Chine : les dirigeants ont relevé les chiffres de la croissance mais cherchent désespérément des clients<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping applaudit à la fin de la session de clôture du 14e Congrès national du peuple (CNP) au Grand Hall du peuple à Pékin, le 11 mars 2024.
Le président chinois Xi Jinping applaudit à la fin de la session de clôture du 14e Congrès national du peuple (CNP) au Grand Hall du peuple à Pékin, le 11 mars 2024.
©GREG BAKER / AFP

Atlantico Business

Pour les Chinois, c'était mieux avant lorsque la mondialisation tournait en leur faveur. Maintenant, rien ne va plus. Xi Jinping déroule le tapis rouge à ses gros clients et va même se déplacer en Europe pour nous convaincre qu'en Chine, tout va bien, mais la réalité est différente.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les chiffres de la croissance chinoise ont rebondi au premier trimestre 2024 dans des proportions à peine croyables puisque Pékin annonce une reprise de 5,3 %. Il a d'ailleurs accueilli le chancelier allemand en grande pompe et a accepté de venir à Paris le mois prochain, ce qui est un événement. En réalité, les dirigeants chinois, qui étaient déjà présents à Davos en janvier, se remuent dans tous les sens pour essayer de faire décoller leur reprise économique qui n'est toujours pas sortie de la crise du COVID et de son électroencéphalogramme plat.

Pour la plupart des analystes, les chiffres de la croissance du premier trimestre leur semblent donc gonflés. Les indicateurs de ventes au détail ne sont pas remontés, les industriels européens du luxe le savent très bien, quant à la production industrielle, elle n'a pas explosé. La preuve la plus tangible est le chômage des jeunes qui dépasse les 40 %. Les dirigeants chinois sont donc inquiets et ils ont des raisons de l'être, eux qui avant le COVID annonçaient que leur pays serait très rapidement le plus puissant du monde.

La Chine aujourd'hui rencontre des résistances à la croissance en interne comme en externe. En interne, ils sentent bien que leur démographie vieillit et qu'ils vont payer très cher la politique de l'enfant unique. Alors, pour compenser la pénurie de travailleurs consommateurs, ils comptent évidemment  sur leur population agricole qui n'aspire qu'à une chose : rejoindre les villes et leurs lumières. Mais actuellement, ni logement ni travail ne leur sont proposés, donc ils sont obligés de rester dans leurs campagnes, ce qui n'arrange pas le climat social. Les logements, on évite d'en parler parce que l'immobilier est asphyxié par la spéculation, d'où ils ont du mal à sortir. Les Chinois ont beaucoup investi leur épargne dans l'immobilier, mais cet immobilier est arrêté avec des logements souvent vides, d'où la difficulté de rembourser les banques. L'industrie manufacturière a bien du mal à retrouver ses niveaux d'avant COVID, parce que les usines se sont arrêtées trop longtemps et parce que les flux d'exportation se sont taris.

La mondialisation, qui a permis à la Chine de s'engager sur le chemin de la prospérité, a changé de paradigme. La sévérité des confinements liés au COVID, l'absence de transparence des autorités chinoises sur ce qu'elles avaient fait ou pas, ont perturbé beaucoup d'investisseurs et d'industriels étrangers qui se sont retrouvés en rupture d'approvisionnement. Du coup, l'Occident est un peu sorti de sa naïveté, contestant les méthodes chinoises, réclamant des pratiques plus loyales, des processus plus contrôlés et sérieux, et en fin de compte une concurrence plus équilibrée.

La vague de relocalisation mais surtout la multiplication de mesures antidumping prises non seulement par les États-Unis mais aussi par les pays d’Amérique du Sud qui ont compris que l'occasion leur était donnée de récupérer des fabrications qui jusqu'alors étaient devenues le privilège de l'Asie. Après tout, le Mexique ou le Brésil sont parfaitement capables de sortir des voitures qui roulent aussi bien que celles qui sont fabriquées par les Chinois, à un prix aussi compétitif pour le client américain. Entre les mesures antidumping, les droits de douane, les subventions à la production ou à l’achat qui sont désormais les outils privilégiés pour reconstituer un appareil industriel en Occident, ils ont commencé à casser le logiciel de fonctionnement de la Chine. Les dirigeants chinois ont parfaitement compris qu'ils étaient entrés dans une zone à risque. Ils restent donc à distance de la Russie, dont ils ne comprennent pas bien ce que Moscou espère de l'Ukraine. Dans le même temps, ils essaient de calmer les risques de guerre au Moyen-Orient, parce que le Moyen-Orient est le passage obligé des porte-conteneurs qui transportent une grande partie du PIB de la Chine destiné aux consommateurs occidentaux. Les bombardements dans le détroit d'Ormuz ont bloqué des bateaux au départ de Chine, alors que les bateaux sont pleins de leurs invendus. Les Chinois, qui savent compter et c'est la majorité, ont donc lancé une campagne d’information et d’influence… sauf que l'essentiel du problème de la croissance chinoise n'est pas dans l'affaiblissement de ses exportations… Il est principalement dans l'atonie de la consommation intérieure. Les Chinois ne consomment plus, pas même ceux qui ont de l'argent, ils épargnent massivement. Ils ont acheté des parts dans l'immobilier qui ne se vend plus, ils ont même emprunté, ils achètent de l'or au point de booster les cours mondiaux à leur plus haut historique, ils achètent même du bitcoin pour les plus audacieux qui espèrent partir à l'étranger. Le consommateur pourrait consommer des produits extérieurs, mais les marchés sont pour la plupart fermés. Globalement, tous ces comportements sont des marqueurs d'inquiétude. D'où le climat de méfiance à l'égard du régime qui leur a fait la promesse d’une prospérité économique qu'ils ne perçoivent plus. Logiquement, les dirigeants chinois devraient libéraliser leurs méthodes de gouvernance, faire confiance... afin que les initiatives se multiplient et que les facteurs créatifs soient activés.

En réalité, ils ont tendance à renforcer le régime en augmentant les contrôles, ce qui entraîne un ralentissement des activités. Comme dans beaucoup de systèmes autoritaires qui s'essoufflent et ne réussissent pas à délivrer les promesses de bien-être et de prospérité économique, ils essaient de promettre des destins et des rêves de puissance, d’où la tentation de faire la guerre. Les dirigeants chinois, qui sont pourtant devenus des acteurs majeurs du système économique mondial, n’échappent pas à la tentation de reprendre Taiwan.

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