Quelles leçons retenir des stratégies adoptées dans le monde arabo-musulman pour contrer la pression islamiste ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants brandissent des drapeaux des Frères musulmans lors d'un rassemblement en Jordanie.
Des manifestants brandissent des drapeaux des Frères musulmans lors d'un rassemblement en Jordanie.
©KHALIL MAZRAAWI / AFP

Lutte contre le fondamentalisme

Dans le monde arabo-musulman, des pays comme l’Égypte ou l’Arabie saoudite ont déployé une stratégie pour lutter contre les groupes islamistes radicaux. Est-ce que ces stratégies peuvent s’appliquer en Europe et en France ?

Antoine Basbous

Antoine Basbous

Antoine Basbous est associé de Forward Global, politologue et directeur de l’Observatoire des pays arabes.

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Henry Laurens

Henry Laurens

Henry Laurens est historien et universitaire, spécialiste du monde arabe et professeur au Collège de France, où il occupe la chaire d'histoire contemporaine du monde arabe depuis 2003.

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Hala Oukili

Hala Oukili

Hala Oukili est journaliste et éditorialiste. 

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Atlantico : En France, il existe une forte pression sur la population musulmane de la part des religieux radicaux. Mais ce n’est pas le seul facteur qui pousse une partie de cette population à se détourner des valeurs occidentales. Quelle est la part de pression d’un côté et de désenchantement de l’autre ?

Antoine Basbous : En réalité, ces deux aspects sont à l’œuvre. D'un côté, les idéologues, des messianiques, veulent convertir tout le monde, à commencer par les musulmans, à leur vision du monde et de l’islam. Et d’un autre côté, il y a eu du laisser-aller politique, réglementaire, sociétal et un certain abandon vis-à-vis des musulmans, de sorte que des ghettos se sont formés. Les immigrés peuvent vivre en vase clos entre eux et en reconstituant les coutumes du bled dans leurs nouveaux quartiers. Ces deux facteurs vis-à-vis de la population musulmane - pressions d'un côté et abandon de l'autre - sont à l'origine du problème.

Hala Oukili : La pression sociale exercée sur la population musulmane par des religieux radicaux en France est un phénomène bien réel et alarmant, comme l'illustrent plusieurs incidents récents. Par exemple, cette semaine à Bordeaux, un homme a agressé deux autres individus, tuant l'un et blessant gravement l'autre parce qu'ils présentaient un phénotype afro-maghrébin et consommaient de l'alcool dans l'espace public pendant l'Aïd. L'assaillant semble avoir agi sous la conviction qu'il exerçait un droit moral sur ceux qu'il considérait comme ses coreligionnaires en pleine commission d'un péché.

En Alsace, une jeune adolescente a été violemment reprise par ses coreligionnaires car elle n'observait pas le jeûne du Ramadan. À Viry-Châtillon, un jeune homme nommé Chemseddine a été assassiné par les frères d'une jeune fille qu'il fréquentait. Ces derniers l'ont puni sous prétexte qu'il allait déshonorer leur sœur et par extension leur famille.

Cette pression ne se limite pas aux interactions physiques mais s'étend également au monde virtuel. Sur les réseaux sociaux, les individus qui annoncent avoir apostasié de l'islam font régulièrement l'objet de menaces, d'insultes, et parfois même de doxxing. Ces agressions sont souvent perpétrées par des musulmans qui, comme le montrent leurs commentaires, ne peuvent concevoir l'idée qu'une personne née dans une famille musulmane puisse devenir athée ou se convertir à une autre religion.

Ce climat d'intolérance est parfois tacitement encouragé par certains membres de la communauté qui, au lieu de condamner ces actes, trouvent des excuses en se victimisant, ignorant ainsi les agressions initiales qui peuvent se manifester par des incivilités, des atteintes à la laïcité ou même des attaques terroristes. Ces mêmes individus se présentent souvent comme les victimes de ce qu'ils appellent la barbarie française.

Par ailleurs, le désenchantement des musulmans en France est exacerbé lorsque certaines factions de la gauche adoptent une posture racialiste, enfermant les citoyens dans des catégories basées sur leur religion présumée ou réelle. Cette approche déforme toute tentative d'émancipation de l'orthodoxie islamique en la présentant comme une anomalie, presque une forme de collaboration avec ce qu'ils qualifient de "suprémacisme blanc". En conséquence, les musulmans désireux de s'intégrer ou de s'assimiler se retrouvent pris entre les islamistes et l'extrême droite, privés de leur liberté de se définir avant tout comme des citoyens.

