COP 27 : l’urgence pour le monde est (aussi) de s’adapter à un dérèglement climatique qu’il ne pourra pas éviter <!-- --> | Atlantico.fr
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John Kerry, le Premier ministre britannique Rishi Sunak, Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen, le président sud-africain Cyril Ramaphosa et Olaf Scholz se rencontrent en marge de la COP27.
John Kerry, le Premier ministre britannique Rishi Sunak, Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen, le président sud-africain Cyril Ramaphosa et Olaf Scholz se rencontrent en marge de la COP27.
©LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Protection de l'environnement

Alors que la COP 27 a officiellement débuté, quels sont les chantiers prioritaires pour les dirigeants du monde entier dans le cadre de la protection de l'environnement face au réchauffement climatique ?

Michel de Rougemont

Michel de Rougemont

Michel de Rougemont, Ingénieur chimiste, Dr sc tech, est consultant indépendant. www.mr-int.ch. Par ses activités dans la chimie fine et l’agriculture, il est confronté, sans les craindre, à maints défis liés à la sûreté des gens et l’environnement. Son essai intitulé “Réarmer la raison. De l’écologie raisonnée à la politique raisonnable” est en vente en ligne sur Amazon.
Il a aussi publié un essai critique “Entre hystérie et négligence climatique”. Il anime un blog blog.mr-int.ch, un site sur le climat climate.mr.int.ch et un autre site sur le contrôle biologique en agriculture about-biocontrol.mr-int.ch.

 

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Samuel Furfari

Samuel Furfari

Samuel Furfari est professeur en géopolitique de l’énergie depuis 20 ans, docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB). Il a été durant trente-six ans haut fonctionnaire à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne. Auteur de 18 livres.

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Jean-Paul Oury

Docteur en histoire des sciences et technologies, Jean-Paul Oury est consultant et éditeur en chef du site Europeanscientist. com. Il est l'auteur de Greta a ressuscité Einstein (VA Editions, 2022), La querelle des OGM (PUF, 2006), Manifester des Alter-Libéraux (Michalon, 2007), OGM Moi non plus, (Business Editions, 2009) et Greta a tué Einstein: La science sacrifiée sur l’autel de l'écologisme (VA Editions, 2020).

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Atlantico : Alors que la COP 27 se tient actuellement en Égypte, beaucoup des discours insistent sur la nécessité d’empêcher le dérèglement climatique. Oublie-t-on trop souvent que le réchauffement climatique est déjà en partie inévitable ? 

Michel de Rougemont : En effet, la confusion est grande. Parler de dérèglement suppose qu’un ordre établit prévalait qui se serait détérioré, ce qui est absurde mais renforce l’obsession du paradis perdu.

Le réchauffement en cours est indéniable. Il est global et concerne un énorme système qui s’est mis en marche il y a deux siècles environ et qui chauffe à la vitesse actuelle de 1,1 °C par siècle. Comme un paquebot, une fois un élan donné et quelque peu poussé par l’activité humaine, il n’est pas possible de changer abruptement son cours ni de le stopper.

Il faut donc compter que ce réchauffement suive une trajectoire que toute action immédiate n’influencera que peu, et ce pour longtemps.

Samuel Furfari : L'annonce par le Secrétaire général de l'ONU d'un « suicide collectif » et que « nous sommes sur l'autoroute de l'enfer climatique » est indigne d'un diplomate. Son rôle n'est pas d'être un militant du climat. Tout ce qu'a dit Antonio Guterres est exagéré ; or on sait, en France, que tout ce qui est excessif est insignifiant. Il est jupitérien de penser que l'homme peut dominer le climat, qui a changé depuis des milliers d'années, qui change encore et qui changera demain et après-demain. Il est plus coupable que François Hollande qui a affirmé bêtement que le changement climatique anthropique provoque des tsunamis, car le GIEC dépend de lui.

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Une majorité de scientifiques, qui ont l'oreille des médias et vivent de leurs recherches financées par des gouvernements effrayés, affirment que la température augmente. Guterres a même suggéré que l'augmentation s'accélère. Depuis la révolution industrielle, la température a augmenté. Mais elle n'est pas aussi élevée que celle que la Terre a connue à d'autres périodes, notamment pendant ce qu'on appelle « l'optimum médiéval », entre 900 et 1300. Les professeurs d'histoire du Moyen Âge, par exemple Alessandro Barbero, parlaient bien avant la frénésie du changement climatique anthropique. Ils expliquaient que la prospérité de cette période était due à une meilleure alimentation, car les récoltes étaient abondantes grâce à la température plus élevée. C'est à partir de cette période que la population a également commencé à mieux se vêtir et à développer l'artisanat comme jamais auparavant. Tout cela était dû à une température optimale.

