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Équilibriste et bulldozer : ce que la stratégie de Mohamed ben Salman parvient à changer de l’Arabie saoudite
©Bryan R. Smith / AFP

Un prince héritier à Paris

La France accueille ces jours-ci le prince Héritier d'Arabie Saoudite Mohammed ben Salmane, un homme souvent qualifié de "réformateur" et "modéré".

David Rigoulet-Roze

David Rigoulet-Roze

David Rigoulet-Roze est chercheur associé à l'IRIS et chercheur rattaché à l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS) et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (L'Harmattan).

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Atlantico : Après une longue visite aux Etats-Unis, Mohammed ben Salman est en France à partir de 9 avril. « Prince charmant » pour la BBC, « réformateur », « modéré » pour l’AFP, le nouvel homme fort de Riyad est aujourd’hui perçu comme l’homme de la « vision 2030 » pour le Royaume, visant à donner un nouvel élan au pays, qui est parfois illustré avec l'ouverture d’un cinéma, ou par le droit des femmes à conduire. Cette image correspond-elle à une réalité ? A quel point le Royaume est-il donc en train de changer ?

David Rigoulet-Roze : Objectivement parlant, le Royaume d’Arabie saoudite est en train de changer à vitesse accélérée, cela est incontestable. Après, la question relative aux qualificatifs employés ici et là demeure plus complexe, parce que le phénomène appréhendé est très ambivalent. Concernant les éléments objectifs, il y a effectivement un programme ambitieux qui a été présenté le 25 avril 2016 par celui qui n’était encore que le « vice-prince héritier », lequel programme intitulé « vision d’Arabie saoudite 2030 » repose sur un diagnostic clinique fait sur l’état du royaume quant à la nécessité de la mise en œuvre de réformes structurelles pour assurer sa survie.                                                                                                                                                      

Dans un entretien fleuve avec l’agence Bloomberg, publié le 21 avril 2016, soit quelques jours avant de rendre public ce programme, le prince Mohammed et Mohammed Al-Sheikh, son fidèle conseiller financier diplômé d’Harvard et ancien juriste chez Latham & Watkins et à la Banque Mondiale, avaient fait état de la stupeur et de la consternation mêlée de panique qui s’étaient emparées d’eux lorsqu’ils s’étaient penchés sur les comptes publics du royaume au printemps 2015. A cette époque, pour éponger ses pertes financières, conséquence directe de l’effondrement des recettes pétrolières du fait la dégringolade des cours du baril - lesquelles recettes pétrolières représentaient jusque-là 90 % des recettes à l’exportation et 75 % des recettes budgétaires -, le gouvernement était contraint de puiser chaque mois quelque 30 milliards de dollars dans ses réserves financières, lesquelles seraient passées de 732 milliards de dollars en 2014 à 717 milliards de dollars en 2015, avant de fondre à 562 milliards de dollars à la fin du mois d’août 2016. A ce rythme, cela risquait de conduire l’Arabie saoudite à faire ni plus ni moins « complètement faillite » au bout de deux ans, assénèrent les deux hommes pour justifier les futures mesures qui allaient être annoncées[1]. Cela avait de fait été directement à l’origine d’un déficit budgétaire saoudien colossal, de 98 milliards de dollars en 2015, puis de quelque 82 milliards en 2016, et encore de près de 62 milliards de dollars en 2017 au lieu des 53 prévus initialement - il pourrait atteindre encore 52 milliards pour l’année en cours -, signe que la situation est loin d’être réellement stabilisée encore cette année avec des réserves qui auraient atteint un étiage de 543 milliards de dollars en décembre 2017. Et ce, alors même que la dynamique des « réformes » induite par la plan « Vision d’Arabie saoudite 2030 » est d’ores et déjà lancée avec l’idée omniprésente d’anticiper l’après-pétrole       .                                                                               

De fait, le « temps de l’abondance » (ayyam al tafrah ou ‘asr al-tafra) d’un Welfare-State saoudien aussi généreux que dispendieux, puisqu’il allouait quelque 100 et 150 milliards de dollars par an à la satisfaction des besoins subventionnés de sa population, est bel et bien révolu. C’est ce qui sous-tend l’adoption de réformes structurelles inédites et potentiellement douloureuses pour le royaume. Les autorités ont donc multiplié les mesures d’économies et en profitent pour mettre en avant les évolutions nécessaires à entreprendre afin de préparer l’après-pétrole. En présentant le budget pour 2016, le 28 décembre 2015, le ministère des Finances avait précisé que le gouvernement allait « reconsidérer » les prix de l’électricité, de l’eau et des produits pétroliers, largement subventionnés, dans le cadre de premières mesures d’austérité pour faire face à la chute des revenus pétroliers. Des hausses sur les prix de l’essence entrèrent en vigueur dès le 29 décembre 2015. Tout un symbole au « Royaume de l’Or noir ». D’autres allaient suivre comme la réduction des subventions sur l’eau ou l’électricité, autant de mesures destinées également à restreindre la consommation d’énergie fossile domestique en croissance continue. MBS qui se pique de « thatchérisme », doit jongler avec le risque d’être accusé de remettre en cause le « pacte social » saoudien. Un pacte tacite, qui garantissait jusque-là aux Saoudiens de jouir des dividendes du pétrole, en échange de leur allégeance à la famille royale. Sur Twitter[2], nombre de Saoudiens n’ont d’ailleurs pas manqué de protester contre la hausse de leur facture d’eau, multipliée par dix voire plus, du fait de la suppression des subventions. Au bout de quelques semaines, le prince avait d’ailleurs annoncé une révision des nouveaux tarifs, précisant qu’il veillerait à ce que les plus pauvres ne souffrent pas de ses réformes[3].                                                                                                   

Ces mesures constituaient déjà une mini-révolution dans ce pays de près de 30 millions d’habitants (28 millions d’habitants), dont les deux tiers ont moins de 30 ans, plus de la moitié moins de 25 ans (58 %) et près de 40 % (39 %) moins de 15 ans du fait d’un taux d’accroissement démographique de 2,1 % qui conduit la population à doubler tous les 30-35 ans, ce qui signifie que, si ce taux se maintient, la population pourrait atteindre alors quelque 40 millions d’habitants en 2025. Autant dire une « bombe à retardement » si aucune réforme d’envergure n’est engagée d’ici-là car le financement du système actuel du Welfare State saoudien impliquerait au minimum un baril à 90 dollars, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Or, les secteurs de l’éducation - avec notamment le généreux système des bourses accordés aux 200.000 à 300 000 jeunes censés accéder chaque année au marché de l’emploi[4] qui n’en absorberait que 30 % -, ainsi que celui de la santé représentent à eux seuls près de 40 % des dépenses budgétaires.                                                                                                                             

Dans ce cadre ambitieux, cela revient nécessairement à réformer un marché du travail dysfonctionnel compte tenu du poids de la fonction publique « budgétivore » et en amont de repenser tout le système éducatif et de formation. Il s’agit en effet d’établir préalablement un système éducatif performant au service du marché de travail - qui affiche selon MBS un taux de chômage officiel de 6 % à 7 % et un taux officieux de 11 % à 12 %, mais de près de 25 % à 30 % pour les jeunes[5] - avec le lancement du portail national pour le travail, Takat (« Compétences »), en diffusant une culture de l’efficacité largement déficiente y compris, et peut-être surtout, dans la fonction publique pléthorique appelée à voir appliqué le programme Qawam (« rectitude ») pour augmenter l’efficacité des dépenses. Toutes choses qui sont loin d’aller de soi dans la société saoudienne embolisée par une « mentalité rentière » saoudienne, y compris au sein d’une jeunesse qui est a priori plutôt favorable au nouveau prince héritier MBS qui, en tant que jeune trentenaire, perçoit bien aujourd’hui ce que peuvent être les attentes en termes générationnels de la majorité de la population saoudienne mais dont le soutien pourrait lui faire défaut dès lors qu’un certain nombre de réformes structurelles commenceraient à les affecter douloureusement.                                                                           

