Y-a-t-il quelqu’un pour écouter les milliers de personnes dans le monde qui pensent que les vaccins Covid ont provoqué chez eux des effets secondaires graves ?<!-- --> | Atlantico.fr
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On attend des vaccins qu’ils nous protègent, nous soignent et nous soulagent, mais ils peuvent aussi être associés à des réactions indésirables parfois graves
On attend des vaccins qu’ils nous protègent, nous soignent et nous soulagent, mais ils peuvent aussi être associés à des réactions indésirables parfois graves
©JOEL SAGET / AFP

Prise en charge

Tous les vaccins peuvent provoquer des effets secondaires occasionnels. Mais des milliers de personnes affirment avoir été blessées par les vaccins Covid et pensent que leurs cas ont été ignorés.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Plus de 4 années après le début de la pandémie de Covid dans le monde, des milliers de personnes pensent avoir subi des effets secondaires après la vaccination contre le Covid, avec des conséquences parfois gravissimes. Quelle est l’ampleur réelle de ce phénomène ?

Antoine Flahault : Tous les produits de santé ont leurs contreparties. On attend d’eux qu’ils nous protègent, nous soignent et nous soulagent, mais ils peuvent aussi être associés à des réactions indésirables parfois graves, voire fatales. Tout est une affaire de rapport entre les bénéfices et les risques de ces produits, et les vaccins n’échappent pas à cette règle. Ce rapport bénéfices/risques évolue cependant avec le temps dans le cas des vaccins, notamment en fonction de l’évolution de la pandémie contre laquelle ils s’attaquent. Lors de l’éradication de la variole entre 1958 et 1980, on savait que le vaccin risquait d’entraîner des effets indésirables mortels chez une personne tous les millions d’injections. Mais la variole avait tué 300 millions de personnes durant le seul vingtième siècle et les bénéfices du vaccin l’emportaient alors largement sur les risques. Puis, lorsque la maladie a été totalement éradiquée de la planète, il ne devait évidemment plus acceptable de continuer à vacciner la population, même contre un risque hypothétique de réémergence du virus (qui ne s’est jamais produit depuis 1980). Parce qu’aujourd’hui encore, le Covid-19 n’est pas éradiqué de la planète, qu’il continue à circuler partout dans le monde, il est licite de continuer à vacciner les personnes à risque. Mais la pandémie ne cause plus les excès d’hospitalisations et de décès que nous avons connus avant le déploiement des vaccins. Il devient donc normal de se poser la question de la réévaluation du rapport bénéfices/risques des vaccins d’autant que le coronavirus se montre désormais moins virulent et circule avec une moindre intensité dans la population.

À l’heure actuelle, que sait-on vraiment des effets secondaires consécutifs à une vaccination contre la Covid-19 ? Existe-t-il encore des zones d’ombre ?

Le vaccin d’AstraZeneca qui repose sur la technologie de l’adénovirus vecteur du gène de la protéine Spike du coronavirus est associé dans 2 à 3 cas pour 100 000 injections à des syndromes de thrombose thrompocytopénique (TTS) qui peuvent être graves, voire d’évolution fatale. Les TTS sont un peu plus fréquents chez les femmes jeunes.  C’est plutôt à la première injection que ces thromboses surviennent, puisqu’elles sont dix fois plus rares à partir de la deuxième injection. Ce vaccin d’AstraZeneca peut aussi être associé à des cas de Syndrome de Guillain et Barré. Il s’agit d’une atteinte neurologique périphérique généralement réversible mais qui peut se compliquer d’une paralysie des muscles respiratoires.

Les vaccins Pfizer et Moderna, qui reposent sur la technologie à ARN messager, sont associés quant à eux à des risques de myocardite et de péricardite (1 à 2 cas pour 100 000 injections). Ces atteintes cardiaques sont plus fréquentes chez les jeunes hommes (11 à 16 cas pour 100 000 chez les garçons de 11-19 ans et 6-12 cas pour 100 000 chez les hommes de moins de 30 ans). Et ces myocardites et ces péricardites surviennent plutôt après la deuxième injection de ces vaccins à ARN messager.

