale sont survenus très près de l’injection (environ une semaine), il s’agit aussi de cas extrêmement rares dans une population non vaccinée (de l’ordre de 1 à 3 par million) et donc inhabituels.
  • Un doublement de l’incidence dans le groupe vacciné est très difficile à détecter car il s’agit par exemple de mesurer une augmentation de 1-3 à 3-6 cas par million).


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