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Du côté de chez Sarkozy : ce que le parrain de la droite voudrait pour LR
©JEFF PACHOUD / AFP

Figure tutélaire

Une partie des électeurs ou sympathisants de la droite songe très ouvertement à un retour de Nicolas Sarkozy. L'option n'a pas encore été sérieusement envisagé et un retour bien qu'il soit hypothétique, doit tout de même trotter dans la tête de l'ancien chef d'Etat.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Atlantico : Pendant que la droite est en pleine décomposition et que les chefs se manifestent, que fait Nicolas Sarkozy ? A-t-il encore un intérêt - au sens étymologique du terme - pour sa famille politique ?

Bruno Jeudy : Un intérêt pour sa famille politique, évidemment. Nicolas Sarkozy l'a toujours dit, il ne s'en désintéresse pas. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il est à 90% la personnalité préférée des sympathisants de droite, toute enquête d'opinion confondue. Après, il a certes  reçu des amis en début de semaine et y a tenu des propos assez dures sur Laurent Wauquiez ou la manière de faire la campagne –rien de surprenant en soi. Et puis, dimanche dernier, il a eu cette phrase "il n'y a plus de droite dans ce pays". Une fois qu'on a dit ça, il ne faut pas imaginer Nicolas Sarkozy en train de travailler les âmes pour revenir. Je crois, pour l'instant, exactement le contraire. L'ancien président parcourt le monde pour des conférences pour le compte de ses grands employeurs, notamment AccordHotels, grand groupe hôtelier. Ce n'est pas l'attitude d'un celle de chef de parti politique. Tout le contraire.

Frédéric Mas : Nicolas Sarkozy est l’homme politique le plus populaire parmi les hommes politiques quand on interroge les sympathisants de la droite. Après la cuisante défaire de la liste LR aux Européennes, défaite qui n’a aucun équivalent dans toute l’histoire de la cinquième république, il semble logique de voir certains chercher du côté de l’ancien président de la république française un signe d’espoir ou un geste de renouveau. Aux yeux de beaucoup de sympathisants et de militants, il est le dernier homme politique de la droite et du centre à avoir gagné une élection nationale d’envergure, la présidentielle, en réalisant l’unité qui aujourd’hui lui fait défaut. En effet, ceux qui rêvent de revoir Nicolas Sarkozy reprendre en main LR sont ceux qui se souviennent du Sarkozy triomphant de 2007, et non de celui défait par François Hollande en 2012.

Certains estiment peut-être que le style « bling bling » qui lui a été beaucoup reproché à l’époque de son quinquennat, au point que son adversaire socialiste puisse se présenter comme le candidat de la « normalité », est en phase avec le mouvement du monde : avec l’élection de Donald Trump et la montée du populisme en Europe, la manière plus directe et moins formelle de gouverner du président Sarkozy pourrait apparaître assez contemporaine.

Un autre aspect de la campagne de M. Sarkozy en 2007 pourrait servir d’enseignement à sa famille politique, et devrait être comparé à la campagne de M. Bellamy. Alors qu’aux dernières européennes, Les républicains, traumatisés par l’élection d’Emmanuel Macron, voulaient d’abord à sauver les meubles en désignant une tête de liste suffisamment classique pour convaincre d’abord et avant tout la frange conservatrice de son électorat, Nicolas Sarkozy cherchait à élargir son public au maximum en s’adressant à la droite, au centre et même à la gauche. Cette volonté de convaincre au-delà de sa cible électorale traditionnelle lui a sans doute été très utile.

Les commentateurs ont tendance à ne retenir que l’aspect sécuritaire ou identitaire du discours du Président Sarkozy. Ils passent sous silence son slogan de campagne « travailler plus pour gagner plus », qui s’adressait aux classes moyennes actives, et ignorent les signaux envoyés aussi à la gauche moderniste d’alors. Une fois l’élection passée, le nouveau président nomma un gouvernement d’ouverture où pouvait siéger Bernard Kouchner, Martin Hirsch ou encore Éric Besson. C’est cette capacité à rassembler, en jouant sur différents publics et en utilisant plusieurs types de discours -populiste, libéral, centriste- qui a réussi à faire tenir la droite en 2007, et à la faire gagner. Il me semble qu’ici, plutôt que chercher à faire de la surenchère nationaliste ou du Macron bis, il y a un vrai sujet de réflexion à mener : comment rassembler aujourd’hui dans une France culturellement plus fractionnée que jamais ?

Après l'échec de Laurent Wauquiez et la remise en cause de sa place de chef de famille, peut-on imaginer un avenir politique pour Nicolas Sarkozy, ne serait-ce que par un soutien qu'il pourrait apporter à tel ou tel éventuel nouveau leader de la droite ?

Bruno Jeudy : D'avenir politique, je ne l'imagine pas pour l'instant. Il a été sèchement remercié par les électeurs de la primaire en 2016 et qu'il a été assez touché par ce résultat. Maintenant, comme tous les hommes politiques de son niveau, ayant exercé la fonction suprême, peut-être que dans le coin de sa tête il doit penser qu'il puisse, dans des circonstances exceptionnelles, revenir. En résumé, je le vois plutôt essayer d'appuyer d'une manière ou d'une autre un leader ayant ses faveurs. Mais pour l'instant la situation politique est tellement complexe chez les Républicains que c'est très difficile d'en voir un émerger. En revanche, rien ne se fera dans cette famille sans son adoubement d'une manière ou d'une autre.

