Quand les cadrans esquissent une Renaissance et quand la mode goûte à l’horlogerie : c’est l’actualité des montres à la veille de Germinal<!-- --> | Atlantico.fr
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L'esprit militaire d'une montre de pilote très civilisée (Yema)...
L'esprit militaire d'une montre de pilote très civilisée (Yema)...
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Mais aussi une forteresse indépendante, le style intemporel d’une maison de mode, une tête de mort qui joue la transparence, une aviatrice tricolore, des chiffres qui inquiètent et une révision esthétique aéro-pilotée…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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PHILIPP PLEIN : Une transparence voyante…

Histoire de ne pas se prendre au sérieux, voici une des nouvelles collections de Philipp Plein, cette griffe de mode et de luxe germano-suisse qui a rendu milliardaire son fondateur, le munichois Philipp Patrick Plein (né en 1978). La marque entend bien évidemment jouer sa partition dans le domaine des montres, en toute originalité comme le démontre cette $kull Scuba Duba Edition, qui associe les violentes couleurs de son boîtier en polycarbonate transparent (vous pouvez opter pour le bleu électrique) aux marques identitaires chers à la marque, dont la tête de mort stylisé façon Richard Orlinski. Quatre fois le « PP » opposé sur le seul cadran : c’est la dictature du logo, mais il fallait bien ça sur un boîtier de 44 mm assorti au bracelet qu’on nous jure étanche à 50 m. Une montre qu’on évitera de porter pour demander un crédit à son banquier ou pour demander la main de l’être aimé à ses parents, mais qui fera beaucoup d’effet dans les boîtes de nuit du cœur brûlant de l’été – grâce au mouvement à quartz, on pourra même aller jusqu’à l’aube sans remonter la montre (compter dans les 300 euros pour cet incontournable de la saison)…

SERGEY CHUTOV : Une forteresse indépendante…

Ancien juge civil à Moscou, Sergey Chutov a décidé de se reconvertir dans l’horlogerie. Après trois ans de formation, il vient de mettre au point sa première collection, baptisée Forterresse pour les analogies qu’il avance entre les index en forme de meurtrières et sa petite seconde à neuf heures qui serait un donjon planté dans les remparts du château. Un narratif qui en vaut un autre, mais une vraie réussite esthétique par son équilibre et son harmonie dans la répartition des aplats de couleurs (argent véritable pour le tour des heures et des minutes, cuivre sablé pour le centre) et dans l’alternance des surfaces satinées et polies de ce boîtier en acier de 41 mm. Pour un jeune horloger indépendant, le résultat est remarquable : comptez entre 3 000 et 5 000 euros pour les différentes versions de cette Forteresse III, à laquelle on ne saurait guère que reprocher son mouvement mécanique générique un peu banal (le fameux Unitas 6497 à remontage manuel), qui n’en est pas moins un des plus efficaces « tracteurs » mécaniques jamais fabriqué en Suisse.

GUCCI : Un appréciable style intemporel…

Même les grandes marques de mode font leur génuflexion devant les codes sacrésde la belle horlogerie ! Certes, cette Gucci G-Timeless Swiss Made sacrifie aux impératifs de tout objet fashion qui se respecte (deux double G comme logo, triple mention du nom « Gucci » sur le cadran), mais on remarquera son boîtier en acier parfaitement classique (40 mm), le fin double guillochage circulaire de son cadran orné d’une petite seconde très horlogère, sa lunette crantée à l’ancienne, ses index élégamment stylisés et son bracelet métallique à trois maillons. Le tout dans un style intemporel particulièrement bien maitrisé et proposé à un prix relativement accessible (comptez un peu plus de 2 000 euros pour ces nouvelles G-Timeless). On en déduira une vraie volonté de bien faire pour l’horlogerie Gucci, pilier des industries de la mode dont on remarque, depuis plusieurs saisons, la volonté d’intégrer de façon sérieuse les métiers de l’horlogerie. Bienvenue au club !

YEMA : Une aventure aérienne tricolore…

Si l’armée de l’Air (et de l’Espace) française a abandonné, faute de budgets, ma pratique des montres réglementaires comme la légendaire Type 20 des années 1950, elle n’en multiplie pas moins les collaborations avec des marques horlogères, toujours trop contentes d’associer leurs collections aux ailes tricolores. C’est ainsi que Yema a conçu sa nouvelle Flygraf automatique en partenariat avec les aviateurs français, en obtenant le droit d’apposer le logo officiel de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) sur le cadran – curieusement, Yema n’a pas repris la couleur tricolore bleu-blanc-rouge de ce logo. Autre bizarrerie de cette Flygraf proposée en trois couleurs de cadran (bleu, noir, vert armée), son nom de baptème : « Flieger AAE » : pourquoi avoir adopté le mot allemand flieger (« aviateur ») pour une montre qui se flatte d’être française, avec un mouvement automatique « manufacture » réalisé dans les ateliers mortuaciens (Morteau, en France-Comté) de Yema ? Heureusement, le bracelet en tissu assorti au cadran « sandwich » est lui aussi franc-comtois. Encore plus heureusement, le prix est tout aussi français : 990 euros pour ce boîtier en titane de 40 mm, mat, viril et plutôt guerrier comme il se doit, c’est très bien placé pour concurrencer les manufactures suisses qui croyaient détenir une certaine légitimité dans l’offre de montres « militaires ». Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour qu’aucune de ces Flygraf ne se retrouve jamais au poignet de pilotes français en mission au-dessus du front russo-ukrainien…

