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Covid-19 : une nouvelle servitude volontaire
©Thomas COEX / AFP

Tentation liberticide

Plus que l’inefficacité de certains gouvernements face au Coronavirus, c’est la privation des libertés qui est le vrai problème.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Depuis le début du confinement, nombreuses sont les voix qui ont critiqué le président de la République et son gouvernement pour des questions d’inefficacité face au virus. Et comment, en effet, ne pas dénoncer la succession de ratés et de mensonges qui ont accompagné ces derniers mois? Il suffit de penser à l’absence de masques et le discours fluctuant les concernant, à l’insuffisance des tests, au discours fluctuant sur la prise en charge des cotisations sociales ou du chômage partiel, au comportement gouvernemental sur le traitement mis en place par Didier Raoult, à la réouverture quelque peu chaotique des écoles. Cependant, si nous en restons à la question de l’efficacité, nous ne pourrons pas rendre compte complètement de ce qui est en jeu. 

Pour le faire comprendre, je vais prendre un exemple dans un pays jugé efficace dans sa lutte contre le COVID 19, l’Allemagne. Rendons-nous dans le Land de Rhénanie du Nord/Westphalie, dont le Ministre-Président a la réputation d’avoir bien organisé la riposte au virus. Cette région d’Allemagne n’a jamais connu le degré d’angoisse qui a caractérisé, chez nous, l’Alsace ou l’Ile-de-France. La région a connu un semi-confinement, lieux de culte magasins et cafés y sont déjà rouverts depuis quelques semaines. Eh bien, les parents viennent de recevoir un courrier d’un certain nombre de directeurs d’établissements scolaires indiquant qu’à la rentrée la classe ne pourrait certainement pas reprendre normalement: une partie conséquente des cours se ferait en ligne. Le plus frappant dans cette annonce, c’est l’absence de justification des mesures prises, l’absence de consultation des parents, l’absence de débat politique qui a entouré les conditions de reprise de l’école. Actuellement, de nombreux établissements scolaires du même Land ont d’ores et déjà planifié de ne plus accueillir les enfants d’ici les vacances d’été plus que quelques jours. Le sentiment dominant dans les familles est celui de l’arbitraire; c’est d’autant plus frappant que l’angoisse de l’épidémie a reculé du fait de la bonne gestion de la crise sanitaire. Nous ne sommes pas dans la situation française, où la colère et la peur des lendemains économiques se mélangent au sentiment de privation de liberté. 

La privation des libertés est le vrai problème

Lorsque nous envisagerons le printemps 2020 avec le recul, nous nous rendrons compte avant tout de l’arbitraire du confinement. Il y a dix-huit mois, l’Italie s’enorgueillissait d’avoir placé au pouvoir deux partis anticonformistes, certains disent populistes; eh bien regardez comme un gouvernement technocratique a instauré un confinement quasi autarcique, qui risque de plonger la société italienne dans une crise sociale sans précédent. On est frappé par la passivité du peuple italien. Certes la Lombardie et le Piémont ont été très durement touchées mais cela suffit-il à expliquer l’absence de confinement différencié selon les régions et l’absence de débat politique? En Italie comme ailleurs, l’Eglise s’est largement soumise à l’injonction de fermeture quasi-totale des églises et d’absence de messe publique. Quel contraste avec la période de la bien plus sévère crise espagnole, voici un siècle, où tout le monde se fabriquait des masques en tissu et où personne n’aurait imaginer d’empêcher les citoyens qui le désiraient d’aller à la messe. 

En l’espace de quelques semaines, une grande partie de la planète a accepté des décisions de confinement généralisé. Les modalités varient d’un pays à l’autre. Mais le plus frappant est l’absence de contestation. On pouvait bien comprendre que, durant quelques jours ou quelques semaines, le temps de se procurer tests et masques, on prît des mesures de précaution. Mais regardez comment la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, berceaux des libertés occidentales, ont accepté l’arbitraire gouvernemental, lui même enraciné dans une expertise prétendument scientifique, en fait peu fondée en raison. Le grand Boris Johnson, que son instinct portait d’abord à ne pas arrêter l’économie du pays, aura finalement suivi les avis d’un scientifique d’Imperial College, Monsieur Ferguson, dont la principale caractéristique est de s’être toujours trompé - par exagération grossière - dans ses modèles épidémiologiques. Aux Etats-Unis, Donald Trump, dont l’instinct est favorable à la liberté, se débat malgré tout, avec une équipe scientifique de la Maison-Blanche très mainstream et catastrophiste et le contraste est frappant entre les Etats gouvernés par des démocrates, où les tendances liberticides l’emportent et les Etats républicains, où l’on se préoccupe de mettre fin aussi rapidement que possible au confinement. Certes le ressort moral des Américains n’a pas disparu: évêques catholiques et responsables des églises luthériennes dans l’Etat du Minnesota ont, en trois jours, fait plier le gouverneur qui refusait d’autoriser la réouverture des lieux de cultes. Mais il y a quelques jours Bill Gates expliquait sérieusement que l’on devrait garder les lieux de culte fermés jusqu’à la fabrication d’un vaccin contre le COVID 19. 

Le risque d’une nouvelle servitude volontaire

On pourrait multiplier les exemples de menaces qui pèsent sur nos libertés. Comprenons-nous bien: il ne s’agit pas de dire qu’il aurait fallu sacrifier la prudence sanitaire à la défense des libertés. Mais tous les spécialistes sérieux disent qu’il aurait suffi que 90% d’une population porte un masque pour que l’épidémie soit sérieusement freinée tout en évitant de paralyser la vie économique et de porter atteinte aux libertés. Ce sont des choix qui ont été faits au départ; et ils ne sont pas ceux d’une société qui placent la liberté avant toute chose. Bien entendu, il y a, d’un côté de la balance, le poids des bureaucraties, la fascination pour une expertise plus scientiste que scientifique, le goût de nos dirigeants pour les perspectives mondialistes et le rêve d’un gouvernement mondial; mais qu’avons-nous à mettre en face? Ne payons-nous pas cinq décennies d’individualisme exacerbé, au cours desquels les citoyens de nos démocraties ont consciencieusement défait les liens sociaux pour se retrouver seuls face à l’arbitraire de l’Etat? 

Que se passera-t-il si l’épidémie est récurrente? C’est dans cette perspective que se placent les directeurs d’école de Rhénanie du Nord/Westphalie : et ils apportent leur réponse, celle d’un semi-confinement permanent. On imagine les conséquences d’un retour au confinement, tous les six mois. Nos économie de liberté n’y survivraient pas. Nous serions de plus en plus soumis à des contrôles informatiques. Depuis trois mois, nos gouvernants ont mis en cause le silence de la Chine sur le début de l’épidémie. En revanche ils n’ont pas remis en cause ce que révèle leur aveuglement sur cette Chine néo-totalitaire, qui connaît vraisemblablement le nombre le plus élevé de victimes du Coronavirus au monde et qui n’a réussi à endiguer la pandémie chez elle qu’avec une suppression totale des libertés. 

Il est temps de réagir. Dans le monde anglophone, les recours contre le confinement pour inconstitutionnalité se multiplient. En France, c’est le juge des référés qui a répondu favorablement à la demande de réouverture des églises aux fidèles pour assister à la messe. En Allemagne aussi, les défenseurs des libertés commencent à se mobiliser. Nous sommes vraisemblablement au début d’un énorme débat qui structurera la vie politique des prochaines années dans nos démocraties. La question est de savoir si nous nous obstinons dans la servitude volontaire que nous avons choisie ces derniers mois.  

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