C’est dans ce cadre que s’inscrivent un certain nombre d’annonces avec une forte logique d’affichage à destination tout particulièrement de cette jeunesse saoudienne. « Nous considérons que la culture et les loisirs sont indispensables à notre qualité de vie » est l’un des slogans de la Vision 2030. « Notre vision 2030 soutient la culture et le divertissement et opte pour une culture à la hauteur des aspirations des citoyens et résidents, par conséquent, nous allons soutenir les efforts des régions, des provinces et des secteurs sans but lucratif ainsi que le secteur privé dans la mise en place des festivals et d’événements culturels et redynamiser le rôle des fonds publics devant contribuer à la mise en place et au développement des centres de divertissement, pour permettre aux citoyens et aux résidents de dépenser leurs énergies et améliorer leurs talents » indique le prince MBS. Et d’ajouter : « Nous appuierons les écrivains, auteurs, cinéastes et artistes talentueux, et soutiendrons la création de diverses options culturelles et récréatives répondant aux goûts de tous. Cela jouera aussi un rôle économique important en fournissant de nombreux emplois ». Des politiques sont déjà en place, qui ont adopté des rythmes annuels : ainsi, en février 2016, le 30ème Festival Culturel et Traditionnel de la Janadriyah, créé par feu le roi Abdallah et qui se déroule à une quarantaine de kilomètres de Riyad avait enregistré plus d’un million de visiteurs ; en octobre 2016, un rare spectacle de hip-hop avait enflammé une foule de jeunes à Riyad ; un mois plus tard, en novembre 2016, le Dr Adel al-Turaifi, ministre de la Culture et de l’Information, avait inauguré le 5ème Rassemblement des Auteurs saoudiens. Ces rencontres périodiques sont appelées à se poursuivre et seront relayées par d’autres évènements d’ici à 2020, le but étant de créer des emplois dans le secteur des médias et des industries connexes et de faire passer la part de leurs revenus dans le PIB saoudien de 17 à 42 %[6]. Ce qui est loin d’aller de soi du fait de certaines « résistances sociétales ». Le 14 janvier 2017, Amr al-Madani, le directeur de la General Authority for Entertainment (« Autorité des loisirs ») créée récemment par Mohamed ben Salman (MBS) dans le cadre du plan « Vision 2030 », avait confié à un journal local[7] que le chanteur saoudien Mohammed Abdo, parfois comparé localement à Paul McCartney, se produirait « très prochainement » à Djeddah, le grand port sur la mer Rouge. Une première dans la très pieuse Arabie, où même les diplomates étrangers doivent se cacher pour organiser des soirées. L’annonce s’était effectivement concrétisée. Le 23 janvier, le premier concert de pop orientale s’était déroulé à Djeddah devant 7.000 personnes. Ce concert organisé dans l’enceinte de King Abdullah Sport City à Djeddah avait permis à trois artistes, dont la star saoudienne de la pop orientale Mohammed Abdo, d’enflammer le stade et de satisfaire une jeunesse enthousiaste. Ce concert avait été co-produit par la compagnie hôtelière Rotana dont le propriétaire n'est autre que le Prince Al Walid b. Talal, bien connu pour ses positions souvent opposées à la bien-pensance saoudienne conservatrice. L’autre société qui a apporté son savoir-faire dans la réalisation de ce concert est une entreprise française dont le siège est à Montreuil. Comanddo est spécialisée dans les opérations événementielles et implantée dans le royaume depuis plusieurs décennies. Dans le prolongement du succès de cette manifestation, son PDG Arnaud Richard avait confié : « Ce sont 4 000 autres événements de cette envergure qui sont programmés en 2017 dans tout le Royaume ». Ces concerts n’ont pas fini de faire du bruit dans le royaume très conservateur dont la jeunesse, souvent désoeuvrée faute de loisirs et affectée par le tufush (« mal-être »), se laisse souvent aller à des pratiques de rodéos urbains souvent dangereux. Mais ces nouvelles activités pour la jeunesse ne sont pas du goût de tous. Sur ce dossier où le prince est attendu par la jeunesse mais aussi les femmes, le bras de fer est engagé avec les religieux[8]. En effet, selon une déclaration faite par le Grand mufti Abdulaziz bin Abdullah Ali as-Sheikh, le 13 janvier 2017, cinémas et concerts constitueront « un appel à la mixité entre les sexes », ce qui, selon lui, « corrompra la morale et détruira les valeurs », exhortant les autorités à « ne pas ouvrir la porte au diable ». Et de dénoncer sur son site Web les concerts et les salles de cinéma comme des lieux de « corruption (…) pouvant ouvrir la voie à l’athéisme, à la mixité et à la décadence ». Le cinéma est à cet égard particulièrement visé dans un pays se revendiquant d’un islam radical prohibant toute forme de représentation. Il n’existait d’ailleurs pas de salles de cinéma dans le royaume - alors qu’il existe par ailleurs depuis plusieurs années un festival du film du cinéma saoudien qui se tient à Dammam (Est) - au motif que les cinémas « pourraient montrer des films libertins, obscènes, immoraux et athées car ils feront appel à des films importés pour changer notre culture ».

Ce n’est pas le moindre des paradoxes de considérer que le long métrage Wadjda[9] réalisé par la Saoudienne Haifaa Al-Mansour, avait été acclamé par la critique internationale et largement récompensé dans des festivals à l’étranger en 2013 et même sélectionné aux oscars 2014 sans pouvoir être vu dans son propre pays. Signe des temps, les autorités saoudiennes avaient ostensiblement annoncé le 11 décembre 2017, après 35 ans d’interdiction, la réouverture de salles de cinéma en 2018 en le justifiant par la nécessaire diversification économique prévue par le plan « Arabie saoudite : vision 2030 » qui n’a jamais mieux porté son nom. « C’est un moment clé dans le développement de l'économie culturelle dans le pays », avait alors déclaré le ministre de la Culture Awad al-Awad dans le communiqué officiel. « Ouvrir des cinémas va agir comme un catalyseur sur la croissance économique et la diversification », avait-il ajouté. La diffusion d’un premier film, en l’occurrence le bluckboster américain Black Panther, grâce à un accord conclu entre Italia Films, la filiale moyen-orientale de Disney (auquel appartient Marvel) et le gouvernement saoudien, a été programmé pour le 18 avril 2018. Les Saoudiens pourront désormais voir Wadjda[10] chez eux sans voir besoin d’aller à Abu Dhabi ou Manama. A travers ce film et son destin, c’est aussi une victoire pour la cause féminine saoudienne par son sujet et dans la mesure où il a est réalisé par la Saoudienne Haifaa Al-Mansour, dont le nom signifie précisément « celle à qui la victoire a été donnée ».       