Une étude réalisée en 1964 par le Meteorological Office of England estimait que la température en Angleterre était supérieure de 1,2 à 1,4 °C à la « température moyenne mondiale » actuelle. Olivier Postel-Vinay dans son récent ouvrage Sapiens et le climat, une histoire bien chahutée montre que les fluctuations climatiques étaient d'une intensité et d'une durée sans commune mesure avec celles de la situation actuelle. Quel chef d'État aura le courage d’expliquer à Guterres que notre climat n'est pas exceptionnel ?

Les thermomètres terrestres et les mesures de température par satellite montrent que la température globale de la basse troposphère a augmenté de plus ou moins de 0,8 °C entre 1880 et 2018, soit environ 0,01 °C/a. Dans son rapport 2019, le GIEC prévoit une augmentation de la température depuis l'ère industrielle comprise entre 0,8 °C et 1,2 °C. De plus pendant les 8 dernières années (2015-2022), les températures globales fluctuent autour d’un palier, voire, diminuent très légèrement. Dans tous les cas, la réalité n’est pas ce que dit Antonio Guterres.

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En outre, le GIEC accompagne ses scénarios d'augmentation de la température de probabilités. Ceux qui dépassent 1,5 °C en 2100 ont des probabilités extrêmement faibles. Parler d'une augmentation de 3 °C, comme certains journalistes aiment le faire, sans dire que c'est peu probable, est un mensonge médiatique.

Jean-Paul Oury : Je voudrais tout dabord préciser que mes réponses relèvent de la politique scientifique car cest bien de cela quil sagit ici. Si je reformule votre question dans mes termes, jarrive à "peut-on mettre en place une climatocratie mondiale ?" Autrement-dit, un régime politique qui pourrait prendre des mesures universelles pour agir de manière politique sur le changement climatique. L'autre question à se poser est alors de savoir ce que peuvent les politiques à part taxer, légiférer, réglementer, interdire, empêcher, limiter et si ces mesures auront un effet quelconque sur le climat sans dégrader notre qualité de vie ? Si on laisse les politiques prendre le lead sur le sujet du climat on va forcément aller vers des mesures sacrificielles et restrictives. Cest dailleurs le défaut de cette climatocratie qui se met en place progressivement : on a assisté ces dernières années à une récupération de la science par la politique. Cest ce que jessaye de montrer dans mon nouvel ouvrage Greta a ressuscité Einstein. Par des ruses  et des sophismes, le discours politique instrumentalise la science pour simposer plus facilement (on vous assène des « la science a dit » pour mieux vous contraindre à certaines mesures). Un des premiers sophisme est laffirmation dun consensus climato-catastrophiste. Il y a plusieurs avis au sujet de la thèse du réchauffement climatique anthropique, mais les politiques voudraient quil ny ait quun seul son de cloche, celui qui soutient le scénario le plus catastrophiste et dans lequel lhumanité est la principale responsable. Ce raisonnement permet alors à certains de tenir le discours que cest notre civilisation capitaliste et la croissance quelle implique qui est à lorigine de cette situation, et qu’en toute logique la solution consiste à empêcher ce développement. Cela consiste à tout miser sur la mitigation, alors quon sait davance que ces politiques nauront pas deffet dans limmédiat et quils seront minimes en plus de coûter une fortune. Il faut insister pour pouvoir réfléchir sur d’autres solutions.  

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De plus en plus de voix se font entendre qui - sans remettre en cause les travaux du GIEC - dénoncent le traitement catastrophiste du sujet que font les politiques, les ONG et les médias. Cest le cas dauteurs tels que Koonin, Lomborg, Shellenberger, ou encore Smil. Il est très important de les écouter car alors on ouvre le champ des possibles : on comprend que le changement climatique est une constante et que lhomme doit en permanence sadapter et en raison de cela il nest pas condamné à la décroissance. Et surtout, on est obligé de se poser la vraie question : quelle est lefficacité d’une COP (pour Climatocratie Organisée de manière Provisoire) ? Force est alors de constater que lAccord de Paris dont lobjectif est de limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C a été insuffisamment évalué comme l’a souligné Bjorn Lomborg. Selon ce dernier si on avait effectué une évaluation, on aurait pu alors se rendre compte que c’était laccord le plus cher de lhistoire de lhumanité avec une estimation de 1 à 2 trillions $ tous les ans à partir de 2030 sil est mis en œuvre : « Même si chaque gouvernement de la planète tient non seulement toutes les promesses de cet accord, réduit toutes les émissions dici 2030 et ne transfère aucune émission vers dautres pays, mais maintient également ces réductions d’émissions pendant le reste du siècle, les températures ne seront réduites que de 0,17 °C. (0,3 °F) dici lan 2100 » Avant de commencer une nouvelle COP il serait bon de faire le bilan des précédentes. Mais là ça implique la science et non plus la politique.

