Covid : la simple évocation d’un reconfinement partiel signe l’échec de la stratégie sanitaire du gouvernement<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron. AFP
Le président Emmanuel Macron. AFP
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Covid-19

Même si la France s’en sort mieux que ses voisins européens à l’heure actuelle, elle manque d’une vraie stratégie de santé publique qui pourrait permettre de véritablement écarter la menace d’un confinement.

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave est Biologiste médical, ancien Assistant Hospitalo-Universitaire en microbiologie et ancien Assistant Spécialiste en immunologie. 

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Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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On voit que face à la nouvelle vague épidémique en Europe, plusieurs gouvernements reprennent des mesures drastiques, fermeture des commerces plus tôt aux Pays-Bas, confinement des non-vaccinés en Autriche alors que nous pensions le pire derrière nous. Que s’est-il passé ?

Jérôme Marty : On pensait s’en être débarrassé sur le plan Français, mais nous n’avons pas la main sur les autres pays. L’Europe de la santé n’existe pas, c’est d’ailleurs ça le problème.

Si nous avions eu une normalisation de la lutte contre ce virus, nous n’aurions pas ces différences entre les différents pays. Chacun à fait comme il le voulait : l’Allemagne, la France, l’Angleterre et les pays de l’Est ont agi individuellement. 

La Bulgarie ne compte que 20% de personnes vaccinées, d’autres pays comme l’Autriche qui sont à 65%, le taux de vaccinés n’est pas le même suivant les pays, la façon d'appréhender les gestes barrières varie elle aussi.

Le relâchement après le début de la vaccination a été beaucoup plus important d’un pays à l’autre. Les états européens qui ont péché en termes de non-vaccination ou d’abandon des gestes barrières trop tôt le payent aujourd’hui.

Certains pays comme l’Autriche mettent en place le confinement des non-vaccinés, car ils sont encore nombreux contrairement à chez nous. La France compte de son côté 75% de vaccinés, 80% concernant la vaccination partielle. Il reste cependant trop de population cible qui n'a pas encore reçu ses doses : il reste 10% d’individus de plus de 80 ans à vacciner.

Ces gens-là sont chez eux, isolés, ils encourent donc moins de risques. Les patients âgés que l’on a hospitalisé, et morts de la Covid-19 sont principalement issus de collectivités et non pas de maisons de retraite. Ils représentent 8 ou 9% à peine des personnes âgées, contre 91% de seniors qui vivent à domicile, ce ne sont pas eux qui seront hospitalisés.

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A partir de là, il faut raison garder par rapport à la montée exponentielle du virus. Nous avons toujours un souci avec les non-vaccinés qui vont favoriser la circulation virale, c’est une évidence. Si par la suite on se pose la question de mettre en place un pass vaccinal ou de confiner les personnes non-vaccinées, c’est une décision politique. En tant que médecin, je n’en vois pas l’utilité.

Je préfèrerais que ce gouvernement ait une vraie politique de santé publique et communique de façon efficace à la fois sur le vaccin, en expliquant ce qu’est un vaccin ARN, comment est-ce qu’il fonctionne, pourquoi est-ce qu’il ne comporte pas de risques, quels sont les effets secondaires…

Il faut prendre les gens pour des adultes, et bien communiquer. J’aurais souhaité que l’Assurance maladie joue son rôle sans se reposer uniquement sur les médecins.

Cet organisme envoie chaque année un courrier pour recommander aux gens de se vacciner contre la grippe, pourquoi ne pourraient-ils pas le faire pour la vaccination contre la Covid-19 ?

La proportion est à peu près la même que pour la vaccination contre la grippe, elle est même moindre. Il suffit de cibler les individus concernés.

Qu’est ce qui empêche le gouvernement de le faire ?

Ce sont des choses simples qui ne sont pourtant pas faites. 

On n'a par ailleurs pas de communication officielle sur le fonctionnement de l’aération ,avec des animations, qui montrent bien la comparaison entre les aérosols et la fumée de cigarette, comme en Australie ou ailleurs.

Il paraît nécessaire de fournir les écoles en détecteurs de Co2, tout ça n’est pas fait. Le reste fait partie des décisions politiques, comme le pass sanitaire.