De fait, en plus d’un tropisme « jeuniste », le prince héritier entend également capitaliser sur une forme de tropisme « féministe ». MBS estime, à juste titre, que le développement futur de l’économie saoudienne implique également son ouverture aux femmes en prévoyant l’accroissement de la proportion de participation des femmes sur le marché du travail de 22 % à 23 % aujourd’hui, à 28 % donc près de 30 % d’ici à 2020). Et dans la fonction publique, le nombre de femmes (aujourd’hui de 5 %) a vocation à être quadruplée, selon Reuters. Une gageure lorsque l’on sait que l’Arabie saoudite est le seul pays au monde où les femmes, qui constituent par ailleurs plus de 50 % des diplômés[1], sont encore le plus souvent entièrement dissimulées sous leur abaya noire (longue robe noire) et leur niqab - ce voile intégral couvrant le visage à l’exception des yeux et supposé protéger l’irdh (« l’honneur féminin ») -, et ne sont toujours pas totalement autorisées à se déplacer sans leur mahram (« tuteur »), même si elles viennent d’obtenir le droit de conduire en 2018.[12]. Une inanité économique lorsque l’on sait que le besoin permanent d’un chauffeur (représentant un coût de l’ordre de 400 dollars par mois) représenterait un coût de près de 1 % du PIB et alors que les femmes possèdent quelque 40 % des capitaux privés du pays par voie d’héritage. Après certaines tergiversations - « Nous croyons que les femmes ont des droits dans l’islam[13] qu’elles ont encore à obtenir », avait confié, le 21 avril 2016, le Prince MBS à Bloomberg[14], pour ajouter aussitôt dans une autre interview, en date du 26 avril, que la société saoudienne n’est « pas prête à autoriser les femmes à conduire » -, le 26 septembre 2017, le roi Salman publiait un décret royal ordonnant « de permettre de délivrer des permis indifféremment aux hommes et aux femmes ». Une mesure depuis longtemps réclamée par le prince Walid bin Talal bin Abdulaziz Al Saoud[15] et censée entrer en vigueur en juin 2018 mais compte tenu de la modalité de sa mise en œuvre serait reportée à septembre-octobre 2018. On pourrait voir comme « une ruse de l’Histoire » hégélienne dans le fait que la contrainte économique soit finalement à l’origine d’un progrès en matière sociétal. Avant d’abolir cette interdiction, vivement critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme, le souverain a pesé les « inconvénients de l’interdiction et ses avantages », précise le décret. Selon lui, « la majorité des grands oulémas était en faveur d'une mesure permettant aux femmes de conduire ». Un infléchissement, car ces « docteurs de la foi » s’y étaient vivement opposés dans le passé, notamment le Grand mufti Abdulaziz bin Abdullah Ali As-Sheikh qui s’était notamment insurgé, le 28 novembre 2013, contre toute éventualité d’autorisation de conduire pour les femmes.                                                                  

Cette mesure « émancipatrice », saluée pour ce qu’elle est par une bonne partie de la gente féminine en laquelle MBS voit un soutien potentiel, avait été suivie par l’autorisation implicite donnée aux femmes, le 29 octobre 2017, par l’autorité générale des sports d’accéder aux rencontres sportives[16] avec « l’aménagement de trois stades pour les familles ». A partir de 2018, les Saoudiennes, qui devront encore être accompagnées de leur mari, frère, père ou fils, pourront néanmoins assister à des matches dans les trois principales villes du pays : Riyad, la capitale, Djeddah à l’Ouest et Dammam à l’Est. Jusqu’ici, les femmes n’étaient pas admises dans les stades en application de la règle de séparation entre les sexes dans les espaces publics, au motif que ce type de mesure risquerait d’entraîner une remise en cause du principe de la sadd al-zhara’i (« barrage des moyens ») supposée éviter toute fasad (« corruption »), c’est-à-dire une stricte ségrégation sexuelle - surveillée théoriquement par les muttawayin de la hay’a[17] - une règle évidemment problématique sur le marché du travail que le prince héritier cherche précisément à élargir avec l’apport de la gente féminine                       

C’est aussi le sens qu’il convient de donner à la nomination le 27 février 2018, d’une femme, en l’occurrence, Tamadur bint Youssef al-Ramah, comme ministre-adjoint au Travail, une fonction qui  n’a rien de cosmétique par rapport aux attendus du plan »Arabie saoudite : vision 2030 ». Un fait suffisamment rare dans le royaume pour être souligné et qui témoigne de la volonté effectivement « réformatrice » du prince héritier, ce qui n’empêche pas de sa part une grande ambivalence. En matière de réformes prônées, il n’y a donc pas forcément une image fausse, mais comme toute médaille, elle a son endroit et son envers.

D'autres points, comme la guerre menée au Yémen, ou la position intransigeante de MBS face à l'Iran semblent montrer un visage différent. Comment comprendre ce qui peut apparaître comme un paradoxe, entre un « assouplissement » interne qui se conjugue avec un durcissement des positions extérieures du Royaume ?

Il y a une part d’énigme dans le personnage de MBS qui, pour certains, apparaît un peu comme Docteur Jeckyll et Myster Hyde. De fait ce qui est perçu parfois avec l’adoption de mesures « libérales » comme assouplissement interne est somme toute relatif. On a pu le mesurer à la faveur du plusieurs événements récents. Cette ambivalence s’était manifestée, le 9 septembre 2017, avec une campagne de répression visant plusieurs formes d’opposition potentielle au pouvoir de MBS. Selon des militants de l’association des droits de l’homme saoudienne Al Qasst, une vingtaine de personnes aurait fait l’objet d’une arrestation : notamment des dignitaires religieux, certains comme Salman al-Aoudah très suivi sur Twitter avec près de 14 millions de followers[18], étant associés, à tort ou à raison, à la mouvance de la sahwa supposée proche des « Frères musulmans » dont l’organisation est officiellement classée comme « organisation terroriste » ; ou d’autres comme Hassan Farhane al-Maliki connu lui plutôt pour être un critique déclaré des thèses salafistes en général, et du courant wahhabite en particulier ; et encore des intellectuels comme l’écrivain Abdallah al-Maliki, universitaire et écrivain connu pour son engagement en faveur des réformes et des droits de l’homme ; mais aussi, l’économiste Issam Al Zamel, connu pour ses écrits soulignant la nécessité de réformes économiques comme celles que promeut justement MBS ; voire des princes de la famille royale dont Abdulaziz b. Fahd b. Abdulaziz Al Saoud opposé à la concentration du pouvoir dans les mains de MBS et lequel aurait également été arrêté[19]. « Ces dernières années, nous ne pouvons pas nous souvenir d’une semaine durant laquelle tant de personnalités saoudiennes de premier plan ont été visées en si peu de temps », avait pour sa part déclaré Samah Hadid, directrice d’Amnesty International pour le Moyen-Orient[20].

Et puis il y a eu surtout deux mois plus tard, dans la nuit du 4 au 5 novembre 2017, la brutale « opération anticorruption » qualifiée de « décisive » par les autorités, laquelle a visé des dizaines de princes, de ministres et d’hommes d’affaires. Pas moins de onze princes de la famille royale et non des moindres - notamment les fils du défunt roi Abdallah dont le Prince Mitab bin Abdallah bin Abdulaziz Al Saoud, ancien ministre de la « Garde nationale » saoudienne[21] ainsi que le célèbre « prince milliardaire » Walid bin Talal bin Abdulaziz Al saoud - quatre ministres en exercice et plusieurs dizaines d’ex-membres du gouvernement, étaient alors arrêtés et assignées au Ritz-Carlton de Riyad. A l’origine de cette méga-purge, une commission anticorruption, dont la création avait tout juste été annoncée par le roi Salman et dirigée par MBS en personne. Avec ces arrestations, « le royaume ouvre une nouvelle ère et une politique de transparence, de clarté et de responsabilité », avait déclaré le ministre des financesMohammed b. Abdullah Al-Jadaan, ajoutant que ces actions « décisives préserveront le climat pour les investissements et renforceront la confiance dans l’Etat de droit ». Une manière d’inscrire cette opération dans le processus de réformes engagé sur le plan économique, même si d’aucuns ont pu considérer que cette opération « mains propres » à la saoudienne pouvait s’apparenter à une forme de racket, quand des rumeurs allaient jusqu’à évoquer des cas de pressions physiques[22].

Le procureur général d’Arabie saoudite, Cheikh Saoud Al Mojeb, faisant lui-même partie de la commission anticorruption, avait affirmé quant à lui que les « suspects se voient accorder les mêmes droits et le même traitement que n’importe quel autre citoyen saoudien. La position et le statut d’un suspect n’influencent pas l’application ferme et juste » de la loi. Un discours digne d’une campagne de communication publique remarquablement orchestrée pour s’attirer le soutien d’une opinion publique saoudienne de plus en plus exaspérée par le système du « deux poids deux mesures », surtout lorsqu’il s’agit des puissants du royaume. Par la suite, le ministère de l’Information avait encore annoncé que les comptes bancaires des personnes concernées seraient « gelés » et que tous les biens « résultant de la corruption » seraient « restitués à l’Etat ». Le procureur général Cheikh Saoud Al-Mojeb, a pu annoncer, le 30 janvier 2018, que sur les 381 suspects interrogés dans le cadre de cette vaste « campagne anticorruption », 56 seulement étaient toujours incarcérés dans d’autres lieux de détention que le Ritz-Carlton et que tous les autres avaient été libérés, dont le célèbre prince milliardaire Walid bin Talal le 28 janvier précédent. Dans une déclaration officielle, Saoud Al-Mojeb avait expliqué que l’examen des dossiers était « terminé », que les négociations et les arrangements avec les personnes accusées de corruption avaient « abouti » en précisant que les accords conclus avec certains suspects allaient permettre aux autorités de récupérer plus de 107 milliards de dollars, remboursés sous forme d’avoirs immobiliers, commerciaux, en titres et en espèces.                                      

Quant au « durcissement » externe, il n’est pas dissociable de la situation interne même dans ses supposées modalités « libérales ». La perception de la menace iranienne est inscrite dans l’ADN saoudien et son instrumentalisation sert aussi la stratégie personnelle du prince héritier MBS. Il faut rappeler que, dès l’avènement de son père le 23 janvier 2015, MBS était nommé, tout en étant déjà chef du cabinet royal, rien moins que ministre de la Défense. Il se retrouvait donc officiellement charge des défis sécuritaires extérieurs, notamment vis-à-vis de l’Iran chiite, l’ennemi séculaire, ce qui le conduire à initier, le 25 mars suivant, sur le lancement pour le moins aventureux de la guerre au Yémen contre les « Houthistes » d’obédience zaydite, et donc chiite au sens large, supposés - à tort ou à raison - être directement soutenus par Téhéran. Il s’agit aussi pour MBS d’asseoir sa stature en interne avec des résultats pour le moins incertains en tout cas pour ce qui est de l’opération militaire militairement et financièrement coûteuse - on évoque un chiffrage en milliard de dollars mensuellement -, laquelle opération s’avère être devenue une impasse stratégique pour Riyad qui souffre par ailleurs réellement d’un syndrome obsidional de la part de l’Iran ouvertement accusé d’expansionnisme via ses relais régionaux. Par-delà l’échec patent de son initiative belligène au Yémen, la stigmatisation récurrente de l’Iran permet paradoxalement à MBS de conforter sa position en interne en jouant habilement sur le dénominateur commun foncièrement anti-iranien de l’opinion saoudienne à son profit, afin d’hypothéquer simultanément une agglomération potentielle des mécontentements polymorphes à son détriment. Dans son interview accordée au magazine américain The Atlantic du 2 avril 2018[23], le prince héritier saoudien MBS, alors engagé dans une grande offensive de charme aux Etats-Unis pendant trois semaines, a répondu dans le style direct qui le caractérise aux diverses questions de Jeffrey Goldberg, le spécialiste de politique étrangère du magazine américain. « Nous ne voulons pas que le nouveau Hitler en Iran reproduise au Moyen-Orient ce qui est arrivé en Europe [sous Hitler] », a d’emblée indiqué Mohammed bin Salman au sujet du « Guide » de la république islamique d’Iran, Ali Khamenei. « Il veut s’étendre. Il veut créer son propre programme au Moyen-Orient, un peu comme Hitler qui voulait se développer à l’époque », a ajouté MBS. « Beaucoup de pays dans le monde et en Europe n’ont pas réalisé à quel point Hitler était dangereux jusqu’à ce que ce qu’il s’est passé, se soit passé. Je ne veux pas que les mêmes événements se produisent au Moyen-Orient », a-t-il encore expliqué. Mohammed bin Salman n’a pas même hésité à qualifier le guide suprême iranien Ali Khamenei d’homme pire qu’Hitler. « A côté de lui [Ali Khamenei], Hitler fait bonne impression », a-t-il ainsi estimé, poursuivant : « Hitler n’a pas fait ce que le guide suprême essaie de faire. Hitler a essayé de conquérir l’Europe. [Ali Khamenei] essaie de conquérir le monde ». Enfin, concernant l’intervention militaire dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen depuis fin mars 2015, qui a fait plus de 10 000 tués et 53 000 blessés dont près de 6 000 civils, Mohammed bin Salman a simplement estimé que « l’Arabie saoudite [essayait] d’aider le peuple du Yémen ». CQFD.

Dans la même interview donnée au magazine américain, The Atlantic, Mohammed ben Salman a reconnu à Israël « le droit à son propre État ». Dans cette perspective, comment comprendre la mécanique du pouvoir saoudien au niveau international ? Quelles sont les renforcements d’alliance recherchés, parfois paradoxales (en prenant par exemple en compte l'accord OPEP-Russie) et quels sont les objectifs du Royaume saoudien aujourd’hui ?

En ce qui concerne la déclaration faite à propos d'Israël, cela constitue certainement une étape supplémentaire, comme une confirmation d’un rapprochement qui s’opère depuis plusieurs années au moins[24] et plus particulièrement ces derniers mois avec Israël même s’il a fait l’objet de dénégations répétées. Encore en début d’année 2018, le ministre des Affaires étrangères saoudien, Adel al-Jubeir, répondait en ces termes à la question de savoir si Israël pouvait être un allié du royaume contre l’Iran : « Israël a ses intérêts qui lui sont propres, nous avons les nôtres. Nous ‘avons aucune relation avec eux » [25].

Trois mois plus tard, dans la même interview précitée, en date du 2 avril, accordée au magazine The Atlantic[26], Mohammed bin Salman assure aujourd’hui n’avoir « aucune objection » religieuse quant à l’existence de l’État d’Israël. Et d’ajouter : « Je crois que chaque peuple, où que ce soit, a le droit de vivre dans sa nation pacifique. Je crois que les Palestiniens et les Israéliens ont le droit d’avoir leur propre terre ». Afin de ne pas donner l’impression qu’il sacrifie la cause palestinienne, il précise encore : « Mais nous devons avoir un accord de paix pour assurer la stabilité de chacun et avoir des relations normales ». Et MBS d’explique que les seules « inquiétudes religieuses » des Saoudiens concernent le sort d’Al-Qods (« Jérusalem ») et de la mosquée Al-Aqsa (sur l’esplanade des mosquées qualifiée d’al-Ḥaram as-Sharif signifiant « Noble Sanctuaire ») à Jérusalem-Est - annexée par Israël par le vote d’une « loi fondamentale » le 30 juillet 1980 proclamant Jérusalem « capitale une et indivisible » -, et « les droits des Palestiniens ». Pour conclure : « Notre pays n’a pas de problèmes avec les Juifs ».

C’est un signe de plus du rapprochement entre le royaume sunnite - où se trouvent les deux saintes mosquées de l’islam que sont La Mecque et Médine - et Israël, un rapprochement très largement dicté par une perception commune de la menace iranienne. De son côté, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a présenté, lors d’une visite à Washington début mars 2018, son pays comme l’« indispensable allié » des pays arabes opposés à Téhéran.

Le 5 novembre 2017, de passage à Londres pour le centenaire de la Déclaration Balfour relative à la légitimité de « l’établissement en Palestine d’un foyer national juif », le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou avait déclaré dans une interview à la BBC : « Quand les Israéliens et les Arabes, tous les Arabes et les Israéliens, sont d’accord sur une chose, les gens devraient prêter attention. Nous devrions arrêter cette prise de contrôle iranienne ».

Le 16 novembre 2018, le chef d’Etat-major de Tsahal, Gadi Eizenkot, avait déclaré dans une interview accordée au site d’information arabe en ligne Elaph basé à Londres, qu’Israël était prêt « à partager notre expérience et les informations issues de nos services de renseignements avec les pays arabes modérés pour faire face à l’Iran ». Y compris avec l’Arabie saoudite « avec qui nous sommes ne total accord et qui n’a jamais été notre ennemi ». Gadi Eizenkot a également estimé qu'il y avait de « nombreux points d'intérêt commun » entre l’Etat hébreu et Riyad.