La responsabilité de contrer ces phénomènes incombe aux responsables politiques, aux acteurs institutionnels et aux citoyens ordinaires, qui doivent tous contribuer à ce que les musulmans souhaitant s'intégrer et s'assimiler deviennent la norme plutôt que l'exception.

En conclusion, si la pression des religieux radicaux est indéniable, le désenchantement provient également d'un manque de soutien sociétal et politique, créant un climat où il devient difficile pour les musulmans désireux de s'intégrer de trouver leur place sans être stigmatisés ou marginalisés quand ils ne sont pas agressés ou assassinés.

Cette situation est-elle liée à la vraie stratégie des islamistes ou s’agit-il d’une dégradation « naturelle » de la situation après que les musulmans vivant en Occident aient été influencés par les islamistes depuis des décennies (sous l’influence du wahhabisme ou des Frères musulmans via les mosquées financées par des puissances étrangères) ?

Antoine Basbous : Évidemment, il y a eu des financements étrangers. Maintenant, il y a une véritable volonté de réglementer ces pratiques. Il y a eu des visites, des bourses d'études, des voyages organisés. Des prédicateurs ou des organisations sont très offensifs. Des madrasas et des mosquées rigoristes ont été financées par des puissances étrangères pour endoctriner une population, l'associer ou l'annexer en quelque sorte à une doctrine transfrontalière. Des campagnes et des actions ont donc été menées par des pays étrangers par Internet ou par des prédicateurs agressifs. Mais les autorités françaises ont peu contré ces pratiques. Par manque de conscience et de perception de cette dynamique sur le long terme, il n'y a pas eu de règles strictes qui ont été imposées. Les dirigeants ont fermé les yeux au nom des bonnes relations diplomatiques, pour ne pas fâcher telle ou telle capitale.

Comment les pays du monde musulman ont réussi à répondre à ces extrémistes et à contrer les pressions que les islamistes souhaitaient imposer ? Comment ont réagi les différents pays au Moyen-Orient et au Maghreb confrontés aux islamistes dans le monde musulman ?

Antoine Basbous : A titre de comparaison par rapport à la France, pour faire voter une loi sur le voile dans l’Hexagone, il a fallu quinze ans de débats envenimés qui ont jeté de l'huile sur le feu, qui ont permis aux islamistes de prétendre que la France malmenait les musulmans.

Dans les pays du monde musulman, la loi est appliquée du jour au lendemain, sans débat et sans contestation possible, par décision du raïs, du roi ou du prince. Le courant ciblé est brutalement diabolisé et aussitôt réprimé. 

Dans le pays où le wahhabisme est né, l'Arabie saoudite, les wahhabites rasent les murs depuis maintenant neuf ans. Jamais je n’aurais cru voir cela de mon vivant. Après neuf générations de règne et de contrôle sur la société, les dirigeants des wahhabites ont été écartés et la société dé-wahhabisée à grande vitesse. La même situation s’est déroulée aux Emirats arabes unis avec les Frères musulmans qui ont été aussi éradiqués. Il n'y a pas eu de débat, ni quinze ans d'échanges envenimés, comme en France.

Il est important que les musulmans apprécient à sa juste valeur la liberté en France, la liberté de conscience, la liberté de croire ou de ne pas croire. En revanche, lorsque l’on est sunnite dans un pays chiite, on souffre. Quand on est chiite dans un pays sunnite, on souffre aussi. Or quand on est en France, il est possible d’être sunnite, chiite, athée, chrétien et sans souffrir. Pourquoi faudrait-il donc imposer une doctrine et une idéologie aux autres ? La France, qui avait tordu le cou à l'église, n'a pas besoin de se coucher devant une quelconque mosquée ou temple.

Henry Laurens : Concernant l’islamisme, l’islam politique, cela va concerner la mouvance des Frères musulmans. Le courant jihadiste se trouve plutôt au-delà du politique.

