Baby crack : pire que le Covid, la dénatalité<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon l'Insee, 13% de naissances en moins ont été comptabilisées en France en janvier 2021 par rapport à janvier 2020.
Selon l'Insee, 13% de naissances en moins ont été comptabilisées en France en janvier 2021 par rapport à janvier 2020.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Impact de la pandémie ?

Près d'un an après le début de la pandémie de Covid-19, les naissances ont fortement baissé en France. En décembre 2020, il y a eu 7% de nouveau-nés en moins qu’en décembre 2019. La baisse s’est poursuivie en janvier 2021 avec 13% de naissances de moins qu’en janvier 2020, selon les données de l'Insee.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Alain Paillard

Alain Paillard

Alain Paillard est diplômé en économie et en droit. Alain Paillard enseigne à l’Université Catholique de l’Ouest.

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Du 1er mars 2020 au 28 février 2021, 86 000 décès sont survenus en France du fait du Covid. Rapporté au nombre annuel de décès dans notre pays, environ 667 000, cela fait 12,9 %. Le reste de la planète n’a pas été épargné : le total mondial, jusqu’au 20 février, s’élève à environ 2,5 millions. Mais en pourcentage des quelque 61 millions de décès annuels enregistrés au niveau mondial, la mortalité due au Covid ne représente que 4,1 %, soit le tiers du pourcentage français : même si les statistiques relatives à diverses régions du globe sont sous-estimées, il semble bien que notre pays soit particulièrement atteint.

La pandémie fait baisser la natalité

Depuis plusieurs années, les naissances sont, dans l’ensemble de l’Union européenne, en nombre très inférieur à ce qui serait nécessaire pour le simple renouvellement des générations. Compte tenu de la mortalité infantile, on estime qu’un taux de 2,07 enfants par femme est requis pour assurer ce renouvellement. Or, si la France n’en était pas très éloigné (1,88 en 2018), ses voisins étaient en plus mauvaise position : 1,55 pour l’Union, 1,54 pour l’Allemagne, 1,29 pour l’Italie, 1,26 pour l’Espagne.

La pandémie risque d’accentuer encore cette insuffisance de la procréation en France et en Europe. Pour la France métropolitaine – les données relatives aux DOM-TOM sont fournies moins rapidement – les « naissances vivantes », selon le vocabulaire des démographes, ont été en ce mois de janvier 2021 au nombre de 51 100, en baisse de 13 % par rapport à janvier 2020, alors même que l’année 2020 avait déjà enregistré, pour notre pays, le nombre de naissances le plus faible jamais relevé pour une année depuis la Libération.

Les pouvoirs publics ont pensé à tout … sauf à préserver la natalité

Janvier 2021, c’est le mois où sont nés, majoritairement, les bébés conçus en avril 2020, c’est-à-dire au moment où la pandémie se déclara fortement. Il est difficile de ne pas envisager un lien de cause à effet entre l’entrée dans une période troublée, incertaine, et ce freinage sur la « mise en route » de nouveaux êtres humains. D’autant plus que rien n’a été fait pour encourager les couples en âge de procréer à ne pas différer leur projet : le Gouvernement et la Présidence se sont inquiétés de quasiment tout – à l’exception des projets procréatifs.

Le begnin neglect relatif à la procréation a été radical : à l’opposé du cri « les femmes et les enfants d’abord » que l’on pousse lorsqu’il faut évacuer un bateau en perdition ou un immeuble en flammes, nos pouvoirs publics n’ont visiblement pas pensé à protéger ce qui est essentiel pour l’avenir d’un pays, à savoir la procréation.

Parmi les causes de mortalité, le Covid ne vient qu’en quatrième position

Les principales sources de décès pour l’année 2019, au niveau mondial, sont bien répertoriées par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Son rapport du 9 décembre 2020 fournit les renseignements suivants : les cardiopathies ischémiques ont entraîné 9 millions de décès ; les AVC (accidents vasculaires cérébraux) un peu plus de 6 ; les bronchopneumopathies 3,2 ; les infections des voies respiratoires basses 2,5 M ; les affections néonatales, 2 M ; les cancers trachée, bronches, poumons, 1,8 M ; Alzheimer et autres démences 1,7 M ; les diarrhées 1,6 M ; le diabète 1,6 ; et les maladies rénales 1,5.

