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Des doses du vaccin Pfizer.
Des doses du vaccin Pfizer.
©Patrick T. FALLON / AFP

Capacité d'innovation

Les vaccins anti-Covid, trouvés en un temps record, ne sont pas le fruit d'Etats planificateurs mais bien des initiatives d'entreprises privées... voire de petites équipes de génies au sein de ces entreprises. Il est donc important d'accompagner l'innovation et la prise de risque.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Atlantico : Certains considèrent que les vaccins anti-Covid, trouvés en temps record, comme le fruit du travail d'États actifs et planificateurs. Mais n’est-ce pas davantage l’industrie et sa capacité d’innovation qui ont permis cet exploit ?

Loïk Le Floch-Prigent : Il ne parait pas très difficile de démontrer que les vaccins anti-Covid sont le fruit du travail des industriels et des équipes des innovateurs dans le secteur des biotechnologies. Les Etats n’ont, au contraire rien préparé ni planifié, ils ont été à la remorque d’un secteur privé dont ils ont plutôt freiné les ardeurs. Devant l’ampleur mondiale de la pandémie, certains pays ont fini par « précommander »,et donc financer, la plupart des entreprises qui leur promettaient la mise en place rapide de vaccins tout en faisant taire les tenants de procédures lentes et « précautionneuses ». On a pu observer ce phénomène avec la mise à disposition en un temps record du vaccin Pfizer-Biontech et celui de Moderna (ARN-messager) puis ceux d’Astra-Zeneca et Janssen, mais la même observation vaut pour les vaccins russes et chinois : ce sont les scientifiques, techniciens et industriels qui ont proposé des solutions et non la planification. Les Etats ont fini par se persuader de l’urgence et en ont tiré les conséquences.

 Il faut élargir la question au-delà des vaccins, la planification tant vantée par les étatistes n’a jamais marché en termes d’innovations disruptives, les grands projets financés par l’Etat dont les politiques se vantent ne sont que le fruit de choix entre des idées portées par des innovateurs qui sont toujours à l’initiative. Les organisations conformistes ne peuvent pas accoucher de conceptions révolutionnaires, elles se contentent, dans un premier temps, de les combattre, jusqu’au moment où l’urgence impose leur utilisation. L’administration américaine à ainsi été contrainte de favoriser l’émergence de vaccins rapidement mis au point et les européens ont fini par suivre... avec le retard que l’on sait .

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Pourquoi la planification industrielle mise en place par un Etat est-elle inefficace ? 

Un Etat, une administration, une organisation sont d’abord constitués pour gérer, il y a donc chez la plupart des acteurs un besoin de maîtriser le déroulement des opérations en minimisant la prise de risques. Certes, il devrait aussi y avoir une volonté d’anticipation, mais les projets d’avenir sont plutôt des slogans que des réalités. Les rencontres entre des industriels innovateurs et des Etats prêts à les suivre sont très rares, elles correspondent à des situations de crises et il faut savoir en profiter ! Ainsi les guerres font-elles avancer beaucoup de programmes laissés sur le coté en temps de paix, et les pandémies donnent-elles l’occasion d’accélérations de projets assez discrets. Mais s’il n’y a pas de semences ici ou là, il ne peut pas y avoir de succès : si on n’a pas une effervescence de recherches en biotechnologie depuis des années avec des travailleurs de génie plutôt obscurs, du moins pour les décideurs étatiques, il n’y a pas de possibilités d’avancer vite. Ainsi lorsque la France veut se lancer dans l’éolien, elle met de l’argent sur la table, lance deux industriels à l’assaut…et reste sur le sable car il n’y avait personne pour innover et utiliser valablement les possibilités offertes.