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Claude-Alexandre Gustave : 

Chaque étape de la pandémie est encore et toujours gérée à rebours, sans anticipation, au mépris des données de la science. Cela en devient plus que décourageant. Cela fait des mois que le problème des écoles est pointé du doigt. Au lieu de les sécuriser, on a préféré le simple déni, qui est au passage la meilleure solution pour risquer un impact néfaste sur la scolarité des enfants.

Idem pour le rôle des aérosols, et on en est encore à parler de gel hydroalcoolique au lieu de massivement agir sur la ventilation des lieux clos, les masques de protection. Le « quoi qu’il en coûte » a dilapidé des milliards, certes pour aider des entreprises qui en avaient besoin, mais cela n’a absolument pas réglé le problème sanitaire. Au lieu de ça, des millions investis dans les ventilations et filtrations HEPA auraient non seulement éviter ces restrictions, mais aussi protéger les citoyens et drastiquement changé le cours de l’épidémie en ramenant le risque de contamination en lieux clos au même niveau qu’en extérieur = limité au risque « gouttelettes », et donc limité au risque de croiser directement un infecté (alors que sans ventilation des lieux clos, le risque est décuplé par la persistance des aérosols qui permettent une contamination sans croiser directement l’infecté).

Idem encore avec les 3èmes doses pour tous, les données sont pourtant claires, et issues de divers pays, et on retrouve une opposition massive en France. On va donc s’engager dans l’hiver en pleine phase de perte de protection vaccinale, et on comprendra notre erreur trop tardivement, avec des rappels faits en catastrophe début 2022 et donc trop tardivement pour protéger face à la vague actuelle.

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Idem encore, quand on ne comprend toujours pas que la vaccination n’empêche pas l’infection mais les formes symptomatiques et graves. Donc une réponse 100% vaccin, sans mesures de lutte contre les transmissions sera vouée à l’échec encore et encore, et laissera le virus évoluer encore et encore.

A chaque fois, on croira être quasiment arrivé au bout du tunnel… Jusqu’à l’émergence d’un nouveau variant doté d’échappement immunitaire, et qui relancera une vague de contaminations et de formes sévères. L’OMS le dit pourtant depuis des mois, et c’est de toute façon une évidence immunologique, les vaccins seuls n’empêcheront pas la circulation virale. Mais on s’obstine à vouloir retourner à la vie de 2019, simplement en vaccinant des fragiles. C’est absurde. La solution ne peut passer que par une vaccination la plus large possible ET des mesures durables de lutte contre la transmission virale (notamment une véritable « révolution » sur la ventilation des espaces clos et masques de protection notamment pour les transports et lieux ne pouvant pas être ventilés).

Un autre domaine où ce pays montre clairement qu’il a perdu pied, avec l’article du Monde s’appuyant sur un papier du JAMA remettant les covid longs à une simple « somatisation ». Ce papier, français, nie une évidence scientifique reconnue dans le monde entier, en s’appuyant sur un biais majeur qui est de documenter une infection passée par SARS-CoV-2, sur les seules sérologies ! C’est soit une incompétence majeure, soit une malhonnêteté sans nom ! Une sérologie virale ne sert pas à exclure une infection (>20% des infectés ne produisent pas d’anticorps, les anticorps disparaissent avec le temps, et les infections « avortées » restent séronégatives voire même RT-PCR négatives alors que le virus est bien là).

Bref, je crois que l’Europe, et notamment la France a définitivement perdu pied face à ce virus. Trop de désinformation, trop de mépris des données scientifiques. Il n’est pas étonnant que la population se détourne totalement des mesures barrières, voire même de la vaccination. C’est désolant, d’autant plus que l’on possède tous les outils (tests, masques, vaccins), la connaissance des modes de contaminations (notamment aérosols) et plus de 20 mois pour développer le contact tracing en s’inspirant des outils étrangers… et on repart dans la même mascarade qu’en 2020. On nous refait même le discours de « nos voisins sont moins bien préparés, chez nous ça n’arrivera pas ». En février 2020 c’était avec l’Italie, maintenant c’est avec l’Allemagne. Toujours beaucoup de com, mais rien de concret pour lutter contre l’épidémie.

