Les agences de notation restent impressionnées par la masse d’épargne des Français : 6000 milliards, le double de la dette<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Les Français ont 6000 milliards d'épargne.
Les Français ont 6000 milliards d'épargne.
©Denis CHARLET / AFP

Atlantico Business

Les Français ont 6000 milliards d'épargne sous le pied… et on s'étonne que tout le monde cherche à mettre la main dessus. La course au trésor est donc lancée… Les Français, n'ont jamais autant épargné. Et tout le monde convoite ce trésor : les banques, les assureurs, les entreprises et… bien sûr l'État !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

La course au trésor est lancée et tout le monde veut sa part du butin. 6000 milliards d'euros en épargne quasi disponible. Le double de l’endettement de l’État. On comprend que les agences de notation ne soient pas paniquées.  Les banques inventent des produits financiers, les entreprises en veulent une partie pour investir et l'autre pour soutenir la consommation... sans oublier l'État, qui nous prépare quelques petites nouvelles taxes ou prélèvements pour le jour où il ne pourra plus emprunter et payer ses fonctionnaires.

Les Français sont plongés dans un paradoxe assez surréaliste, ils sont obsédés par la question du pouvoir d'achat. Tous les sondages le montrent et les hommes politiques en font un levier électoral.

Mais les Français sont aussi les plus gros épargnants du monde : 19% de leur revenu disponible. C'est plus fort que les Japonais. Quand on sait que la pression des prélèvements obligatoires approche les 50 % du PIB, on comprend qu'il ne reste pas grand-chose pour dépenser. L'épargne française mesure un peu l'indice de la peur. Les Français épargnent parce qu'ils sont fondamentalement inquiets pour leur avenir, leurs enfants, leur retraite, et donc ils mettent un maximum d'argent de côté pour l'avoir, comme disait Coluche, "devant soi". C'est principalement une épargne de précaution parce qu'elle est très liquide et disponible. Elle est peu rentable. Sa qualité première est d'être là. Jadis on la mettait sous le matelas... aujourd'hui elle obéit au clic de souris.

L'épargne totale des Français atteint près de 6 000 milliards d'euros (hors immobilier) – soit le double de la dette publique. Les deux tiers dorment sur des comptes bancaires (compte courant ou sont placés en épargne dite réglementée (assurance vie, livret d'épargne). Soit 4000 milliards d'euros. C'est une épargne qui est peu rémunérée mais disponible. Un tiers des 6000 milliards soit 2000 milliards, est investi en bourse ou directement en fonds propres d'entreprise. C'est une épargne qui rapporte plus, mais qui est risquée. Elle est moins disponible.

Cette épargne est donc considérable et quoi qu’en pensent les Français apportent cette épargne en garantie (non écrite bien sûr) à tous ceux qui prêtent de l’argent à l'État français qui en profite. Les agences de notations l’ont bien vu.

Cela étant, la partie la plus importante de cette épargne, les 4000 milliards liquides et disponibles ou réalisables à très court terme, fait actuellement envie à beaucoup d'acteurs avec un argument de poids : « Cette épargne n’est pas rémunérée ou très faiblement, nous pouvons la gérer et offrir des rendements plus importants... ce qui peut servir au financement des retraites, et surtout à l'économie qui a besoin de financer ses investissements nécessaires pour la transition digitale et environnementale ». Bref, la perspective de profiter d’une partie de cette manne va servir à sponsoriser une course au trésor entre trois grands types d'acteurs. On en voit déjà tous les jours la communication publicitaire.

D'abord, les banques et les organismes d’épargne dont les rendements sont faibles et qui ont du mal à améliorer leurs marges, leur intérêt serait donc d'entrer massivement sur le marché des particuliers... un marché plus rentable et plus profitable que celui des institutionnels. En accroissant leur collecte, ils accroissent aussi leur capacité à prêter tout en respectant les ratios de solvabilité.

Ensuite, les sociétés d'assurance-vie dont les encours ont fléchi parce que les rendements étaient faibles. Les sociétés d’assurances peuvent concevoir des produits financiers qui seront investis dans l’économie avec ou sans la garantie de l'État.

Enfin, l'État lui-même et les collectivités locales ont compris qu'il y avait dans l'épargne française une réserve de financement considérable. Chaque courant politique a son idée et son projet. Les uns, nostalgiques du passé, plaident pour des emprunts nationaux ou même des emprunts "verts" ou green, ça fait plus chic. D’autres, plus à gauche, veulent accroître la masse fiscale sur les gros patrimoines et réinventer l'impôt sur le capital ou les grandes fortunes. Plus originaux, les techniciens de Bercy rêvent d’un impôt à taux faible qui serait perçu sur une assiette très large et qui rapporterait beaucoup d’argent. Ils rêvent d’une TVA qui ne serait pas calculée sur la valeur consommée mais sur la valeur épargnée. Ceci étant, la rémunération est déjà tellement faible que d’ajouter à la recette un impôt si minime soit-il reviendrait à annuler toute rémunération.

En fait, tous les protagonistes du marché de l'argent cherchent actuellement le produit miracle pour attirer l'épargne et réinjecter cette épargne dans le système économique. Le produit miracle qui offrirait une belle rémunération, assortie d’une disponibilité totale et d’un risque nul ou presque... n'existe pas. Il faut absolument expliquer que l'argent investi prend des risques et que les risques sont d’autant plus lourds à supporter qu'ils doivent être rémunérés à la hauteur du risque.

Ce qui est aberrant dans la situation française, c'est l'addiction à l'épargne de précaution. Cette épargne est toxique. Offrons de la sécurité aux Français, c’est-à-dire un avenir qui leur ferait confiance, et le taux d’épargne baisserait mécaniquement.

Faisons tomber la peur et on résout le problème. L'épargne de précaution s'investirait dans l'économie au profit du consommateur et du créateur de richesse. Faisons tomber la peur, et nous ferons tomber le déficit, donc le besoin de financement public. Moins de déficit public, c’est moins d’assurance-vie et d’obligations publiques, c’est même moins de livrets A. C’est forcément plus de pouvoir d'achat et de dépenser. Plus de consommation, c’est aussi plus d'activité et de projets. Dans ces conditions, la course folle serait plutôt vertueuse.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !