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Joe Biden et Kamala Harris, le 13 mai 2021.
Joe Biden et Kamala Harris, le 13 mai 2021.
©Nicholas Kamm / AFP

Economiquement parlant

L’approche de Joe Biden est, paradoxalement, moins confortable que les cris, menaces ou chantages de Trump, puisqu’elle oblige les Européens à se placer face à leurs responsabilités et à agir. Là où les colères de l'ancien président incitaient ses alliés à rester passifs.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Joe Biden est-il plus dangereux que Donald Trump ? Oui, surtout pour nous ! Pourquoi ? Parce qu’il nous offre une conception plus complexe du monde que Trump, ce qui est bien, mais une conception qui nous implique et nous force à réagir, ce qui nous met devant nos responsabilités. L’approche de Joe Biden est, paradoxalement, moins confortable que les cris, menaces ou chantages de Trump, puisqu’elle nous force à agir. Effet contre-intuitif peut-être, mais « l’étrangeté » de Trump, son imprévisibilité et ses instabilités faisaient que chacun de ses alliés attendait. Chacun commentait et échafaudait des plans certes, pour se préparer autant que possible à une nouvelle foucade, mais restait passif, attendant surtout un éventuel revirement. Ce n’était pas le cas pour la Chine et la Russie bien sûr, qui ont bien profité de cette phase de sidération des « autres » en avançant leurs pions.

Pour Donald Trump, en rage, le monde n’est plus celui où les États-Unis étaient les plus forts (d’où : Make America Great Again). Il y a de la revanche dans l’air. Il faut reconquérir cette place perdue. Ce monde de Trump est surtout économique, constitué d’une série de rapports commerciaux entre grands ou petits clients, clients visibles ou peu ou pas visibles, rapports équilibrés ou non. Pour Joe Biden au contraire, le monde est multidimensionnel, économique et culturel, social et politique, privé et militaire. Il est plein d’engrenages dont on ne sait jamais bien comment ils fonctionnent et où des anomalies mineures peuvent avoir d’importantes conséquences. Joe Biden réfléchit sans doute plus avant d’agir que son prédécesseur, ce qui ne nous arrange pas nécessairement. Terrible paradoxe !

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Le monde selon Trump place la Chine d’abord, parce qu’elle « pourrait dépasser les États-Unis par le PIB », quelle horreur, et ceci avant même que le COVID n’ait creusé les écarts ! Une évidence refusée. Pour Trump, la Chine est surtout le premier partenaire économique, mais un partenaire qui profite de lui. Pour lui, que les États-Unis vendent moins de biens à la Chine (ne parlons pas de services qui ne l’intéressent pas) que la Chine ne leur en achète, est un appauvrissement et la preuve d’un vol. Ceci sans prendre en compte qu’il s’agit de produits chinois moins chers, ce qui augmente le pouvoir d’achat des Américains et ce qui ne l’empêche pas non plus de se plaindre des emplois que l’Amérique aurait, ainsi, « perdus » !

Le monde selon Trump place la Corée du Nord, la Russie et l’Iran ensuite, parce que ce sont des opposants très visibles. Alors « gagner » d’importants effets, notamment de notoriété. Ceci placera les États-Unis de façon avantageuse par rapport à toutes les négociations futures. Avec ces trois pays, il s’agit donc d’un rapport de force frontal, laissant peu de place à la négociation.

Le monde selon Biden met, lui, les valeurs (démocratie et droits de l’homme) au même plan que les conditions économiques et sociales (conditions de travail). Pour lui, cette approche devrait lui permettre de mieux avancer, avec plus de poids de son côté : l’économie plus la morale, étant alors rejointes par « les démocraties ». Sans en parler en ces termes, il n’oublie jamais la stratégie : c’est-à-dire une vision longue, qui se veut aussi longue que la chinoise, la force de la démocratie contre celle de la stabilité. C’est bien pourquoi il y a dans toutes ses approches, notamment avec la Chine, des domaines de concurrence avec le commerce, plus d’opposition avec Taïwan et les Ouighours, mais aussi de complémentarité, notamment pour le climat, supposé un dénominateur commun.

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Par rapport à l’approche duale trumpienne, l’approche biden est triple. Trump est surtout mercantiliste en visant l’équilibre avec la Chine, l’Allemagne, le Canada ou le Mexique, plus la dose de menaces qu’il faut pour tous en complément. L’approche biden, triple, combine concurrence (commerciale), rivalité (politique, militaire et morale) et complémentarité (intérêts écologiques a priori communs).

Surtout, par rapport à l’approche trumpienne, très clivante, notamment à l’égard de ses alliés (et contre eux !), il n’est pas possible de rester à côté de l’approche de Joe Biden : c’est là sa force. Il n’est pas possible d’être en dehors de la logique de Paris sur le climat, d’autant que Joe Biden l’a transformée en concours d’innovations. C’est en fait une « nouvelle frontière » (comme celle de JF Kennedy en 1960, d’où vient la course à la lune). Pour Joe Biden, lutter contre le « changement climatique » est une responsabilité morale et un défi à relever pour les entreprises américaines, qui doivent être les meilleures. Impossible donc de ne pas répondre à l’engagement de neutralité carbone américain en 2050, la Chine s’engageant pour la première fois sur une date (2060), l’Allemagne venant de parler de 2045 et la France restant en 2050.

Il n’est pas possible, non plus, d’être à côté de sa triple logique avec la Chine et la défense européenne. Sur la Chine, avec une démarche qui demande respect des droits de la concurrence et de la propriété intellectuelle et défense des libertés des minorités, comme des possibilités de navigation en mer de Chine. Donc il n’est pas possible, non plus, pour l’Europe de ne pas payer plus pour sa défense, même si, par ailleurs, tout le monde comprend que le gazoduc direct Russie-Allemagne, obligatoire puisque l’Allemagne a renoncé au nucléaire, va aider la Russie au détriment de l’Ukraine.

Mais il ne faut pas être naïf : si la politique Biden est plus adaptée au monde tel qu’il est, et plus agréable pour nous, elle ne réduit pas nos exigences de renforcement, tout au contraire. Biden veut absolument une Amérique plus forte face à la Chine, et il a bien compris qu’il valait mieux agir sur plusieurs fronts et impliquer ses alliés plutôt que les humilier. Ce n’est pas une raison pour obéir : une question de morale, ou peut-être bien de politique. C’est alors que Biden nous sera vraiment précieux.

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