BVLGARI : Une esquisse mécanico-artistique…

Voici une des montres les plus originales de ces derniers trimestres : son concept est génial, non seulement par son esthétique, mais aussi par son exécution et même par sa signification profonde. De quoi s’agit-il ? Nos lecteurs sont familiers des montres qui se présentent en version « squelette », jargon horloger qui consiste à se passer de cadran pour mettre en valeur un mouvement mécanique dont on a « squeletté » – c’est-à-dire affiné et parfois même stylisé – les principaux composants. Là, l’équipe créative de Bvlgari, incarnée par l’excellent Fabrizio Buonamassa Stigliani, qui prouve ici qu’il est un des meilleurs designers horlogers de sa génération, nous propose un cadran… dessiné comme un mouvement ou, plutôt, esquissé comme le croquis préparatoire d’un mouvement. L’évocation est très efficace tout en s’avérant très artistique, avec une indéniable touche italienne dans la virtuosité quasiment renaissante du trait : la montre y gagne une sorte d’âme mécanique doublée d’une vraie dimension artistique – sans exagérer, Fabrizio Buonamassa Stigliani se pose en digne continuateur des grands artistes italiens de la Renaissance ! L’autre excellente idée était d’associer ce cadran esquissé à la rigueur géométrique et architecturale de la collection Octo, qui inscrit le boîtier très travaillé de ses montres dans la tradition des grands monuments de l’Antiquité romaine et qui jette ainsi un pont entre les beaux-arts de la montre et les grandes réalisations monumentales de l’Italie. Une dernière bonne nouvelle pour conclure : ce chef-d’œuvre mécanico-artistique ne sera facturé que 17 800 euros aux 280 amateurs qui pourront se procurer une des montres de cette série limitée. Quand d’autres manufactures se gargarisent [et nous tympanisent] avec leurs « métiers d’art », Bvlgari nous prouve que l’art est un authentique métier horloger, de l’idée directrice à l’exécution finale…

BON À SAVOIR : En bref, en vrac et en toute liberté

•••• SALONS HORLOGERS : ouverture dans trois semaines de la saison horlogère 2024, avec plus de 160 marques rassemblées à Genève par la « Geneva Watch Watch », qui associe les 54 marques du salon « Watches & Wonders » (Rolex, Patek Philippe, Cartier, etc.) à toutes les manifestations prévues dans le centre de Genève par plus de deux fois plus de maisons horlogères et joaillières. Tout le monde retient donc son souffle, mais une avalanche de nouveautés est à prévoir pour la fin mars et le début avril, dans un grand festival de formes, de couleurs et d’audaces stylistiques. Dominante de l’année : la culture vintage et l’art de rester créatif en gardant l’œil dans le rétroviseur… •••• MARCHÉ SECONDAIRE : sur le marché « gris » (hors circuits officiels), le prix des montres neuves ne cesse plus de se rapprocher des prix en boutique, mais, sur le marché des montres de collection (seconde main, occasion, enchères, etc.), seules les vraies et les plus rares icônes tirent leur épingle du jeu, avec des prix à la hausse alors que le prix des pièces plus courantes et en train de s’effondrer, toutes les transactions étant désormais orientées à la baisse, surtout pour les plus spéculatives des icônes « industrielles » produites en grande quantité (Audemars Piguet, etc.). Des listes longues comme le bras de montres jusqu’ici réputées introuvables commencent à circuler, avec des prix qui restent légèrement supérieurs à ceux du circuit officiel et autorisé, mais qui sont inférieurs de 50 % à 70 % de ce qu’ils étaient voici un an. Beaucoup d’agioteurs de la montre vont y perdre leur culotte... •••• ZENITH : la manufacture suisse Zenith (groupe LVMH) se repenche sur sa collection « Pilot » [un nom qu’elle est la seule à pouvoir utiliser] pour la rafraîchir esthétiquement. La nouvelle Pilot automatique Boutique Edition – uniquement vendue dans les boutiques Zenith, comme son nom l’indique – a perdu de ses volumes sans perdre de son identité : toujours en 40 mm, avec un cadran bleu très élégant dans sa sobriété comme dans sa lisibilité, la montre est dotée d’un mouvement automatique El Primero qui affiche 60 heures de réserve de marche…

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

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