L’intelligence artificielle pourrait puissamment aider au développement de nouveaux médicaments et traitements<!-- --> | Atlantico.fr
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Une préparatrice en pharmacie prépare des médicaments dans une pharmacie à Paris, le 9 janvier 2023.
Une préparatrice en pharmacie prépare des médicaments dans une pharmacie à Paris, le 9 janvier 2023.
©ALAIN JOCARD / AFP

Aide précieuse

L’IA est aujourd’hui un auxiliaire de plus en plus précieux pour le développement des nouveaux médicaments et traitements.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Comment l'intégration de l'intelligence artificielle dans la recherche biomédicale, notamment dans la prédiction de la structure des protéines, pourrait-elle influencer le processus de découverte de médicaments ?

Antoine Flahault : Il faut bien comprendre que les nouveaux médicaments sont parfois le fruit de légères modifications de la structure moléculaire de médicaments plus anciens. Ainsi la phénacétine était un antalgique puissant qui a été retiré du marché en 1983 parce qu’elle a été reconnue responsable d’atteintes rénales sévères. Eh bien, le premier métabolite actif de la phénacétine n’est autre que le paracétamol, qui, par chance, ne donne pas d’insuffisance rénale. Juste un petit changement de la structure moléculaire de l’ancien médicament aura permis de développer un nouveau médicament efficace contre la douleur et qui allait remplacer le précédent moins bien toléré. Les étagères de la pharmacopée sont remplies d’histoires comme celle-ci. Vous avez raison de parler des protéines, car leur structure moléculaire conditionne leur forme dans l’espace et leur action dans notre organisme. Les protéines sont des molécules dont la configuration dans les trois dimensions de l’espace est capitale à comprendre pour pouvoir prédire les effets qu’elles peuvent produire dans l’organisme. Par exemple, la protéine Spike du coronavirus, que l’on a appris à bien connaître avec la pandémie, fut l’objet de toute l’attention des chercheurs qui ont mis au point les vaccins à ARN messagers ou encore les anticorps monoclonaux, ces médicaments antiviraux contre le Covid. Il suffisait parfois de quelques mutations du virus, c’est-à-dire de changement de quelques acides aminés seulement constituant la protéine Spike, pour que les vaccins ou les antiviraux deviennent inefficaces. À l’échelle humaine, il est fastidieux et long d’envisager les effets sur la morphologie de toutes les combinaisons possibles d’acides aminés d’une protéine. On comprend que c’est là notamment que toute la puissance de calcul de l’intelligence artificielle peut apporter une plus-value substantielle.

Dans quelle mesure pensez-vous que les prédictions fournies par des systèmes comme AlphaFold (système d'IA développé par Google) peuvent accélérer la recherche et le développement de traitements pour des maladies spécifiques que vous traitez régulièrement ?

J’aime bien votre question, car si elle évoque l’accélération envisagée par le recours à ces systèmes d’intelligence artificielle, elle ne cède pas à une fascination trop naïve que son apport pourrait avoir. La biologie structurale qui jusqu’à l’avènement de l’IA faisait le travail du développement des nouveaux médicaments, vise à modéliser le repliement tridimensionnel des protéines selon les séquences d’acides aminés qui les composent. Mais ces modèles font face rapidement à leurs limites tant la complexité des structures des protéines peut être grande. L’IA permet d’envisager de dépasser ces limites des modèles existants et ouvre de ce fait de nouvelles voies dans la recherche thérapeutique. Les anticorps monoclonaux, qui sont des protéines, représentent un pan entier très prometteur de recherches et de développements thérapeutiques dans de très nombreux domaines allant de la migraine, au Covid en passant par les maladies auto-immunes, les cancers et un jour, peut-être proche, le Parkinson ou Alzheimer.

Quels sont les défis potentiels ou les limites que vous voyez dans l'utilisation de l'IA pour la découverte de médicaments, et comment pensez-vous que ces défis pourraient être surmontés dans le contexte de la pratique médicale ?

L’IA est aujourd’hui un auxiliaire de plus en plus précieux pour le développement des nouveaux médicaments puisqu’elle permet de balayer plus méthodiquement et plus exhaustivement tous les domaines du possible en matière de recherche des combinaisons d’acides aminés ou des molécules d’un médicament. Mais l’IA ne reste encore qu’une aide et n’est pas ou pas encore le substitut à l’intelligence humaine.

Comment les nouvelles connaissances et les hypothèses générées par l'IA peuvent être intégrées dans la prise en charge de patients ? Auront-elles une réelle influence sur les prescriptions de médicaments et la gestion des maladies chroniques ?

L’un des principaux problèmes du développement des nouveaux médicaments c’est la très faible performance du processus de découverte. Près de 90% des molécules découvertes se révèlent en effet des échecs en phase d’essai pré-clinique puis cliniques. Les échecs retentissants les plus lourds et les plus coûteux sont ceux qui se produisent près de la ligne d’arrivée, lors des essais cliniques de phase III. On dit qu’il faut près de dix ans pour mettre au point un nouveau médicament ou un nouveau vaccin. Les vaccins du Covid nous ont montré que l’on pouvait raccourcir considérablement ces délais. L’IA et les nouvelles technologies de l’information, parce qu’elles peuvent traiter cette masse gigantesque de données produites par la biologie moderne contre laquelle on fait face aujourd’hui, pourraient venir accélérer la recherche et le développement et offrir une médecine plus personnalisée. 

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