Le numérique aussi lourd que les transports en termes de besoin d'énergie ? Radioscopie d’un fantasme écologiste <!-- --> | Atlantico.fr
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Les serveurs informatiques sont pointés du doigt par les défenseurs du climat.
Les serveurs informatiques sont pointés du doigt par les défenseurs du climat.
©DAMIEN MEYER / AFP

Protection de l'environnement

D'ici à 2025, le secteur du numérique pourrait peser autant que le secteur des transports en matière de demande énergétique, notamment à cause des data centers. En quoi cette affirmation est-elle erronée ?

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac est Porte-parole du Parti Pirate

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Atlantico : Une information relayée par France Culture affirme que "d'ici à 2025, le secteur du numérique pourrait peser autant que le secteur des transports en matière de demande énergétique". Pourquoi cette affirmation est-elle problématique ?

Pierre Beyssac : Il n'existe aucun élément sérieux étayant cette affirmation. Le consensus scientifique actuel est d'estimer le poids du numérique à 1,5 à 3 % du CO2eq mondial, soit environ 10 fois moins que le secteur des transports avec ses 30 % (voire 40 % en France, en raison de notre électricité peu carbonée, qui augmente le poids relatif du transport).

Il est donc infondé d'affirmer que le numérique pourrait représenter autant que le transport en 2025. Il faudrait que d'ici l'an prochain, il multiplie son impact par 10 à 20. Cela n'a aucun sens.

Pourtant, cette affirmation, bien qu'au conditionnel, est citée en guise d'avertissement sur le numérique par France Culture, en préambule d'une émission scientifique diffusée en janvier 2024.

Il s'agit à l'origine d'une citation d'un chercheur en informatique, interviewé par le journal du CNRS, en novembre 2023 : "déjà plus consommateur que l’aviation civile, le numérique pourrait peser autant que le secteur des transports dès 2025".

On ne sait pas ce qui vient étayer l'affirmation, car elle ne semble s'appuyer sur aucune publication de son auteur. Pourtant, elle a été reprise sans vérification, et, faisant partie de l'introduction de l'émission, est répétée automatiquement lors de sa citation sur les réseaux sociaux.

On peut cependant émettre quelques hypothèses.

En 2018, le Shift Project (think-tank français) a publié un rapport "Pour une sobriété numérique", où il prédisait un impact pour le numérique de 7 % de CO2eq en 2025, en doublement par rapport à la date du raport (2018). Le Shift ne comparait pas cette prospective à celui du "transport" mais aux émissions de l'automobile seule (8 %).

En réalité, l'impact du numérique est aujourd'hui évalué entre 1,5 et 3 %.

6 ans plus tard la prévision du Shift ne s'est pas réalisée. Elle est aujourd'hui caduque.

Quelle est la différence entre la consommation énergétique du secteur des transports et le secteur numérique ?

Le secteur du transport consomme aujourd'hui essentiellement des carburants fossiles, très émetteurs de CO2. Le numérique, de son côté, utilise surtout de l'électricité, dont la production est décarbonée au fil des années. En outre, le numérique est relativement peu consommateur d'énergie par rapport aux usages en transport. Avec une recharge complète de téléphone mobile, on ne peut se déplacer que d'environ 100 m en voiture électrique, ou même 10 m seulement en voiture thermique si l'on compare l'impact CO2.

Les ordres de grandeur des impacts de nos usages quotidiens en transport ou numérique sont donc radicalement différents.

Pourquoi le secteur numérique est visé par les militants écologistes ?

S'il existe une nette tendance technophobe au sein de certains mouvements écologistes, elle a fait tache d'huile bien au-delà, notamment dans des collectivités locales et médias publics soucieux d'apporter leur pierre à la protection de l'environnement.

Cette tendance est exacerbée par une bonne décennie de surévaluations manifestes d'agences publiques ou ONG diverses. Ces évaluations rarement rectifiées, peu mises en question, ont totalement faussé et imprègnent désormais notre perception collective.

Il est plus facile de nettoyer sa boite de courriel pour se donner bonne conscience sur notre impact individuel, que tenter de se passer de sa voiture. Le numérique est donc un bouc-émissaire bien pratique !

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