En France et en Europe, qui écoute ces personnes qui affirment être atteintes d’effets secondaires suite à une vaccination contre la Covid-19 ? Sont-ils suffisamment reconnus et pris en charge ? 

La pharmacovigilance vise à imputer au médicament (ou ici au vaccin) la survenue d’une maladie ou d’un symptôme. Mais c’est un exercice particulièrement difficile lorsque l’on vaccine toute une population dans un temps très court, comme ce fut le cas pour les vaccins contre le COVID-19. En effet, un certain nombre de personnes développent des réactions indésirables au vaccin, mais d’autres voient émerger des maladies qui seraient survenues sans le vaccin, et qui par coïncidence sont apparues dans les jours ou les semaines suivant la vaccination. Il y a même des situations encore plus complexes où le vaccin a pu être le facilitateur ou l’accélérateur de la maladie apparue à l’occasion de l’injection du vaccin. Sans parler des réinfections par Covid-19 qui causent aussi parfois des Covid longs, sans rapport avec l’injection vaccinale, sauf encore une fois, en cas de coïncidence temporelle. Il faut savoir que l’on ignore les mécanismes de survenue d’un grand nombre de maladies. Et ce sont bien évidemment les maladies dont les causes sont les plus mal connues qui se retrouvent le plus souvent suspectes d’être associées aux vaccins par la suite. Mais quelle que soit la cause de leur maladie, les patients atteints doivent être pris en charge au mieux par le système de santé et si l’on suspecte le vaccin d’en être responsable, alors à tout le moins, il convient de ne plus le réadministrer dans ce cas.

Comment mener des efforts de surveillance au niveau national pour mieux prendre en charge ces individus souffrants d’effets secondaires ?

Les efforts de surveillance épidémiologique ne sont pas destinés à la prise en charge des patients, c’est le système de santé qui a cette mission. Il faut bien sûr informer les patients, les médecins et les autorités de santé des risques mêmes potentiels, afin de repérer précocement ces réactions, les notifier et proposer une prise en charge optimale sur le plan médical. Les autorités doivent quant à elles monitorer en continu la balance bénéfices/risques des vaccins et éventuellement restreindre leur utilisation, notamment dans les catégories les plus à risque de la population si le bénéfice attendu de ces vaccins n’apparaît plus aussi net qu’au début du déploiement vaccinal.

Dans quelle mesure la désinformation et la montée de mouvements anti-vaccin ont-ils rendu plus difficile l’étude des effets secondaires potentiels ?

La désinformation se révèle en effet un poison dangereux que l’on a vu circuler dans les médias et s’instiller dans les veines du tissu social. On a pu mesurer par exemple que certains mouvements politiques anti-science et anti-vaccins avaient pu entraver l’effort vaccinal dans certains segments de la population. Il est indéniable aujourd’hui que ces mouvements populistes ont été responsables d’une mortalité par Covid-19, notamment durant l’année 2021. Il ne faudrait cependant pas qualifier systématiquement « d’anti-vax » toute personne qui pose des questions sur le rapport bénéfices/risques des vaccins. S’interroger sur le bien fondé de la vaccination est une toujours une bonne question, et la réponse peut être évolutive. Les vaccins du Covid-19 ont pu s’avérer des instruments très efficaces et même indispensables dans la riposte contre la pandémie et leur administration universelle devenir plus questionnable à l’heure où l’épidémie est davantage sous contrôle. La confiance dans la science ne peut pas représenter un blanc seing que l’on octroierait une fois pour toute aux experts. La confiance se construit avec le temps, dans un dialogue continu et constructif et doit offrir à tout moment le droit de poser des questions bien légitimes sur l’efficacité, la sécurité et l’accès à tous les produits de santé.

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