Faisons-nous actuellement suffisamment assez d’efforts pour s’adapter à la part du dérèglement climatique qui est inévitable ?

Michel de Rougemont : Dès le protocole de Kyoto en 1997, les politiques climatiques sont focalisées sur une cause, maintenant déclarée unique et sans précédent, les émissions de gaz à effet de serre, et donc sur la nécessité d’en réduire l’ampleur. Certes, les accords de Paris contiennent aussi un volet dédié à l’adaptation, c’est-à-dire se donner les moyens de vivre avec le problème. Cependant, les engagements des pays sont pratiquement liés à la réduction des émissions afin, supposément, de contenir la montée de la température en-dessous de 2 °C, objectif révisé ensuite à 1,5 °C.

Les efforts d’adaptation ne sont toujours pas prioritaires dans l’esprit des milieux climatiques car ils peuvent craindre que cela conduise à une banalisation du réchauffement puisque nous pourrions nous en accommoder. Pourtant il s’agit de mesures bien moins coûteuses que des monstrueuses « transitions énergétiques » impliquant la transformation de 88,3 % de l’approvisionnement en énergie du Monde qui est réalisé à l’aide de charbon, de pétrole ou de gaz.

Samuel Furfari :La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (adoptée à Rio de Janeiro en juin 1992) prévoit deux volets pour contrer les effets du changement climatique. D'une part, la réduction des émissions de gaz à effet de serre — principalement le CO₂ produit par les combustibles fossiles — mais aussi l'adaptation, car cette convention reconnaît implicitement qu'il est impossible de contrôler les effets du climat. Mais la véritable motivation des activistes climatiques n'est pas de pallier les conséquences d’éventuels désastres climatiques, sinon ils auraient plébiscité l'énergie nucléaire qui ne produit pas de CO₂. Leur motivation est malthusienne — c'est pourquoi ils rejettent l'énergie infinie de l'énergie nucléaire — et qu’ils adoptent son corollaire, la décroissance.

Toutes les politiques qu'ils mettent en avant pour réduire les émissions mondiales de CO₂, appelées aussi politiques de transition énergétique, ont fait leurs preuves depuis 49 ans, c'est-à-dire depuis le choc pétrolier de 1973. On n'a pas attendu Guterres et ses outrances pour essayer de développer les énergies renouvelables et les économies d'énergie. Tout cela a été fait depuis longtemps. Avec des milliards d'euros ou de dollars, nous avons réussi, dans le monde et dans l'UE, à produire 3 % de l'énergie primaire à partir d'énergies qu’ils appellent douces. L'éolien et le solaire sont peut-être sympathiques, mais ils sont et resteront marginaux. Nous ne pouvons plus cacher cette réalité. Nous avons essayé, maintenant nous savons qu'ils sont dérisoires. Nous devons cesser de penser que le changement climatique peut être atténué par les énergies renouvelables. Point suivant !

Jean-Paul Oury : Là où on voit quon est dans la sphère politique cest que le discours sur le climat a recours à la démesure (le contraire de la mesure qui est le propre de la science) Les militants sont toujours en train de dire quon nen fait pas assez, quil faut en faire plus, quil faut agir tout de suite maintenant… cest dans ce sens par exemple que Greta Thunberg s’était fait remarquer à l’issue de la COP 26 avec son « no more blah blah blah »… Mais le problème cest que les personnes qui ont recours à ce genre de discours ne quantifient jamais le « assez » ou sont incapables de dire concrètement ce quil faudrait faire. Ils restent dans linvocation pieuse. Les activistes du climat accusent sans cesse les pouvoirs publiques de ne pas agir suffisamment vite, ou avec suffisamment de moyens… Il ny a cependant pas dordre de grandeur à mettre en face de ces réclamations et autres appels à lurgence. Et aussi on peut imaginer le pire. Cest ainsi que lon voit de plus en plus dactions d’éco-terrorisme. Limpulsion a été donnée par Roger Hallam fondateur du groupe extinction rébellion. Dans lobjectif de mieux installer la Climatocratie, on imagine parfaitement que les politiciens zélés sappuient sur les pires scénarios pour appliquer des mesures très contraignantes sans prendre en considération les conséquences pour les populations (la fin justifiant les moyens). Cela dailleurs sest déjà produit : la décision dEmmanuel Macron de mettre une taxe élevée sur les carburants a mis les gilets jaunes dans la rue… Or il y a toujours cette croyance que lon peut passer directement des modèles que nous propose la science à des lois que lon pourrait décréter sur le plan politique. Cela na rien de nouveau. Une véritable évaluation doit mettre à plat les coûts et les bénéfices attendus, comme l’a fait par exemple le prix Nobel d’économie William Nordhaus en ébauchant différents scénarios.