Les relations entre l’islam et l’Etat sont complexes. Ce dernier se doit d’être islamique mais ces derniers siècles, au moins dans le monde sunnite, l’Etat a travaillé à prendre le contrôle des institutions islamiques. Il cherche à lui subordonner les mosquées, les imams, les prédicateurs.

Ce contrôle étatique des institutions correspond à ce qui est vendu sous le nom d'islam modéré. Il y a des variantes entre l'Arabie Saoudite et le Maroc. Par exemple en France, il y a l'islam consulaire qui correspond à la projection à l'intérieur de la société française des pays d'origine des musulmans français. Mais cela ne peut pas du tout correspondre à ce qui est censé être la liberté de culte en France.

Ces dernières années, de véritables contrôles sont effectués en France sur les discours tenus dans les mosquées. Des individus sont régulièrement expulsés pour des propos ou des actes qui sont considérés comme attentatoires aux valeurs républicaines.

Hala Oukili : Tout d’abord, je tiens à dire, que le monde musulman n’a pas inventé la poudre. Les sociétés dans ces régions sont souvent caractérisées par un contrôle strict des libertés individuelles, où des actions aussi basiques que manger en public pendant le Ramadan peuvent entraîner des sanctions pénales. Cette restriction s'étend à la liberté de conscience et au contrôle personnel, créant un environnement où les États autoritaires peuvent facilement imposer leurs volontés aux citoyens. En cas de non-conformité, les conséquences vont de la sanction simple à la répression sévère et souvent à des injustices flagrantes.

La réaction du monde musulman à ses extrémistes a souvent été marquée par l'adoption de méthodes tout aussi violentes que celles des extrémistes eux-mêmes. Par exemple, je me souviens de l'attentat de Casablanca lorsque j'avais 16 ans. Les terroristes habitaient dans un quartier proche du mien. Les forces de l'ordre avaient réagi de manière extrêmement rigoureuse, interrogeant massivement et plaçant en garde à vue des personnes allant jusqu'à l'épicier du coin, instillant une terreur généralisée parmi les habitants.

Ce modèle se retrouve dans plusieurs pays à majorité musulmane, comme en Égypte, en Arabie Saoudite, au Maroc, et même en Tunisie. Les prédicateurs qui s'opposent au régime ou qui tiennent des discours jugés extrémistes sont fréquemment emprisonnés. Le contrôle étatique s'étend également aux médias, qui jouent un rôle crucial en soutenant les narratifs du pouvoir et en influençant l'opinion publique. Les programmes éducatifs sont strictement régulés par l'État, qui choisit méticuleusement les aspects de l'islam qui peuvent être enseignés. Les mosquées et les associations subissent une surveillance intense, recevant des subventions uniquement si elles adhèrent aux exigences du gouvernement, sans encourager aucune forme de rébellion ou de sédition.

Par ailleurs, la relative homogénéité ethnique dans ces sociétés réduit la capacité des islamistes à utiliser le racisme comme un outil de mobilisation. Concernant le féminisme, des mesures telles que l'interdiction du voile intégral n'ont pas suscité autant de critiques que dans les pays occidentaux. Rarement est-il suggéré que ces interdictions pourraient constituer une atteinte aux droits des femmes à disposer de leur propre corps.

En conclusion, dans un contexte démocratique comme celui de la France, la gestion de l'islamisme est bien plus complexe. Il est crucial de combattre les influences islamistes tout en préservant les droits et libertés fondamentaux des autres citoyens et l’État doit respecter sa séparation de l’Église. Des solutions efficaces existent et ont été identifiées, mais elles ne sont pas toujours mises en œuvre de manière appropriée. Il est impératif de trouver un équilibre qui respecte les principes démocratiques tout en assurant la sécurité et la cohésion sociale.

Comment ont réagi les différents pays confrontés aux islamistes dans le monde musulman, notamment dans les pays du Maghreb ou au Moyen-Orient ? Les succès obtenus par ces pays face à l’islamisme l’ont-ils été grâce à la fermeté du pouvoir, à des décisions judiciaires, à des interdictions de certains mouvements ou à des sanctions financières ? Comment les pays musulmans ont réussi à faire plier les islamistes ?