Le 19 du même mois, un membre du gouvernement israélien, le ministre israélien de l'Energie, Yuval Steinitz, interrogé le 19 novembre sur radio Tsahal reconnaissait ouvertement pour la première fois que son pays, qui n’entretient pas de relations diplomatiques officielles avec l’Arabie saoudite, avait des discussions secrètes régulières avec ce pays.  Alors que le présentateur lui demandait pourquoi Israël gardait secrets ses contacts avec Riyad, le ministre, cité par Reuters, avait répondu : « Nous avons en effet des liens qui sont partiellement secrets avec de nombreux pays musulmans et arabes et généralement [Israël] est la partie qui n'a pas honte [de ces liens] ». « C’est l’autre partie qui a intérêt à garder ces liens sous silence. Avec nous, généralement, il n’y a pas de problème, mais nous respectons la volonté de l’autre partie lorsque des liens se développent, qu’il s’agisse de l’Arabie saoudite ou d’autres pays arabes ou musulmans. Et il y en a bien d’autres », avait poursuivi Yuval Steinitz.

Il y avait auparavant davantage de prudence de la part de Riyad qui a toujours pris soin de ne pas passer pour un État arabe se compromettant avec Israël. Mais ce qui justifie aujourd’hui le caractère de plus en plus public de ce rapprochement, c'est la perception de la menace iranienne qui est équivalente pour les deux Etats. C’est donc une convergence d’intérêts stratégiques, même si elle est largement opportuniste. Il s’agit donc d’une alliance moins paradoxale qu’il n’y paraît de prime abord.

Pour ce qui est de l’accord OPEP[27]/Russie, cela reflète le kaléidoscope d’intérêts contradictoires qui se chevauchent. Alors que la Russie laquelle était objectivement, dans la crise syrienne, un ennemi déclaré du royaume saoudien qui avait longtemps soutenu - vainement - une partie des insurgés sunnites comme le Jaysh al Islam (« l’Armée de l’islam ») présent notamment dans la Ghouta orientale autour de Damas, ce rapprochement avec des pays non membres de l’OPEP mais grands producteurs de pétrole comme la Russie se justifie par des impératifs économiques liés aux enjeux pétroliers, avec la perspective de maintenir ou de reconduire l’accord signé le 10 décembre 2016 et entré en vigueur le 1er janvier 2017, accord visant à tout à la fois à réduire la production et à soutenir les prix - avec un baril remonté aujourd’hui à quelque 60 dollars -, dans un intérêt bien compris de part et d’autre. Via Riyad, l’OPEP a même annoncé son souhait de s’allier à Moscou sur une période pouvant aller jusqu’à 20 ans dans le but d’éviter une nouvelle chute des prix du pétrole. Un accord sur cette durée serait inédit. Dans un entretien accordé à Reuters, MBS a fait part de son souhait de nouer un accord de coopération courant sur plusieurs années entre l’OPEP dont il est le leader historique, et Moscou, qui n’en fait pas partie et ce, afin de faire face à la redoutable concurrence de la production américaine des Shales américains (« huiles de schistes »), à la fois des Shalesgas (« gaz de schistes ») et des Shalesoil (« pétrole de schistes ») et. « Nous faisons en sorte de passer d’un accord d’une année sur l’autre à un accord sur 10 à 20 ans », a-t-il ainsi annoncé, en marge de son déplacement aux Etats-Unis entre le 20 mars et le 7 avril 2018[28].

Ce qui revient paradoxalement à faire de Moscou une sorte d’« allié budgétaire » de Riyad, alors que le royaume saoudien a entériné le fait qu’il avait perdu « la guerre des prix » qu’il avait imprudemment lancée en 2014 pour saper la rentabilité de la production des Shales américains - les Shalesoil et Shalesgas (« huiles de schistes ») -, lesquels ont d’ailleurs recommencé à croître de manière importante depuis l’année 2017 en bénéficiant indirectement - et non sans ironie pour le royaume saoudien par ailleurs allié stratégique des Etats-Unis dans la région du Golfe -, de la remontée des cours. En effet, avec un baril repassé au-dessus de 60 dollars depuis la fin octobre 2017, les Shales américains sont redevenus rentables. Désormais en effet, les producteurs américains ont considérablement réduit leurs coûts de production et peuvent être rentables avec un baril à 50 dollars, alors que le seuil de rentabilité se situait plutôt autour de 80 dollars dans la première vague des Shales durant la période 2010-2014.

Au rythme actuel, la production de brut des Etats-Unis, qui a dépassé la barre symbolique des 10 millions de barils par jour (mbj) à la fin de l’année 2017, « dépassera bientôt celle de l’Arabie saoudite », relève l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) et « d’ici à la fin de l’année, elle devrait aussi supplanter la Russie, devenant le numéro un mondial ». Si l’on prend en compte toutes les « huiles » (notamment les condensats, pétrole léger associé aux puits de gaz), les États-Unis sont déjà numéro un mondial depuis plusieurs années. Mais s’agissant du brut stricto sensu, l’Arabie saoudite et la Russie les devançaient jusqu’à présent, ce qui ne serait plus le cas[29]. Lors d’un déplacement à Tokyo, le directeur de l’AIE, Fatih Birol a annoncé le 27 février dernier que la production américaine de pétrole dépasserait la production russe « assurément l’année prochaine », si ce n'est dès cette année. « La croissance de la production américaine de schiste est très dynamique, le rythme est très dynamique (...) Les Etats-Unis deviendront le producteur numéro un de pétrole très bientôt », a-t-il encore souligné dit par ailleurs à Reuters[30]. Le même Fatih Birol a encore souligné ne pas s’attendre à un pic de la production américaine avant 2020 et ne pas prévoir de baisse dans les quatre ou cinq prochaines années. L’exploitation des sols de schiste aux Etats-Unis va en tous les cas à l’encontre des efforts conjoints entrepris par les membres de l’OPEP, emmenés par l’Arabie saoudite, et d’autres pays comme la Russie pour soutenir les cours via une limitation de leur propre production[31]. Il demeure que l’Arabie saoudite préfère sans doute aujourd’hui récupérer le prix plutôt que le volume. C’est un enjeu politique. Il lui faut acheter la paix sociale. En ce sens, le pays a réussi son coup avec cet accord de réduction qui a permis de faire remonter les prix. Mais le pays sera vigilant. Il lui faut un prix du baril qui ne casse pas la demande mais qui soit suffisant pour combler son déficit. À 70 dollars, cela devient dangereux », souligne ce dernier[32]. Un exercice d’équilibriste donc qui pousse même aujourd’hui le royaume à avoir des velléités d’investissement dans la production des Shales américains. Un comble. L’entreprise publique du royaume, la Saudi Aramco, serait en pourparlers avec divers producteurs américains, dont Tellurian. En outre, les Saoudiens s’intéresseraient également à deux gigantesques réservoirs de pétrole et de gaz américains, les Perm et Eagle Ford. Les tentatives d’acquisition d’actifs pétroliers et gaziers américains marqueraient à cet égard un tournant majeur dans la stratégie pétrolière saoudienne. Alors que le pays de l’« Or noir » a durant les dernières décennies le plus grand exportateur de pétrole brut au monde, la croissance spectaculaire de la production des Shales américains a sapé sa domination en faisant plonger les prix du pétrole[33]. Pour certains, il ne resterait plus d’autre option aujourd’hui pour le royaume que de réduire drastiquement sa dépendance vis-à-vis des recettes pétrolières qui n’auraient plus rien d’une manne[34]. Un processus précisément lancé sous la direction du prince héritier Mohammed bin Salman avec son plan « Arabie saoudite : vision 2030 ».



[1] Cf. « The 2 Trillion Dollars Project to Get Saudi Arabia’s Economy off Oil », on Bloomberg, 21 avril 2016 (https://www.bloomberg.com/news/features/2016-04-21/the-2-trillion-project-to-get-saudi-arabia-s-economy-off-oil).