Quelle serait la bonne stratégie pour agir afin de s’adapter convenablement ? Quels sont les chantiers prioritaires ?

Michel de Rougemont : Les risques majeurs tels qu’ils sont anticipés concernent la montée des eaux en régions côtières, une vie inconfortable et malsaine sous des températures plus souvent caniculaires, et des conditions plus difficiles pour une agriculture qui doit néanmoins maintenir et améliorer son haut niveau de productivité. Ce sont là les priorités, locales pour les zones menacées, et ayant des implications pour l’habitat ainsi que l’urbanisation. De son côté, l’agriculture continuera d’améliorer ses semences et ses pratiques permettant de résister aux divers stress qu’un climat plus chaud peut infliger aux plantes et au bétail.

La question est toujours posée d’une augmentation possible de l’intensité et de la fréquence d’événements météorologiques — inondations, sécheresses, incendies de forêts, ouragans, etc. Ce n’est pas encore le cas mais, par les aléas d’un été caniculaire, sec et enflammé, la tentation est grande de le croire alors que même le GIEC ne partage pas telles analyses et attributions abusives. Les moyens d’y faire face n’ont pas cessé de s’améliorer et, relativement aux populations exposées, les dégâts causés sont bien moindres que par le passé. Une adaptation peu populaire consistera aussi à annuler des permis de construire en des zones exposées aux éboulements ou à des crues soudaines.

Samuel Furfari :On nous effraie avec les tempêtes tropicales et les inondations. Ce sont des phénomènes naturels qui ont toujours existé. La Réunion est française et les maisons sont construites avec les règles et le savoir-faire français. Quand la tempête arrive, les maisons résistent. D'ailleurs, les habitants sont dûment informés de ne pas être dehors. Résultat, il n'y a pas de catastrophe. Aux Philippines, au Bangladesh et ailleurs, où les maisons sont faites de tôles, la tempête détruit tout sur son passage.

Changement climatique ou pas, la bonne gouvernance et la création de valeur sont les conditions pour éviter les catastrophes. Or, la création de valeur ajoutée dépend de la consommation d'énergie, et comme nous sommes incapables de produire plus de 3 % de notre énergie à partir de sources renouvelables, ces pays doivent utiliser des combustibles fossiles. Puisque celles-ci émettent du CO₂, afin de ne pas souffrir des catastrophes — causées par le changement climatique anthropique ou non, les émissions mondiales de CO₂ vont augmenter. Comprenez-vous pourquoi les militants cachent ce fait évident ?

Jean-Paul Oury : De grandes messes comme les COP sont toujours suivies de recommandation pour la piétaille. Mais celle-ci est de moins en moins dupe et s’étonne de plus en plus de voir les leaders d’opinion qui lui recommandent de se déplacer en bicyclette, aller défendre le climat en Jet privé. La climatocratie a réussi à fourguer dans la tête des gens que les mesures sacrificielles étaient les plus efficace pour lutter contre le changement climatique et qu’il fallait ralentir le rythme de la croissance, puis s’appauvrir collectivement et individuellement afin de diminuer notre empreinte carbone. Par exemple, selon Pia Mamut chercheuse à luniversité de Munster, affirme que « pour limiter limpact du secteur sur lenvironnement, la rénovation énergétique des bâtiments nest pas la solution ». A contrario, elle a calculé un nombre de mètres carrés autorisés par personne qu’elle évalue entre 14 mètres carrés minimum à 20 mètres carrés maximum pour une personne seule. Certaines sociétés imaginent déjà des applications pour calculer et limiter l’empreinte carbone de chaque individu. C’est le cas de la société suédoise Doconomy, par exemple qui réfléchit à des cartes de crédits qui calculent notre empreinte carbone en fonction de nos achat. Or de nombreuses études montrent qu’un effet rebond suit chaque démarche sacrificielle individuelle. Les individus dépensent ailleurs ce qu’ils ont économisé. Qu’il s’agisse de comportement individuel ou de politiques publiques, encore une fois il semble nécessaire de faire une véritable évaluation de celles-ci et faire un calcul coût-bénéfice. On s’apercevra alors qu’il vaut sans doute mieux privilégier la croissance et le développement économique pour être plus résiliant face au changement climatique et être mieux à même de s’adapter.

