5 ans d’espérance de vie pour Air France : le sombre pronostic des spécialistes du transport aérien<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants contre les licenciements prévus par Air France.
Des manifestants contre les licenciements prévus par Air France.
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

La compagnie aérienne hexagonale aura disparu dans les 5 ans. C’est le pronostic malheureux qui est désormais fait par beaucoup de spécialistes internationaux du transport aérien... et pas seulement des financiers.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La plupart des spécialistes du transport aérien sont désormais extrêmement pessimistes. D’autant que les milieux financiers, qui ont les yeux rivés sur les comptes d’exploitation, considèrent depuis cette semaine que cette entreprise est décidément incapable de se réformer pour s’adapter à des clients qui ont des exigences totalement nouvelles, et qui vont les satisfaire ailleurs.

Air France n’a plus aucune protection, aucun privilège. Air France est confrontée à l’air du grand large. Cette situation correspond aux besoins  du consommateur. Le client particulier veut voyager loin et pas cher. L’homme d’affaire lui, a compris que le voyage ne s’arrêtait pas à Air France.

Ou bien la compagnie réussit à assumer les conditions nouvelles de la concurrence, des exigences de qualité, de sécurité, de régularité, de sérieux. Le tout à des coûts qu'il faut en permanence modérer  parce que le voyageur l’exige et que souvent la technologie le permet.

Ou bien Air France va mourir en tant qu’entreprise française. Elle peut encore tergiverser 4 ou 5 ans mais pas plus. Au bout de quelques temps en général, les banques se fâchent. Air France n’a pas davantage de raisons de s’exonérer de l’obligation d’équilibrer son exploitation  que la petite entreprise qui périclite à l’ombre de son clocher. 

Ceux qui ne croient pas qu'une compagnie aussi prestigieuse qu' Air France peut faire faillite sont les mêmes que ceux qui pensent qu' une banque ne peut pas faillir ou qu'un Etat ne peut pas faire défaut. Pourtant, en Grande-Bretagne , en Allemagne et même en France des banques se sont écroulées. Ne parlons pas de la plus grosse de toutes les banques qui, en septembre 2008, s’est écrasé. Pourtant, au départ personne n'y croyait, "too big to fail" disait-on. Et puis, des Etats aussi ont fait défaut comme l’Argentine, Chypre, la Grèce. Bref, Air France c’est un peu pareil.

Chacun a le vague sentiment que personne n’osera laisser tomber Air France, tout cela n’est qu’illusion. Aucun mécène ne viendra perfuser Air France comme on a perfusé le Château de Versailles. Aucune banque. Quant au gouvernement, il ne bougera pas. Il n’en a pas les moyens.

La faillite d’Air France n’aurait  aucun effet systémique. On a complètement oublié que les Suisses ont pleuré la disparition de Swissair, les Italiens pleurent encore les difficultés d’Alitalia. Les peuples ont la mémoire courte... UTA  ou encore Panam étaient de formidables compagnies. On a oublié.

Air France peut donc disparaitre ou au mieux être rachetée par un fond d’investissement. Le Qatar s’est bien offert le PSG et ça n’a guère ému les supporters, au contraire. Au moins le PSG remplumé par les pétrodollars marque des buts.

L’affaire Air-France est extrêmement grave. Tout le monde est responsable : la direction générale qui est désormais en sursit. Le gouvernement, qui reste l’actionnaire de référence et vers lequel tout le monde se tourne pour trouver une solution. Mais sans argent, pas de solution. Et puis, les syndicats et le personnel. Air France n’est plus une entreprise, c’est un musée des égos et des égoïsmes français.

Le coup de force de certains salariés, plus ou moins couverts par les organisations syndicales, s’opposer à une négociation sur la mise en place d’un plan de compétitivité passant par une modération salariale. Ces images de violence, dont les victimes étaient des membres de la direction, ont été vues dans le monde entier. Elles ont fait l’ouverture des journaux télévisés, elles ont fait la première page de la plupart des quotidiens des grandes capitales de la planète.

Cet épisode a eu un effet désastreux auprès de la clientèle internationale et auprès de beaucoup d’investisseurs internationaux. Depuis la fin de la semaine dernière, les principaux ministres du gouvernement se sont déployés aux quatre coins du monde pour venter l’attractivité de la France. Manuel Valls à Tokyo, Laurent Fabius à New-York, Emmanuel Macron à Pékin et d’autre à Londres et au Canada. Les représentants français, au plus haut niveau, essaient de convaincre les investisseurs français que la France est le pays où ils doivent venir parce que les infrastructures sont de qualités, l’art de vivre y est particulièrement sophistiqué et puis l’Histoire, la culture... Dans l’argumentaire, la France parle aussi des relations sociales harmoniques. Quelle chance.

Et bien pendant ce temps, on pouvait voir sur tous les écrans du monde que le comité d’entreprise de la société la plus prestigieuse de France se transformait en pugilat. Une catastrophe ? Une honte ? Quoi dire ? Quoi faire ? Rien, sinon attendre que l’orage passe et rentrer à Paris en avion Air France. Si les ministres avaient eu le choix de voyager sur une autre compagnie, ils l’auraient fait bien entendu. Le personnel de la compagnie voudrait se suicider professionnellement, qu’il ne ferait pas mieux autrement.

Une entreprise est un animal vivant qui doit s’adapter à son environnement. L’environnement des compagnies aériennes a été bouleversé depuis 15 ans parce que le monde s’est ouvert, parce que la concurrence est venu challenger les plus anciens, parce que le digital a changé la relation client. Il faut donc assumer les nouvelles contraintes, le prix du pétrole par exemple, et reconnaitre que certaines habitudes, qui étaient viables en situation protégée par un monopole d’Etat, ne le sont plus.

Les compagnies aériennes ne cherchent pas autre chose qu'à multiplier les innovations offertes au voyageur et à améliorer la compétitivité.  Sinon, elles perdent leurs clients, les liaisons et leurs avions se vident. Donc, les comptes s’effondrent.

L’industrie automobile a failli sombrer pour les mêmes raisons. Peugeot, Citroën et Renault se sont rattrapés aux branches en innovant et en rabotant les coûts. Les industriels de l’automobile ont signé des deals avec les syndicats. On protège les emplois, on en développe de nouveaux, mais on signe un accord de modération salariale. L’enjeu est simple : c’était l’accord ou Pôle Emploi.

Les salariés d’Air France, et curieusement les plus nantis, pensent qu’ils peuvent éviter cette épreuve, ils se trompent.

Air France travaille sans filet, les pilotes devraient le savoir. Les entreprises  sont comme les avions, elles  ne restent jamais coincées en l’air. Comme les avions, elles finissent toujours par se poser. La plupart ont l’intelligence de gérer des atterrissages en douceur, heureusement, mais certaines aussi se crashent.

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