Antoine Basbous : Plusieurs instruments ont permis d’obtenir des succès face aux islamistes. Les décisions prises par ces pays n’ont pas été remises en cause ou soumises à des débats. Le centre névralgique du pouvoir débat en cercle fermé puis annonce et applique des mesures. Il n’y a pas eu de débats pendant quinze ans sur le voile comme en France qui ont conduit à ce que les musulmans se sentent ostracisés par la volonté d'une France qui veut leur imposer ses valeurs. Or, ce n’est pas la réalité. Sauf que les islamistes ont distillé des messages pour faire croire que la France est hostile aux musulmans. Dans les pays arabes, les décisions ont été prises et appliquées sans débat, sans contestation et avec fermeté. Ceux qui étaient en désaccord avec ces décisions sont en prison ou se sont exilés en Europe, notamment à Londres ! Mais les pays musulmans pratiquent un autre modèle de société.

Ce qui est dommage, c'est que la liberté de conscience n'est pas bordée par une loi qui empêche l'agressivité de groupes islamistes qui souhaitent imposer leurs valeurs.

Parmi ces solutions qui émanent des pays arabes, lesquelles peuvent être adaptées et transposées dans une démocratie libérale comme la France ? Qu’est-ce qui est adaptable, qu’est-ce qui ne l’est pas dans une démocratie aussi bien sur le plan juridique, politique, sécuritaire, social et identitaire puisque les islamistes savent parfaitement exploiter les failles des États providence ou des troubles identitaires de populations déboussolées par la modernité ou par des récits nationaux qui peinent à les intégrer ou qui peinent à se définir eux-mêmes ?

Antoine Basbous : Il faut agir fermement contre les idéologies qui sont contraires aux valeurs de la République.

Mais il n’est pas possible de comparer ce qui n’est pas comparable. En France, lorsqu’une mesure est prise ou qu’une loi est votée, elle soulève la contestation d'une partie de la gauche qui va prétendre que les musulmans sont maltraités. Ce qui fournira du carburant aux islamistes.

Henry Laurens : A partir du moment où vous avez la séparation de l'Eglise et des religions, cela change la donne. L'ambiguïté française réside à la fois dans la notion de séparation et dans la garantie de liberté d'exercice des cultes. Dans la mesure où la liberté d'exercice des cultes implique une coopération avec l'appareil d'Etat, l'Etat intervient dans la gestion des cultes, quelles que soient les religions. Et puis la France ne reconnaît pas de religion. Avant 1905, il y avait trois religions reconnues : l'islam, le judaïsme, le christianisme. Mais l'Etat français ne reconnaissait pas le bouddhisme par exemple.

Aujourd’hui, l'Etat français ne reconnaît aucune religion. Officiellement, il y a des questions de statut juridique en lien avec cette question. L'Etat français ne peut pas intervenir dans la gestion des religions. En revanche, un dialogue et une coopération se mettent en place.

Hala Oukili : La loi sur le séparatisme en France a suscité de nombreuses controverses, mais il est important de reconnaître qu'elle a abordé des problèmes essentiels. La charte imposée aux associations culturelles est un exemple significatif de cette approche. Elle stipule que toute association religieuse refusant de reconnaître aux musulmans les mêmes droits qu'aux autres citoyens français — notamment le droit à l'apostasie, le droit de se marier ou de cohabiter avec une personne d'une autre religion ou sans croyance, les droits des homosexuels, le droit de changer de religion, ou encore le droit d'être musulman sans être orthodoxe, ou d'adopter les coutumes françaises — ne devrait pas être autorisée à opérer. Certaines associations, comme Milli Gorus, n'ont pas signé cette charte, et pourtant elles n'ont pas été dissoutes. Cela soulève une question importante : pourquoi ces associations continuent-elles d'exister en France, surtout lorsqu'elles sont affiliées à des pays étrangers et qu'elles contreviennent aux principes républicains ?

Dans le monde musulman, il est interdit de prêcher en faveur d'une religion autre que l'islam dans l'espace public ou même sur les réseaux sociaux, lorsqu'il s'agit de cibler les musulmans du pays. La France pourrait envisager de classer toute pratique de l'islam qui n'est pas conforme au droit français comme une dérive sectaire, et d'interdire sa diffusion.