Faut-il pour cela revoir en partie l’objectif ainsi que l’organisation des COP ? Et privilégier des solutions locales à un consensus mondial ?

Michel de Rougemont : Un consensus nouveau est en train de se former qui reconnaît que le réchauffement ne pourra pas être contenu en dessous de 1,5 °C, et même 2 °C. Rappelons que l’on en est à 1,2 °C. Attendons le septième rapport du GIEC, dans 6 ou 8 ans, pour que ce non-secret soit officiellement validé par cet aréopage.

L’ironie est donc que la mise en œuvre de mesures de réduction à un « net zéro » des émissions de gaz à effet de serre devra être accompagnée, précédée même, par une multitude de mesures d’adaptation, tant locales que de plus large portée. C’est moins spectaculaire mais certainement mieux ciblé et plus efficace. Le nombre de délégués aux COP pourra être réduit, si tant est que de tels grands raouts servent à quelque chose.

Samuel Furfari :Il y a eu 27 COP depuis l'adoption de la convention. Si cela servait à quelque chose, on aurait vu des résultats concrets, non ? Or, depuis sa promulgation, les émissions mondiales de CO₂ n'ont cessé d'augmenter au rythme moyen de 2 %/a. Par rapport à l’année de référence (1990), les émissions mondiales de CO₂ ont augmenté de 59 %. S’il n’y avait pas eu la Covid elles auraient cru de 65 %. En Amérique latine : +73 %, en Afrique +93 %, hors OCDE : +134 %, en Inde +280 %, en Chine +311 % et au Vietnam +1380 %. L'UE a peut-être réduit la sienne de 23 % en désindustrialisant son économie, mais ce n'est manifestement pas le modèle que les autres ont l'intention de suivre.

Dans une entreprise privée, avec des résultats aussi médiocres, la stratégie et la direction auraient été remplacées depuis longtemps. Ici, on s'obstine à répéter les mêmes idées, année après année, à tel point que la population a compris que ces grandes réunions ne servent qu'à permettre aux militants de faire leur marché, de recharger leurs batteries pendant un an, jusqu'à la prochaine COP.

Cette année, elle a pris place en Égypte, un pays qui est en train de devenir un important producteur de gaz naturel grâce à la découverte récente de grands gisements dans la mer du Levant. L'année prochaine, le barnum se déplacera aux Émirats arabes unis (EAU), un pays qui a investi des milliards pour produire davantage de gaz et de pétrole. Les EAU se sont plaints auprès de l'OPEP+, l'organisation qui limite la production de pétrole pour garder le prix élevé, car eux aimeraient produire plus de pétrole, et non pas moins. Par ailleurs, l'administration Biden a demandé aux EAU de faire pression sur l'Arabie saoudite et la Russie pour qu'elles ne réduisent pas la production de l'OPEP afin de maintenir les prix du pétrole à un niveau bas, à l'approche des élections de mi-mandat d'hier. Lors de sa fondation, le pays a choisi le noir comme l'une des couleurs de son drapeau pour rappeler qu'il doit sa prospérité à l'or noir… que les militants veulent voir disparaître. Comprenne qui pourra.

Quel rôle pour la technologie dans cette adaptation ? A quel point est-elle en retard ?

Michel de Rougemont : Quelles technologies permettent de faire passer la dépendance du Monde aux énergies fossiles de 88,3 % à zéro ? Au cours des cinq dernières années ce taux s’est réduit de 0,30 points par an. Un esprit aussi linéaire que chagrin pourrait alors dire qu’à ce rythme-là le net zéro sera atteint dans 294 ans alors que l’on prétend ne s’en donner que 28.

Aucune technologie ne peut actuellement répondre à ce gigantesque défi. Même possédant d’ores et déjà des atouts majeurs, le nucléaire par exemple, les ressources humaines pour réaliser les transformations nécessaires n’y suffisent pas. L’extraction de ressources naturelles est aussi sujette à des contraintes pratiques et environnementales. La capture et séquestration définitive du CO2 n’est même pas démontrée à l’échelle requise, mais on veut croire cette technologie faisable.