Atlantico : Les nouvelles mesures strictes prises en Europe et qui pourraient arriver en France sont-elles la conséquence d’une politique de santé insuffisante ? Si on avait mis en place ces politiques publiques, aurions-nous pu nous passer de ces mesures de reconfinement ?

Jérôme Marty : C’est probable, on aurait sûrement eu de bien meilleurs résultats. Dans de nombreux pays dont la France, il y a eu des ratés et il y en a encore. Sur cette vague la France s’en sort plutôt mieux, tant mieux. Mais si on avait véritablement appris sur cette maladie, si chacun avait joué son rôle convenablement, nous n’aurions pas eu autant de casse et nous n’en serions pas dans cette situation aujourd’hui. 

Jouer son rôle pleinement, ça veut aussi dire qu' il faut qu’il y ait une normalisation des discours au sujet des discours antivax et complotistes, ce qui n’est pas fait au plus niveau de l’Etat. De nombreux journalistes le font, mais je n’ai pas l’impression que l’Etat prenne ces mouvements au sérieux. 

Vous avez des individus qui ont peur du vaccin, qui se posent encore des questions et qui ne sont pas influencés. Les antivax sont cependant en majorité manipulés. Le problème qui se pose, c’est de savoir ce qu’il faut faire des gens manipulés, qu’est ce que le gouvernement à prévu pour les prendre en charge ? 

Une campagne électorale n’excuse pas tout. Quand je vois qu’on laisse dire tout et n’importe quoi du côté de Florian Philippot ou de Nicolas Dupont-Aignan, alors que du côté des médecins nous sommes en train de nous saigner pour organiser les choses, de lutter contre un virus, qu’on soit hospitalier ou médecin de ville, on constate ces gens qu’on laisse agir, en manipulant la maladie, comme si on pouvait être pour ou contre. Il faut une vraie réponse, des actes, et pas des déclarations grandiloquentes d’Olivier Véran.

Peut-on jauger l’efficacité des mesures instaurées actuellement en Europe tel que le confinement des non vaccinés ?

Jérôme Marty : Nous n’avons pas d’exemple, mais nous allons regarder les choses de près. Ce qu’on sait, c’est qu’être vacciné diminue le potentiel de contamination de 50% environ. La personne contaminée dégage moins de virus moins longtemps. Les non-vaccinés sont donc plus contaminants, donc les isoler n’est pas absurde.


Ces mesures sont-elles proportionnées face à l’épidémie qui reprend ? 

Jérôme Marty : Le problème est que ce sont des mesures qui se prennent en catastrophe. Ce sont des mesures que vous prenez lorsque vous avez déjà perdu la première partie de la bataille. Si on prend rapidement les mesures qui vont bien, comme évoqué plus haut, il n’y a pas besoin d’en arriver à ces décisions. Mais dans ces situations-là, vous payez l’échec de vos politiques précédentes. Les confinements sont les symboles de l’échec de tout ce qui a précédé. On confine parce que l’on a échoué. En France, je ne suis pas certain du tout que ce type de mesures soit possible à mettre en place, au regard de la dynamique d’opposition entre vaccinés et non vaccinés, en période électorale. Mais c’est une décision politique et je ne sais pas s’il est raisonnable de jeter de l’huile sur le feu. Et sur le plan sanitaire, vu la situation française, je ne suis pas sûr que cela soit très efficace. Nous sommes à 75 % de  vaccinés, la fracture sur le sujet est importante et il faut éviter de politiser la Covid. Ce qu’il faut, c’est mettre le paquet sur les populations sensibles car nous sommes plutôt en train de gagner la bataille. Nous vaccinons chaque jour un peu plus. 

La troisième dose pourrait-elle notre talon d’Achille ? 

Jérôme Marty : Pour les populations déjà vaccinées, je ne pense pas que cela pose de problème. Par essence, la personne qui fait sa troisième dose a déjà fait les deux premières, donc elle n’est pas antivax et elle a compris l’intérêt de la vaccination. De plus, dans les populations cibles, les personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques savent qu’elles sont à risque et ont plutôt tendance à réclamer leur dose de rappel. Ceux que l’on a du mal à toucher sont les mêmes que pour la première et deuxième dose. 

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