Cependant, ces mesures à elles seules ne suffiraient pas. Pour véritablement contrer l'extrémisme islamique, il est crucial de réactiver nos coutumes, de promouvoir notre modèle social et philosophique, d'encourager une véritable volonté d'intégration, et de replacer l'assimilation au cœur du processus de naturalisation. Sans une approche globale qui inclut ces éléments, l'extrémisme continuera de trouver un terreau fertile en France.

Quels seraient, selon vous, les moyens pour que la France, elle aussi, arrive à limiter l'influence de l'islam politique ?

Henry Laurens : L'Etat français effectue des contrôles et peut prendre des sanctions pour ce qui correspond à des atteintes aux valeurs républicaines si les imams ou les responsables religieux qui tiennent des propos controversés n'ont pas la nationalité française. S'ils ont la nationalité française, cela ne fonctionne plus.

Pour contrecarrer l'islam politique, les pays du monde musulman ont surtout étatisé la pratique de la religion. Est-ce qu'ils ont aussi mené une action contre les groupes et les organisations de l'islam politique, notamment les Frères musulmans ?

Henry Laurens : La plupart de ces groupes ont été décimés et interdits. Les Frères musulmans sont interdits en Egypte depuis 1955.

Ensuite, ils se sont battus pour le pouvoir et Nasser les a pourchassés, les a fait pendre et torturés. En Syrie, sous Hafez el-Assad, être membre des Frères musulmans était passible de la peine de mort. Tout était une question de rapport de forces. En Jordanie, la monarchie a toujours joué avec les Frères musulmans en les soutenant ou en s’y opposant. Cela a été tranché en fonction des rapports de force locaux avec les autres forces politiques. Mais l’organisation des Frères musulmans se rapproche d'un parti politique et s’apparente à une confrérie. Le statut des Frères musulmans est variable d'un pays à un autre.

L'islam politique, qu'il soit djihadiste, réformiste comme les Frères musulmans, salafiste (un autre courant théologique) est parfois manipulé par le pouvoir, comme par exemple par la Jordanie ou le Maroc. Les pays les plus farouchement opposés aux Frères musulmans sont les Émirats arabes unis et l'Arabie Saoudite.

Aux Émirats ou en Arabie Saoudite, vous pouvez aller plusieurs années en prison pour un simple tweet.

Il y a une idée traditionnelle et ancienne selon laquelle la religion et l'État se confondent. Mais la question est de savoir si c'est la religion qui contrôle l'État ou si c'est l'État qui contrôle la religion. Cela correspond à un trait global de l'histoire de l'islam depuis des siècles.

Dans le cas précis de l'islam politique aujourd'hui, il est quasiment interdit partout dans l’espace arabe. Certains partis islamistes sont plus ou moins des instruments du pouvoir, comme en Algérie. La force des Frères musulmans et des islamistes en général est qu'ils font la morale à tout le monde. Cela pousse les musulmans à exprimer un sentiment de honte.

Dans l'islam traditionnel, les institutions religieuses étaient largement indépendantes de l'Etat et la tendance lourde depuis le XVIIᵉ - XVIIIᵉ siècle concerne un plus grand contrôle des institutions religieuses par l’Etat. L'Etat va contrôler la religion et dicter la bonne manière de pratiquer. L'Etat édicte la façon dont il faut pratiquer la religion. Cela peut même conduire à emprisonner certains opposants et prisonniers politiques.

Les mesures déjà prises en France comme la loi sur le séparatisme, qui devait permettre de lutter contre les mouvements fondamentalistes, sont-elles réellement efficaces ?

Antoine Basbous : Cette loi a été adoptée il y a deux ans. Or, l'apparition de l'islamisme actif et belliqueux remonte à plus d’une trentaine d’années. Lorsque le problème du voile a été soulevé, le ministre de l'Education nationale aurait pu prendre une décision ferme en indiquant que le voile n’avait pas sa place à l’école. Tout le monde se serait incliné et aurait respecté cette décision. Mais si vous commencez à débattre de ce sujet au sein de la société, si vous trouvez des alliés opportunistes, cela ouvre la voie à des régimes ou à des mouvances islamistes pour jeter de l'huile sur le feu dans le débat. Ils vont utiliser des arguments fallacieux pour dire que la France maltraite les musulmans. Il faut une vision et de la fermeté.

Antoine Basbous est associé de Forward Global, politologue et directeur de l’Observatoire des pays arabes.

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