Lampedusa en première ligne sur le front d’une nouvelle crise des migrants ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des migrants sur l'île italienne de Lampedusa avec un responsable de la sécurité, le 14 mai 2021, alors qu'ils se préparent à monter à bord d'un navire à destination d'une ville sicilienne.
Des migrants sur l'île italienne de Lampedusa avec un responsable de la sécurité, le 14 mai 2021, alors qu'ils se préparent à monter à bord d'un navire à destination d'une ville sicilienne.
©ALBERTO PIZZOLI / AFP

Crise migratoire

L'île de Lampedusa a vu le nombre d'arrivées de migrants exploser depuis le début de l'année 2021. Depuis 2011, l'île de Lampedusa continue d'être une des voies de passage les plus importantes vers l'Europe. Il y a encore une semaine, plus de 2 000 personnes étaient débarquées sur l'île en l'espace de quelques jours.

Atlantico : Plus de 2 000 personnes ont atteint l'île du Lampedusa au sud de l'Italie depuis samedi. Près de 13 000 personnes ont débarqué en Italie depuis le début de l'année. De nombreux médias soulignent une arrivée massive par rapport à 2020. Ces chiffres sont-ils particulièrement élevés ?

Laurent Chalard : Il est important de replacer les chiffres dans leur évolution depuis 2015. En 2015, pic de la crise migratoire, 1.032.408 migrants sont arrivés clandestinement sur l’ensemble de la Méditerranée, quelle que soit la route. En 2020, on a atteint un point bas à 95.031. C’est une division par dix. Il est aussi important de noter qu’en 2020, le nombre d’arrivées était même inférieur à l’avant crise (en 2014 on a recensé 224.000 arrivées). Comparer 2021 avec 2020 va forcément mener à constater une augmentation. Depuis le début de l’année, on recense 24.950 entrées. Si la tendance reste la même, les chiffres vont être globalement similaires à 2020 ou 2019 (123.000 entrées). Il n’y a donc pas pour l’instant d’accélération de l’arrivée des migrants. On peut toutefois considérer qu’après une année 2020 où les flux avaient été très faibles en raison de la pandémie et de la fermeture des frontières, 2021 correspondra, a minima, à un léger rebond. Il faut donc relativiser les chiffres et les replacer dans un contexte d’immigration clandestine structurelle depuis le début des années 2000. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de migrants franchissent les frontières de l’Union européenne. Ils arrivent par vague, avec une légère augmentation chaque été. Etant donné le contexte de la crise sanitaire et la situation économique, on peut penser que l’opinion publique de l’Union européenne est encore plus sensible que par le passé aux arrivées illégales de migrants à Lampedusa. Il n’y a pas de réelle augmentation en matière de flux, mais le degré d’acceptation s’est fortement réduit en raison du contexte.

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La pandémie de coronavirus a réduit très drastiquement les flux migratoires. Alors qu’en Europe elle semble s’apaiser, va-t-on assister à une reprise des flux migratoires avant la crise ? Doit on envisager un effet de rattrapage et un afflux massif de migrants ?

On peut en effet penser qu’une fois que la crise sanitaire sera passée, et il faut rester prudent sur le sujet, les flux reviendront à leur niveau structurel. La tendance de ces dernières années était à la baisse, notamment parce qu’il y a eu des durcissements des politiques d’accueil des différents pays ainsi que des accords avec les pays de départ et de passage, en particulier avec la Turquie. Les flux qui viennent de ce pays sont d’ailleurs très liés à la situation diplomatique entre le pays et l’UE. Donc il y aura probablement un rebond, mais il n’y a pas d’élément permettant de quantifier son ampleur. Il n’y a pas de raison de penser qu’il sera très important sauf si survient une crise géopolitique par exemple. Mais les flux vont continuer et légèrement rebondir, car il y a probablement des gens qui ont décalé leur départ en attendant que la situation s’améliore.

Il y a un autre élément à considérer. Dans un premier temps, la crise sanitaire est un frein aux migrations internationales puisque la majorité des pays ont fermé leurs frontières et renforcé les contrôles. Or, les migrants franchissent de nombreuses frontières. Dans un second temps, elle peut aussi entrainer localement une hausse des départs si certains pays voient leur économie s’effondrer à la suite de la crise sanitaire, ou si une crise géopolitique s’installait. C’est un scénario malheureusement envisageable et qui créerait une nouvelle crise migratoire vers l’Europe. Pour l’instant, rien ne le laisse présager mais il est encore trop tôt pour tirer le bilan de la pandémie. Cela peut être en partie vrai dans des pays touristiques comme le Maroc ou la Tunisie. Moins d’emploi signifie plus de velléités pour les jeunes d’immigrer. On peut en effet faire l’hypothèse que les flux touristiques mettent longtemps à revenir à la normale. D’ailleurs, depuis le début de l’année, les trois pays d’origine principaux des migrants ne sont plus la Syrie ou l’Afghanistan mais le Maroc, l’Algérie et la Tunisie.

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Lampedusa va-t-il une nouvelle fois, être le point chaud des flux migratoires ou ceux-ci vont-ils venir d’ailleurs ?

Il y a plusieurs routes migratoires en Europe, dont trois principales. La première passe par le Maroc et l’Espagne (Gibraltar ou les Canaries). La seconde par la Libye et l’Italie via la petite île de Lampedusa, qui est le symbole de la crise migratoire. La troisième route est celle de la Méditerranée orientale qui passe par les îles grecques au large de la Turquie. En fonction des flux, des politiques et des années, certaines routes sont plus empruntées que d’autres.

Actuellement, les arrivées se font majoritairement sur cette île de Lampedusa qui est très peu peuplée, elle est donc toujours submergée. Quand une île qui compte 6.000habitants voit arriver plus de 1.000 ou 2.000 migrants en une journée, c’est énorme. Mais ce n’est pas parce que l’île est submergée que l’Union européenne va l’être. Et comme l’île est un passage obligé entre la Libye et l’Italie, on peut penser qu’elle restera pendant encore plusieurs années le « symbole » de ces flux illégaux.

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