Frédéric Mas : Il me semble que l’élection d’Emmanuel Macron a changé beaucoup de choses, en particulier les termes du jeu politique lui-même. Sarkozy a été élu parce qu’il a fait l’unité de la droite et du centre, c’est-à-dire de sa famille politique, mais aussi parce qu’il a réussi à incarner au moment de sa campagne la modernité et le changement. Le style politique qui lui a été reproché pendant son mandat fu son principal atout durant l’élection : les électeurs voulaient un changement dans le personnel comme dans la manière de conduire le pays. L’effondrement de sa côte de popularité a commencé quand ils se sont aperçus que le changement prôné par le leader de la droite était essentiellement un effet de communication politique. Cette modernité, Nicolas Sarkozy ne peut plus la proposer à son camp. C’est maintenant de son expérience que ses fidèles peuvent profiter, mais il n’est pas certain que cela puisse faire la différence face à des concurrents puissants qui ont pour eux de ne pas être associés à l’« ancien monde » de la politique.

Si nous allons plus loin dans l’analyse, nous pouvons même nous demander si l’échec de Laurent Wauquiez n’est pas lui-même un des aspects les plus contestables de l’héritage politique sarkozyste : Laurent Wauquiez a retenu de son mentor en politique plusieurs aspects qui lui sont aujourd’hui reprochés. Le discours autoritaire, une certaine forme de communication populiste, et la volonté d’occuper le terrain médiatique avant de fixer des principes de fond. Quel héritage du sarkozysme la droite d’aujourd’hui doit-elle endosser ? La question doit se poser si la droite et le centre veulent reconquérir l’électorat perdu au profit de la droite nationaliste et de LREM.

Que sait-on du rôle de Nicolas Sarkozy en coulisses ? S'agite-t-il pour tel ou telle dans sa famille ou bien observe-t-il cela d'un regard détaché ? En attendant son heure, peut-être ? S'imagine-t-il comme un dernier recours ?

Bruno Jeudy : Je ne crois pas qu'on puisse dire que cela l'arrange d'être un recours. Il aurait sans doute aimé que Laurent Wauquiez, à la suite de son élection en 2016, soit plus rassembleur et ne s'accroche pas à un conservatisme pur et dur, une ligne très identitaire. Il a un petit peu fait l'inverse de ce que Nicolas Sarkozy avait fait en 2007 pour rassembler toutes les droites. Finalement, créer un mouvement entraînant derrière lui. Nicolas Sarkozy avait su reprendre un parti avant de le consolider, et finalement le maintenir en position de force jusqu'à son élection en 2007. Et c'est vrai qu'en 2012, il s'en ai manqué de peu qu'il ne soit réélu, en partie à cause d'un manque de voix centristes. 

Frédéric Mas : Nicolas Sarkozy ne peut pas observer les dernières péripéties de sa famille politique avec un regard totalement détaché, justement parce qu’il a toujours espéré revenir comme ultime recours et revenir au pouvoir. C’est un homme qui a consacré sa vie à la politique, et qui quitte le pouvoir en 2012 sur une défaite cuisante.

Pendant tout le mandat de François Hollande, le retour de Nicolas Sarkozy est vécu par les proches du nouveau président socialiste comme une menace qui plane, car il est perçu comme le seul à pouvoir faire l’unité de la droite et à battre une gauche qui a du mal à s’imposer. C’est d’ailleurs avec un certain soulagement que les socialistes à l’époque voient l’ancien président s’empêtrer dans l’affaire Bygmalion. Presque paradoxalement, l’acharnement de la gauche à ce moment a sans doute renforcé Nicolas Sarkozy dans l’idée que la droite a besoin de lui pour se réconcilier et se poser en alternative crédible.

L’heure de Nicolas Sarkozy semble enfin arriver avec la primaire de la droite et du centre qui devait le désigner comme candidat à l’élection présidentielle de 2017 face à Emmanuel Macron. Hélas pour lui, rien ne se passe comme prévu et c’est son rival François Fillon, qui remporte la compétition. L’heure est donc à un recentrage conservateur face à Emmanuel Macron, qui lui parvient à incarner la modernité que Nicolas Sarkozy portait en 2007. Nicolas Sarkozy apparaît comme totalement hors course, empêtré dans les affaires et cultivant une certaine distance à l’endroit de l’ambitieux Laurent Wauquiez.

Seulement l’élection d’Emmanuel Macron a tout changé, replaçant le curseur de la vie politique entre LREM et le populisme du RN, au détriment de LR comme du PS. Les élections européennes viennent confirmer la sortie de course des formations politiques associées à tort ou à raison par les électeurs à l’ « ancien monde ». Le rêve de retour à la vie politique de M. Sarkozy s’éloigne, car cette fois-ci, ce ne sont plus les sympathisants ou les militants qui le boudent, mais la plateforme électorale nécessaire à sa victoire qui se disloque comme un radeau de fortune secoué par la marée. Il est à mon avis tout à fait sincère quand il se dit « furieux » de l’état de la droite d’aujourd’hui.

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