Pour l’adaptation en revanche, les défis ne sont ni quantitatifs ni technologiques, même si, par exemple, de gros travaux d’endiguement devront être réalisés. Elle se fera sans nécessiter de planification et de gigantisme, comme on mange un éléphant, bouchée par bouchée. Les nouvelles biotechnologies (NGT, New Genomic Techniques) et les techniques d’agriculture de précision doivent encore faire l’objet de développements importants, ce sont là des attentes réalistes.

Aucune technologie n’est jamais « en retard ». Quand l’une apparaît, elle tombe à pic, et si rien ne vient, il faut procéder avec ce qui est disponible. En cela aussi il est nécessaire de savoir s’adapter au possible plutôt que de ne jurer que par le désirable.

Samuel Furfari :J'ai dit plus haut que nous avons bien cherché et rien trouvé pour remplacer les combustibles fossiles, sauf l'énergie nucléaire. En tant que scientifique, je suis évidemment un partisan de la recherche et du développement. Mais le changement climatique ne rend pas les gens plus intelligents ; les chercheurs, dont j'ai eu le privilège de faire partie, ont fait tout ce qu'ils pouvaient et sont arrivés là où nous sommes. Ce ne sont pas des objectifs irréalistes qui mèneront à des solutions, encore moins les propos incendiaires du secrétaire général des Nations unies. Tout ce que nous disons sur l'énergie a été dit depuis des années. Certains amis me conseillent d'envoyer des messages plus positifs, car nous voyons notre monde changer technologiquement. Mais l'énergie primaire, c'est de la matière, des molécules, pas des bits qui permettent une révolution numérique toujours plus étonnante.

Pour tenter de réduire les émissions de CO₂, ils ont sorti de leur chapeau de prestidigitateur le lapin hydrogène, qui n'est même pas une énergie primaire, puisqu'il faut consommer de l'énergie pour le produire. C'est pourtant une molécule de base de toute la chimie industrielle, indispensable pour nourrir la population mondiale grâce aux engrais. Brûler bêtement de l'hydrogène, comme je le montre dans mon livre « L’utopie hydrogène », est aussi gaspilleur que de brûler un sac à main Louis Vuitton pour produire de la chaleur....

Le seul espoir que je vois est l'arrivée de nouveaux réacteurs nucléaires, d'abord les SMR, puis la Generation-4. Mais les activistes climatiques n'en veulent pas. Plus tard, beaucoup plus tard à l'échelle géopolitique, la fusion nucléaire sera peut-être la surprise que nous attendons. Mais s'il vous plaît, arrêtons de penser que les technologies éoliennes et solaires photovoltaïques peuvent réduire les émissions mondiales de CO₂, c'est puéril.

Jean-Paul Oury : Un autre sophisme de la climatocratie, consiste à moraliser le débat. En conséquence de cause on parle des sources d’énergie en bien ou en mal et non plus en fonction d’un calcul risque bénéfice. Or quand on regarde l’histoire des transitions énergétiques, on s’aperçoit que chacune des transitions vers une nouvelle source d’énergie s’est faite en utilisant un surcroit de l’énergie existante dont ont voulait se débarrasser ; c’est notamment ce que démontre l’expert énergéticien Vaclav Smil dans Energie et civilisation : la transition du bois vers le charbon a été effectuée à force de bras, la combustion du charbon a permis le développement du pétrole, et de même il faut continuer à utiliser du pétrole pour pouvoir effectuer la transition vers les énergies de demain. Or certains veulent diaboliser les fossiles et le nucléaire pour nous pousser dans les bras des seules énergies intermittentes que sont le solaire et l’éolien. Les climatocrates sont obnubilés par le fait que la fin justifie les moyens et condamnent a priori certaines énergies dont nous aurons besoin pour assurer la transition. Si à terme les solutions nucléaires semblent les plus souhaitables pour fournir une énergie totalement décarbonée, il faut faire confiance aux énergéticiens qui expliquent que la transition ne peut reposer que sur un mix énergétique équilibré et qu’il faut continuer de flécher les capitaux sur l’innovation plutôt que de les utiliser pour subventionner les ENR. Mais c’est un message que les climatocrates ont du mal à entendre et ce n’est pas près de changer tant que l’on continuera de privilégier la science des législateurs sur celle des ingénieurs et préférer les vaines planifications des COP aux plans Mesmer.

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