[2] L’Arabie Saoudite détient de fait le record du taux d’utilisation de Twitter dans le monde. Ce ne sont, paradoxalement, ni les Etats-Unis ni la France ni le Japon ni même la Grande-Bretagne qui possèdent le plus fort taux de pénétration de Twitter… C’est l’Arabie Saoudite dont 33 % de la population ayant accès à Internet utilise Twitter. C’est le constat d’une étude réalisée par PeerReach qui le dit. Selon les résultats de cette étude relayée par ZDNet, destinée à mesurer l’activité des comptes qui twittent par rapport à la population connectée plutôt que le nombre de connexions aux services, l’Arabie Saoudite vient en tête de ce classement, suivie par l’Indonésie où 19 % de la population ayant accès à Internet utilise Twitter. A noter que l’étude considère pour son comptage qu’un utilisateur éligible est un internaute qui twitte au moins une fois par mois.

[3] Le gouvernement saoudien a toutefois modulé la baisse de ces aides en fonction du niveau de revenu. Comme l’a indiqué MBS dans son plan : « Nous comptons permettre à notre société de continuer à développer le système de services sociaux plus équitables et nous voulons que l'assistance sociale et les aides de compensation pour la nourriture, le carburant, l'électricité et l'eau aillent directement à ceux qui les méritent. Et nous allons accorder une attention particulière aux citoyens qui ont besoin de soins permanents, et leur donner un soutien continu ».

[4]  Mais 40 % des 200.000 à 300.000 jeunes qui arrivaient chaque année sur le marché du travail ont quitté le système scolaire sans diplôme, les deux tiers des « diplômés » sortaient des instituts islamiques du Royaume et, faute d’emplois, allaient le plus souvent jusque-là grossir les rangs des mouttawa’yn (« police religieuse »). Chaque année, le système éducatif saoudien « fabriquerait » donc des dizaines de milliers de futurs chômeurs dont les frustrations accrues constituent autant de « bombes à retardement ». D’où la mesure préconisée dans le plan de MBS : « Nous allons chercher à combler le fossé entre les produits de l'enseignement supérieur et les exigences du marché du travail, à développer l'enseignement public et à orienter les étudiants vers des choix fonctionnels et professionnels appropriés, et à fournir une opportunité pour leur réhabilitation et une flexibilité au niveau du changement entre les différentes voies de formation. Nous nous efforcerons à ce que cinq des universités saoudiennes deviennent au moins parmi les meilleurs (200) universités internationales lors de l'avènement de l'année (1452 H-2030) ».

[5] Selon les données officielles du ministère des Finances et de la Planification, près de 10 % des jeunes hommes saoudiens âgés de 15 à 24 ans seraient aujourd’hui inactifs. Ils ne sont ni travailleurs, ni étudiants, ni dans l’incapacité d’être actifs et ils n’appartiennent pas non plus à la catégorie des jeunes hommes aisés qui, du fait de leur statut financier, ne sont pas dans l’obligation d’être actifs sur le marché du travail. Une large majorité de la population saoudienne n’est donc pas sur le marché du travail proprement dit. Toujours selon les données du même ministère, 2,5 millions d’hommes sont considérés comme étant hors du marché du travail. Un taux de chômage de 34 % pour la tranche des 15 à 19 ans et de 23 % pour les 20 à 24 ans.

[6] Cf. Jacques Jocelyn-Paul, Arabie saoudite. L’incontournable, Paris, Riveneuve Editions, 20147 (https://www.imarabe.org/ar/blog/2016/12/arabie-saoudite-la-culture-et-les-loisirs-sont-indispensables-a-notre-qualite-de-vie).

[8] On peut rappeler qu’e lors de la Guerre du Golfe fin 1990, le chanteur français Eddy Mitchell avait failli être emprisonné pour avoir donné un concert de Rock pour les troupes occidentales et qu’il avait fallu l’intervention directe et au plus haut niveau des autorités françaises pour le laisser rentrer. C’était en 1990, à Noël, pendant la guerre du Golfe. Le ministère de la Défense Jean-Pierre Chevènement lui avait demandé de partir là-bas pour soutenir le moral des troupes. Arrivé sur place avec mes musiciens, on lui a fait savoir que les Saoudiens le considéraient comme un « chanteur du diable ». Ils lui ont interdit de se produire ». Il avait quand même chanté pour les soldats, accompagné par Basile Leroux, auquel on avait prêté une guitare. Mais quand ils étaient repartis du camp, il n’y avait plus d’avion pour rentrer à Paris. C’est là qu’il avait été contraint d’appeler Michel Charasse au secours. Il a suffi d’un coup de téléphone de l’homme politique à Jean-Pierre Chevènement pour que ce dernier s’occupe personnellement du rapatriement des artistes. Un épisode qui a tout de même jeté un froid sur les relations franco-saoudiennes, obligeant Chevènement à se fendre de cette explication auprès de son homologue saoudien : « Les chansons d’Eddy Mitchell ne menacent pas les valeurs de l’islam, pas plus qu’elles ne menacent en France les valeurs chrétiennes », avait-il assuré.

[9] Ce film - le premier jamais réalisé dans le royaume - raconte les tribulations d’une petite fille de 12 ans qui rêve de posséder un vélo vert, un jouet réservé aux garçons et qui y parvient après moult stratagèmes. Il s’agissait d’un véritable défi à plusieurs titres. D’abord, il fallait trouver un mode de financement. La réalisatrice avait réussi à convaincre le « prince milliardaire »Walid bin Talal, via sa société Rotana Studios. Elle a ensuite trouvé auprès de la compagnie allemande Razor Film un co-producteur efficace. Le paradoxe est que ce film saoudien n’a jamais été diffusé dans le royaume alors qu’il a été projeté au Qatar et à Bahreïn où nombre de Saoudiens se rendent le week-end pour voir les films en salle. L’autre problème résidait dans la difficulté à tourner dans les rues de Riyad. En effet, du fait de la sadd al-zhara’i (« barrage des moyens »), c’est-à-dire de la stricte séparation des sexes, les femmes ne sont pas censées travailler avec les hommes. C’est la raison pour laquelle la réalisatrice avait été contrainte de s’installer dans un van à l’intérieur duquel elle regardait les scènes sur un moniteur et elle dirigeait ses acteurs depuis son téléphone portable.

[10] Ce film - le premier jamais réalisé dans le royaume - raconte les tribulations d’une petite fille de 12 ans qui rêve de posséder un vélo vert, un jouet réservé aux garçons et qui y parvient après moult stratagèmes. Il s’agissait d’un véritable défi à plusieurs titres. D’abord, il fallait trouver un mode de financement. La réalisatrice avait réussi à convaincre le « prince milliardaire » Walid bin Talal, via sa société Rotana Studios. Elle a ensuite trouvé auprès de la compagnie allemande Razor Film un co-producteur efficace. Le paradoxe est que ce film saoudien n’a jamais été diffusé dans le royaume alors qu’il a été projeté au Qatar et à Bahreïn où nombre de Saoudiens se rendent le week-end pour voir les films en salle. L’autre problème résidait dans la difficulté à tourner dans les rues de Riyad. En effet, du fait de la sadd al-zhara’i (« barrage des moyens »), c’est-à-dire de la stricte séparation des sexes, les femmes ne sont pas censées travailler avec les hommes. C’est la raison pour laquelle la réalisatrice avait été contrainte de s’installer dans un van à l’intérieur duquel elle regardait les scènes sur un moniteur et elle dirigeait ses acteurs depuis son téléphone portable.

[11] Sarah al-Souhaimi, directrice générale de la banque d’investissement NCB Capital, a été nommée le 16 février 2017 présidente de la Bourse saoudienne, première femme à accéder à ce poste dans le royaume. Sarah al-Souhaimi a été élue par le conseil d’administration de l’opérateur boursier, qui réunit des représentants de la Banque centrale, et des ministères des Finances et du Commerce. Elle sera la première femme à diriger une institution financière gouvernementale en Arabie saoudite. En 2014 déjà, lors de sa promotion à NCB Capital, Sarah al-Souhaimi avait été la première femme nommée à la tête d'une banque d’investissement saoudienne. Elle est l’une des rares femmes à accéder à un poste de haut niveau dans les finances en Arabie saoudite. Son père, Jammaz al-Suhaimi, était à la tête du Capital Market Authority de 2004 à 2006. Cette nomination prend tout son sens dans le cadre du plan « Vision 2030 » et dont l’un des objectifs affichés est de développer le rôle des femmes dans l’économie et d’augmenter leur participation sur le marché du travail dans les années à venir. Sarah al-Souhaimi présidera la principale Bourse du monde arabe à un moment crucial pour cette institution qui se prépare à une cotation et espère obtenir un statut de marché émergent au sein des indices mondiaux MSCI. L’année 2018 devrait voir en outre les débuts en Bourse de la Saudi Aramco, la compagnie pétrolière saoudienne, dans ce qui s'annonce comme la plus importante offre publique de vente (IPO) de l’Histoire. Pendant son mandat à la tête de la Bourse saoudienne, Sarah al-Suhaimi conversera son poste à NBC Capital, une branche de la Banque commerciale nationale, la plus importante banque cotée du royaume.

