Ce que l’histoire de la banane peut nous apprendre du risque fou que nous prenons avec nos choix alimentaires <!-- --> | Atlantico.fr
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Des bananes des Antilles françaises sont exposées lors du Salon International de l'Agriculture à Paris.
Des bananes des Antilles françaises sont exposées lors du Salon International de l'Agriculture à Paris.
©PATRICK KOVARIK / AFP

Enseignements

Au début du XXème siècle, la variété de banane la plus populaire dans le monde a fini par disparaître progressivement à cause d’un champignon mortel. Comment la diversité des cultures permet-elle de protéger notre système agricole et la sécurité alimentaire mondiale ?

Jean-Pierre Horry

Jean-Pierre Horry

Jean-Pierre Horry est chercheur au Cirad au sein de l’équipe Génétique et amélioration des bananiers de l’unité de recherche AGAP.

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Atlantico : Depuis des milliers d’années, les humains ont sélectionné et cultivé les meilleures variétés de bananes, à savoir les plus grosses, les plus savoureuses et les plus faciles à manger. Au début du XXème siècle, la « Gros Michel » était la plus populaire dans le monde, avant que la variété ne disparaisse progressivement à cause d’un champignon mortel. Comment l’expliquer ? Aurait-il été possible d’éviter ce phénomène ? 

Jean-Pierre Horry : La banane Gros Michel était effectivement la plus populaire dans le monde à l’export. La disparition de cette variété a commencé à partir de la première moitié du XXème siècle, lorsque les connaissances sur ce champignon, nommé Fusarium oxysporum, étaient encore limitées. On pense que les humains l'ont répandu en transportant des plants de banane en provenance d’Asie du Sud-Est vers les Amériques. À l’époque, ces plans de banane originaires d’Asie étaient utilisés pour faire de l’ombre dans les champs de cacao. Quand l’industrie a commencé à produire des bananes en grande quantité pour développer le commerce à l’international et que les plantations se sont multipliées, le champignon a pu contaminer de très nombreuses bananeraies. C’est à partir de ce moment que la maladie s’est véritablement propagée. Comme nous ne savions pas grand chose sur ce champignon et son origine, il était très difficile de mettre en place des moyens de lutte.

La banane Cavendish » a aujourd’hui remplacé la banane « Gros Michel » dans les étals de nos supermarchés. Quand l’industrie s’est rendue compte que les plants de Cavendish n’étaient pas infectés par le champignon, elle a commencé à développer en masse cette variété. Le champignon qui se répand et qui menace aujourd’hui les plantations mondiales de Cavendish est le Fusarium oxysporum de race 4 « Tropical Race 4 (TR4) ». Pourtant, grâce à nos connaissances actuelles, nous pourrions éviter la disparition de cette espèce. Pour cela, il faudrait déjà planter du matériel sain. Dans les grandes plantations, on utilise parfois des vitroplants, à savoir des souches développées dans un environnement stérile et qui ne contiennent pas de pathogènes. Ensuite, il faut les planter sur des terrains qui n’ont jamais été contaminés. Dans les Antilles françaises, on réfléchit à des mesures de protection et de surveillance pour se protéger du Fusarium oxysporum de race 4, ou à remplacer la Cavendish par de nouvelles variétés. 

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En sélectionnant et commercialisant majoritairement une seule variété de banane, l’industrie alimentaire a-t-elle favorisé l’apparition de ce champignon ? 

Ce champignon a évolué et a muté naturellement en étant en contact avec différentes variétés de bananes. En revanche, les humains et l’industrie ont favorisé la diffusion de ce champignon à cause de la monoculture intensive, en lui donnant davantage de ressources pour se développer et contaminer des plants de bananiers. 

Quelle est l’importance de la diversité des cultures pour protéger notre système agricole et la sécurité alimentaire mondiale ? D’autres produits pourraient-ils subir le même destin que la banane ?

Nous pensons au sein du Cirad que la diversification variétale est la meilleure option pour éviter des effets néfastes sur le système agricole mondial. L’ensemble des végétaux produits et consommés doit être plus résistant mais il faut surtout éviter de cultiver une seule et unique espèce qui pourrait facilement être contaminée et sensible aux pathogènes. Les monocultures sont donc à éviter. C’est ce qui se fait déjà aux Antilles avec l’hévéa, le café ou le cacao. 

La banane reste un cas très à part. Ce fruit ne se multiplie pas grâce à des graines mais grâce à des rejets, comme les pommes de terre ou les fraises. C’est une espèce à « reproduction végétative », qui ne connaît pas la reproduction sexuée. Les variétés sont fixées et évoluent très peu puisque les possibilités de croisements avec d’autres individus pour créer un fond génétique différent sont faibles. De plus, les bananes sont les seuls végétaux ou une unique variété représente plus de 50% de la production mondiale et 95% des exportations.

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