Maroc : la menace du conspirationnisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon les enquêteurs, la bombe du café Argana aurait été déclenchée à distance.
Selon les enquêteurs, la bombe du café Argana aurait été déclenchée à distance.
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Attentat de Marrakech

L’attentat qui a frappé Marrakech, ce jeudi 28 avril, arrive à un moment crucial de l’histoire du Maroc, engagé dans un processus de refondation de l’État. Entre tendances conspirationniste et terrorisme, l'unité du pays est menacée.

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui est directeur général du cabinet de communication d'influence Guepard Group.

Il est l'auteur du livre Intelligence Economique et guerres secrètes au Maroc (Editions Koutoubia, Paris).

 

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Pour la troisième fois en 20 ans, le Maroc a été touché par un acte terroriste d’envergure, la place mythique de Jamaâ El Fna à Marrakech arborant désormais une balafre marquée du sceau de l’infamie et de la lâcheté. Cet attentat, au delà du bilan humain et matériel, est avant tout une agression contre le mouvement de refondation de l’État, à un moment où le Royaume chérifien est engagé dans un processus de réforme constitutionnelle historique, qui doit aboutir sur un référendum prévu à l’automne.

En portant l’estocade au cœur de la capitale touristique du pays, ceux que la terreur anime ont non seulement voulu en ébranler la sécurité, mais ont déclaré une véritable « guerre économique » au Maroc qui aura un impact sur des milliers d’emplois et des pans entiers d’une industrie touristique qui souffrait déjà d’un amalgame régional dû au « printemps arabe ».

Guerre de la terreur vs. État réformateur

Mais au delà de ces éléments quantifiables et mesurables, les auteurs de l’attentat ont surtout voulu agir sur le plan psychologique, voulant éprouver les limites de la volonté réformatrice de la nation à un moment déterminant de son histoire.

Car, ne nous y trompons pas, c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une attaque frontale contre la réforme émanant de ceux qui sont réfractaires au changement et au progrès.

Leur objectif ? Que l’État marocain opère un « repli sécuritaire », et qu’au nom de la lutte antiterroriste, il passe outre la règle de loi dans ses procédures d’investigation. En clair, les terroristes veulent pousser les pouvoirs publics à la faute. Leur dessein semble néanmoins avoir été immédiatement compris, puisque dans ses recommandations aux ministres de la Justice et de l’Intérieur, le roi Mohammed VI a immédiatement réaffirmé la « primauté de la règle de loi », ainsi que la nécessité d’ « d'informer l'opinion publique des conclusions des investigations, avec toute la célérité et la transparence requises ». C’est là un message sans équivoque : le Maroc est déterminé à poursuivre le mouvement inéluctable de démocratisation, malgré cet attentat contre les forces réformatrices.

Théories du complot vs. union sacrée

De surcroit, il faut ici souligner que le risque lié à la précipitation est double, et qu’il concerne aussi bien les services de l’État que ceux qui, parfois, sont prompts à lever un index accusateur et à évoquer - à mots couverts - une hypothétique responsabilité de l’État. Ces « conspirationnistes » se sont d’ailleurs immédiatement exprimés - notamment sur Internet - et n’ont pas hésité à designer leurs « coupables idéals », accusant tour à tour des responsables publics, les services de sécurité, ou encore des personnalités politiques d’avoir tout simplement… organisé l’attentat.

Il s’agit là d’une dérive inacceptable, car en accréditant les différentes théories du complot - à l’image de celles qui ont fait florès aux États-Unis suite aux attentats du 11 septembre 2001- ils risquent de commettre précisément l’erreur dont ils ont accusé l’État pendant longtemps : celle de monter les Marocains les uns contre les autres, à un moment ou le pays a besoin de réaliser une union sacrée contre le terrorisme.

Ainsi, l’exigence de transparence et de responsabilité à laquelle le chef de l’État a voulu astreindre les pouvoirs publics doit s’appliquer également aux commentateurs et aux analystes, car leur responsabilité est engagée devant l’opinion. En effet, même s’il est souvent décrié, le principe de précaution doit prévaloir dans des affaires telles que celles-ci, car  les terroristes auront atteint leur objectif si les Marocains s’accusent les uns les autres, plongeant le pays dans un climat de suspicion généralisée qui ne pourra que contribuer à retarder la marche vers la démocratie. Rétablir l’équilibre entre principe de responsabilité et exigence de vérité, tel est le défi qui se dresse aujourd’hui devant les Marocains dans leur ensemble.

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