[12] Cf. le rôle de l’activiste de la campagne lancée en juin 2011 women2drive, Manaf al Sharif, consultante en sécurité informatique de 32 ans, qui s’était déjà filmée en vidéo en train de conduire le 21 mai 2011, puis avait renouvelé l’expérience le 17 juin 2011, ce qui lui avait valu d’être emprisonnée neuf jours, puis avait recommencé à nouveau le 29 juin 2012. Une autre activiste, Eman al Nafjan avait imité sa consoeur le 26 octobre 2012 puis à nouveau le 29 juin 2013.

[13] Cela renvoie aux Al Houquouq al Chariyya (« droits légitimes islamiques »).

[14] Signe des temps, le 11 janvier 2013, un « décret royal sur la réforme du Conseil consultatif » indiquait que ce conseil comporterait désormais 20 % de femmes. Cette réforme était annoncée depuis des années. Le décret précisait également que « le conseil sera doté d’emplacements pour les femmes totalement indépendants de ceux des hommes » et de « portes d’entrée séparées ». En outre, les femmes avaient pour la première fois été autorisées à participer, le 12 décembre 2015, au troisième scrutin municipal de l‘histoire du royaume destiné à renouveler la moitié des 284 conseils municipaux et ce, malgré le hashtag « le danger de la participation des femmes aux municipales ». Une quinzaine d’entre elles avaient même été élues.

[15] En novembre dernier 2016, le prince et milliardaire saoudien Walid bin Talal bin Abdulaziz Al Saoud avait lui lancé un vibrant appel pour que les femmes obtiennent enfin le droit de conduire. Il avait déploré le « coût économique » découlant du fait que les femmes en Arabie saoudite dépendent, pour se déplacer, de chauffeurs privés « étrangers » ou de taxis. Et si un mari trouve le temps de conduire son épouse, cela suppose qu’il s’absente de son travail, réduisant sa productivité, avait-il regretté. Cf. « Le roi saoudien autorise les femmes à conduire », on Le Temps, 27 septembre 2017 (https://www.letemps.ch/monde/2017/09/27/roi-saoudien-autorise-femmes- septembre conduire).

[16] Le 14 octobre 2017, MBS avait nommé pour la première fois une femme, la princesse Rima bin Bandar bin Sultan bin Abdulaziz Al Saoud à la tête de la « Fédération Omnisports » du royaume après avoir été la première femme à obtenir le 2 août 2016 un poste au sein du Comité général sportif saoudien.

[17] Certains observateurs attribuent directement à MBS la récente mise au pas de la police religieuse, dont les prérogatives en matière d’arrestations et de poursuites ont été annulées. En octobre 2012 déjà, à la suite de dizaines de plaintes, les pouvoirs de la Muttawa, officiellement la Hay’a (« Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice »), honnie des milieux libéraux saoudiens. Selon de nouvelles décisions approuvées le 11 avril 2016 en Conseil des ministres, police religieuse avaient été réduits une première fois. La possibilité de pratiquer des arrestations et de mener des interrogatoires lui avait été retirée, et réservée à la police traditionnelle. Mais feu le roi Abdallah lui avait laissé le droit d’arrêter des personnes consommant de l’alcool ou de la drogue ou commettant d’autres actes comme la sorcellerie. En 2013, des agents de la Muttawa avaient été appréhendés après un accident ayant fait deux morts lors d’une course-poursuite. Avec les mesures prises par le roi Salman, le gouvernement saoudien réduit davantage encore les pouvoirs de la Hay’a (« Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice »), honnie des milieux libéraux saoudiens. Selon de nouvelles décisions approuvées le 11 avril 2016 en Conseil des ministres, les officiers et les agents de la police religieuse « ne pourront plus arrêter ou détenir des personnes, ni demander leurs cartes d’identité, ni les suivre », mais ils pourront seulement effectuer des signalements à la police ou à l’agence chargée de la lutte antidrogue. « Seules ces entités spécialisées seront responsables » des enquêtes et des arrestations, a précisé l’agence officielle SPA en détaillant les nouvelles mesures. Les membres de la Muttawa devront aussi avoir une « bonne conduite », veiller à la « réputation » de leur commission et présenter clairement leurs cartes d’identité lorsqu’ils sont en opération. L’idée est de « conseiller aimablement et gentiment » la population. Enfin, une commission de cinq membres fera des propositions au président de la Muttawa, désigné par le roi Salman, pour que les agents rendent des comptes lorsqu’ils commettent des violations ou des abus. La Muttawa a été accusée de commettre des abus en appliquant la politique de ségrégation des sexes et en obligeant les femmes à se couvrir de la tête aux pieds lorsqu’elles sont en public. Des femmes ont été parfois frappées par des agents en raison de leur tenue jugée indécente, et des commerçants maltraités lorsqu’ils ne fermaient pas boutique pendant les heures de prière. En février 2016, des membres de la Muttawa avaient été arrêtés après avoir brutalisé une jeune femme devant un centre commercial de Riyad. Le président de la Muttawa, Abdel Rahmane al-Sanad, avait alors démenti que ses agents aient harcelé ou puni des citoyens, affirmant qu’ils avaient seulement cherché à améliorer le comportement des Saoudiens. Mais cela n’avait pas convaincu et explique l’adoption de ces mesures restrictives adoptées le mois suivant en Conseil des ministres.

[18] Cf.  « L’Arabie saoudite détient le record du taux d’utilisation de Twitter dans le monde », on Webdo.tn, 19 novembre 2013 (http://www.webdo.tn/2013/11/19/larabie-saoudite-premier-pays-utilisateur-de-twitter/).

[19] Cf. Benjamin Barthe, « En Arabie, le clan du roi fait taire la dissidence », on Le Monde, 13 septembre 2017 (http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/09/13/en-arabie-saoudite-le-clan-du-roi-fait-taire-la-dissidence_5184882_3218.html).

[20] Cf. AFP, « Arabie saoudite : répression et opération de charme du prince héritier », on tsa-algérie.com, 18 septembre 2017 (https://www.tsa-algerie.com/arabie-saoudite-repression-et-operation-de-charme-du-prince-heritier/).

[21] La « Garde nationale » (al-Haras al-watanî), aussi appelée la « Garde royale », qui compte près de 125 000 hommes d’active dont 20 000 supplétifs elle se présente comme la garde prétorienne du régime contre toute atteinte extérieure, voire interne

[22] Cf. David Hearst,« Exclusif : des personnalités haut placées torturées et battues au cours de la purge saoudienne », on middleeasteye, 10 novembre 2017 (http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/exclusif-des-personnalit-s-haut-plac-es-tortur-es-et-battues-au-cours-de-la-purge). Selon middeleasteye, plusieurs détenus ont dû être hospitalisés pour des blessures dues à des actes de torture. Et cf. Ryan Parry ; John Boswell, « Exclusive : ‘American mercenaries are torturing’ Saudi elite rounded up by new crown prince - and billionaire Prince Alwaleed was hung upside dowm ‘just to send a message’ », on dailymail.co.uk, 22 novembre 2017 (http://www.dailymail.co.uk/news/article-5108651/American-mercenaries-torturing-Saudi-princes.html).

[23] Cf. Jeffrey Goldberg, « Saudi Crown Prince : Iran’s Supreme Leader ‘Makes Hitler Look Good’ », on Theztlantic, 2 avril 2018 (https://www.theatlantic.com/international/archive/2018/04/mohammed-bin-salman-iran-israel/557036/).