On verra si cela sera encore le cas pour les magnifiques avancées promises par les prophètes technocrates français et européens : par exemple, après avoir observé notre dépendance à l’égard des micro-processeurs, on fait valoir des injections de milliards d’euros. Nul doute qu’ils pourront être dépensés, mais s’il n’y a pas innovateurs et prises de risques, l’échec est assuré, comme cela a été le cas des « Plans Calculs » successifs. On ne décrète pas l’innovation, on favorise son éclosion par des mesures automatiques incitatives, puis on peut satisfaire une accélération en accompagnant massivement une prise de risque. Les bureaucrates n’ont jamais aidé à préparer encore moins à prédire notre avenir, leur rôle a toujours été d’essayer de freiner les évolutions. On ne peut donc pas attendre de l’organisation étatique qu’elle lance des programmes dits d’avenir qui correspondront à ce qui va nous arriver, par contre en temps de crise on peut légitimement attendre de politiques avisés de choisir une allocation des ressources qui conduit à matérialiser des projets disruptifs. On peut à cet effet lire certains épisodes de la vie de Winston Churchill.

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Il n’y a donc pas lieu de critiquer sans cesse un Etat conformiste, il est là pour cela, et le maintien d’un leader pendant très longtemps endort souvent les pays, Franco en Espagne, ou beaucoup d’autres dictateurs. C’est l’alternance des démocraties qui apparaît, à cet égard, un aiguillon indispensable à tous les changements, y compris industriels .

La planification ne peut réussir que si elle débouche sur des mesures qui encouragent l’innovation sans contrôles administratifs, il s’agit donc de planifier la non planification, c’est-à-dire d’encourager l’incertitude.  

Quels sont les ressorts qui donnent au secteur privé un avantage comparatif sur l’Etat pour la recherche et l’innovation ?

Le ressort essentiel de l’innovation, individuel ou collectif, c’est le risque. L’introduction du « principe de précaution » dans la Constitution et son utilisation abusive par les administrations a été un drame, une catastrophe pour la France. Soudain tous les apeurés, les handicapés de l’avenir se sont sentis légitimes pour arrêter, punir et contraindre et, malheureusement, une partie importante de la presse les a suivis ! Par essence le goût du risque n’imprègne pas les Etats et les grandes organisations, même industrielles, ce sont des individus et des équipes isolées qui croient en une technique ou un produit et qui bataillent jours et nuits pour les imposer en y mettant tout leur temps et leur argent. Depuis la nuit des temps c’est ainsi que les choses ont progressé, il faut y croire et savoir mettre sa vie sur la table. Les grandes entreprises d’aujourd’hui regardent toutes les initiatives extérieures pour savoir lesquelles elles peuvent « avaler », elles sont bien conscientes qu’elles ne génèrent pas spontanément des innovations, elles intègrent beaucoup de conformistes. Prendre des risques pour une carrière même industrielle n’est plus dans l’air du temps et l’histoire des vaccins anti-Covid devrait être mieux racontée que par des articles trompeurs sur les succès de « Big Pharma ». Ce n’est pas cela qu’il s’est passé, y compris dans les pays autoritaires à « planification » assumée, ce sont des petites équipes de génies qui ont fait avancer les choses jusqu’à ce que des organisations les prennent en charge. Il est clair que, là encore, les industriels du privé sont mieux à même de saisir l’occasion du risque que les Etats eux-mêmes, c’est Pfizer qui se lie à Biontech, et ensuite l’administration américaine qui préfinance Pfizer, avantage encore au privé !

Clairement si l’Etat croit en l’innovation il faut qu’il crée les conditions de son développement sans faire choisir par ses bureaucrates ce qu’il faut soutenir ou non :des procédures automatiques comme le Crédit Impôt Recherche ou Innovation . Pour la France un impératif, revenir à des procédures qui ne conduisent pas à ce que  de nouvelles professions se fassent  payer  10% des gains obtenus compte tenu de la complexité des documents à fournir à une administration tatillonne, soupçonneuse et contraignante. Mais si on le souhaite vraiment on peut aller beaucoup plus loin, en abandonnant l’idée que de grands technocrates ou intellectuels doivent diriger l’argent des contribuables vers des projets pharaoniques qu’ils ont définis et qui, par conséquent, finiront par échouer.

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