Le Covid, qui ne sévissait pas encore, avec ses 2,5 millions de morts en un an, se situerait donc en quatrième position, ex-aequo avec les infections des voies respiratoires basses. C’est une bonne raison pour prendre ce virus au sérieux, pas pour en faire notre unique préoccupation sanitaire !

Le covid, pierre d’achoppement de notre suffisance

Il faut tenir compte du fait que les statistiques de l’OMS sont mondiales : le Covid n’ayant, à ce jour, pas de thérapie très efficace, il apparaît plus monstrueux dans les pays développés que dans les pays pauvres. Dans ces derniers, la population est habituée à voir des personnes mourir de maladies ou d’accidents que, dans les pays riches, la médecine et la chirurgie soigneraient assez efficacement.

En France et dans les pays comparables, l’obnubilation par le Covid vient en grande partie de ce qu’il apporte la démonstration d’une vérité plutôt désagréable : nous nous imaginions quasiment tout-puissants, capables d’atteindre des planètes lointaines, de savoir ce qui arrivait à des galaxies il y a des millions d’années, voire des milliards ; nous avions compris comment la vie s’est développée sur la terre, comment nos ancêtres lointains ont au fil des millénaires évolué pour donner naissance à l’homo sapiens actuel – et puis voici qu’un coronavirus mutant nous dame le pion !

Vexés, dépassés par les évènements, nos hommes politiques courent en tous sens, s’agitent, communiquent, multiplient ordres et contre-ordres. L’apparition du covid a fait l’effet d’un coup de pied dans une fourmilière : nos sommités politiques désorientés prennent des mesures dont certaines sont efficaces, utiles, et d’autres pas, faute de disposer de lignes de conduite classiques. Il ne faut pas trop leur en vouloir pas, nous ne ferions probablement pas mieux ! En revanche, ils sont critiquables à juste titre, dans les pays développés qui sont entrés en régression démographique, lorsqu’ils s’abstiennent de faire ce qu’il faudrait pour redresser une natalité dramatiquement insuffisante depuis des années. C’est précisément au moment où la grande faucheuse s’active le plus qu’il faut réagir par un sursaut de vitalité, en procréant !

Comparaisons européennes

Cette gravité du Covid en France se retrouve-t-elle pour l’Union européenne (désormais amputée de la Grande-Bretagne) ? Au 31 janvier 2021, donc pour la première année de pandémie, le nombre de décès dus au Covid dans cette Union était 730 000. Rapporté à une population de 448 millions d’habitants où le nombre de décès fut 4,7 millions, cela correspond à 15,5 % des décès, pourcentage plus élevé que les 12,9 % français. Ce phénomène résulte notamment du vieillissement plus accentué de pays comme l’Allemagne et l’Italie, en comparaison de la France : on sait en effet que le coronavirus est d’autant plus dangereux que l’on est plus âgé.

Mais les enfants ont beau être plus résistants au virus que les vieillards, la pandémie n’incite guère à procréer : en France, les naissances du mois de janvier 2021 sont en baisse de 13 % sur celles de janvier 2020. Un grand quotidien titrait le 27 février : « Le Covid fait craindre un baby krach ». En effet, si les autres mois de 2021 sont à l’avenant, cette année battra de très loin le record de dénatalité en France depuis la Libération, record jusqu’alors détenu par l’année 2020.

Cette année-là, le nombre de naissances en France métropolitaine[i] a pour la première fois depuis la Libération enfoncé à la baisse le seuil des 700 000 naissances, à 696 900. En 1971 la France comptait 17 200 naissances par million d’habitants ; en 2020 elle est tombée à 10 700 ! La natalité a donc chuté de 38 % en un demi-siècle. La continuation de ce mouvement conduirait notre pays à rejoindre ses voisins Allemands, Italiens et Espagnols dans le club des pays résignés au déclin démographique, et par là même, au déclin tout court. 


[i] Les statistiques concernant les DOM-TOM sont connues avec retard. Tout travail portant sur les événements récents doit donc hélas se borner aux données relatives à la France métropolitaine.

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