[24] Déjà avant la signature de l’accord sur le nucléaire iranien le 14 juillet 2015, filtraient épisodiquement un certain nombre de rumeurs plus ou moins crédibles selon lesquelles les Saoudiens accepteraient éventuellement de faciliter une frappe militaire israélienne contre l’Iran en autorisant un survol de son territoire. Selon le Times, en date du 12 juin 2010, citant des sources militaires dans le Golfe l’Arabie saoudite autoriserait bien Israël à survoler son espace aérien dans l’éventualité d’un raid contre l’Iran et aurait procédé à des tests pour adapter sa défense aérienne en conséquence, c’est-à-dire visant à retirer ses défenses anti-aériennes pour permettre un passage sécurisé aux avions israéliens (Cf. Hugh Tomlinson, « Saudi Arabia gives Israel clear skies to attack Iranian nuclear sites », in The Times, 12 juin 2010). Selon ces sources confirmées par une lettre confidentielle, l’utilisation de ce couloir aérien étroit dans le Nord du pays permettrait d’atteindre des cibles en Iran plus rapidement Cf. « Saudi Air Corridor is open, US, Israel selfimmobilized on Iran », in DEBKAfile Exclusive Analayis, 12 juin 2010. À cette fin, « Les Saoudiens [auraient] donné la permission aux Israéliens de survoler [le royaume] pendant qu’ils regardent ailleurs », affirme ainsi une source militaire américaine dans cette zone, citée par le Times. Et de préciser : « Ils [les Saoudiens, NDA] ont déjà procédé à des tests pour s’assurer que leurs propres avions de combat ne soient pas mobilisés et que personne ne soit abattu. Tout cela a été fait avec l’accord du State Department [américain] ». En dépit de l’absence de relations officielles avec Israël, les Saoudiens voient en Téhéran une menace régionale bien plus importante que l’État hébreu et s’inquiètent, autant que les Israéliens, de la progression du programme nucléaire iranien. Le Times évoque également des sources en Arabie saoudite selon lesquelles dans les milieux de la défense du royaume, tout le monde sait qu’un arrangement a effectivement été passé pour le cas où Israël déciderait de lancer un raid contre l’Iran. « Nous sommes tous au courant. Nous les laisserons passer [les Israéliens, NDA] et nous fermerons les yeux », aurait déclaré l’une de ces sources sous couvert d’anonymat. Les cibles les plus probables d’un éventuel raid israélien en Iran seraient certainement les usines d’enrichissement d’uranium de Natanz et Qom, l’usine de conversion d’uranium d’Ispahan et le réacteur à eau lourde d’Arak, selon le Times. De nouveau en 2013, le Sunday Times relayait de nouveau cette information selon laquelle Riyad serait bien prête à accorder à Israël le survol de son espace aérien en vue d’aller frapper les installations nucléaires iraniennes. En effet, « Les Saoudiens sont furieux et sont prêts à donner à Israël toute l’aide dont il a besoin » selon une source diplomatique saoudienne parlant sous le sceau de l’anonymat. Mieux, Israël travaillerait en étroite coordination avec le prince Bandar bin Sultan - chef des services de renseignements saoudiens de l’époque - à l’élaboration des plans de frappe et à la sélection des sites. Selon le quotidien britannique, Riyad aurait également décidé de coopérer pour l’utilisation d’hélicoptères de sauvetage, des avions-citernes ravitailleurs et des drones. Cf. Uzi Mahnaimi, « Two old foes unite agaitts against Tehran », in The Sunday Times, 17 novembre 2013 (https://www.thetimes.co.uk/article/two-old-foes-unite-against-tehran-h9kq9rwdzgf).

[25] Cf. Interview par François de Labarrre d’Adel al Jubeir, «  Le Moyen Orient ne se partage pas », in ParisMatch, 14 janvier 2018(http://www.parismatch.com/Actu/International/Adal-Al-Jubeir-ministre-des-Affaires-etrangeres-d-Arabie-saoudite-Le-Moyen-Orient-ne-se-partage-pas-1438280).

[26] Cf. Jeffrey Goldberg, « Saudi Crown Prince : Iran’s Supreme Leader ‘Makes Hitler Look Good’ », on Theztlantic, 2 avril 2018 (https://www.theatlantic.com/international/archive/2018/04/mohammed-bin-salman-iran-israel/557036/).

[27] Le cartel pétrolier de l’OPEP, fondé le 14 septembre 1960, compte aujourd’hui 14 pays membres : on trouve 7 pays arabes parmi lesquels deux du Maghreb, à savoir l’Algérie et la Libye, et 5 du Machrek dont quatre pétro-monarchies du Golfe à savoir l’Arabie saoudite, les Emirats arabes Unis, le Koweït, le Qatar, ainsi que l’Irak, avec en outre un pays non-arabe du Moyen-Orient, en l’occurrence l’Iran. Il faut ajouter trois pays d’Afrique noire, à savoir l’Angola et le Nigéria et le Gabon qui a réintégré le cartel en juillet 2016 ; on trouve encore 2 pays d’Amérique latine, à savoir l’Equateur et surtout le Venezuela. Enfin l’Indonésie dont la production est en déclin avancé a néanmoins formellement réintégré le cartel le 1er janvier 2016.

[28] Cf. Hayyat Gazzane, « Pétrole : l’Arabie saoudite veut s’associer avec la Russie sur le long terme », on Le Figaro économie, 28 mars 2018 (http://premium.lefigaro.fr/conjoncture/2018/03/28/20002-20180328ARTFIG00150-petrole-l-arabie-saoudite-veut-s-associer-a-la-russie-sur-le-long-terme.php).

[29] Cf. Fabrice Nodé-Langlois, « Pétrole : l’abondance de brut américain rééquilibre le marché », on Le Figaro économie, 13 février 2018 (http://premium.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/13/20002-20180213ARTFIG00252-petrole-l-abondance-de-brut-americain-reequilibre-le-marche.php).

[30] Cf. « Les USA, premier producteur mondial de pétrole d’ici 2019 », on Le Figaro économie, 27 février 2018 (http://premium.lefigaro.fr/flash-eco/2018/02/27/97002-20180227FILWWW00047-les-usa-premier-producteur-mondial-de-petrole-d-ici-2019.php).

[31] Cf. « Les USA, premier producteur mondial de pétrole d’ici 2019 », on Le Figaro économie, 27 février 2018 (http://premium.lefigaro.fr/flash-eco/2018/02/27/97002-20180227FILWWW00047-les-usa-premier-producteur-mondial-de-petrole-d-ici-2019.php).

[32] Cf. Hayyat Gazzane, « Pétrole : les Etats-Unis pourraient devancer l’Arabie saoudite cette année », on Le Figaro économie, 19 janvier 2018 (http://premium.lefigaro.fr/conjoncture/2018/01/19/20002-20180119ARTFIG00180-petrole-les-etats-unis-pourraient-devancer-l-arabie-saoudite-cette-annee.php).

[33] L’Arabie saoudite s’éatit depuis les débuts du Cartel pétrolier attribué le rôle central de swing-producer (« producteur-pivot » ou « producteur d’appoint »), susceptible d’agir à la hausse ou à la baisse en termes de production pour équilibrer le prix du marché de l’« Or noir ». C’est ce que les spécialistes appellent le buffer, c’est-à-dire une marge de manoeuvre rendue possible par une capacité de production supérieure à la demande, un rôle traditionnellement dévolu à l’Arabie saoudite. Or, c’est bien ce qui semble avoir été remis en cause avec l’irruption sur le marché pétrolier des shale oil (« huiles de schiste », c’est-à-dire pétrole et gaz de schistes) américains.

[34] Cf. « Les Etats-Unis n’avaient plus produit autant de pétrole depuis 47 ans », 8 février 2018, on L’Express.live, (https://fr.express.live/2018/02/08/les-etats-unis-navaient-plus-produit-autant-de-petrole-depuis-47-ans).

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