Selon l’OCDE, l’immigration booste la croissance des pays riches. Mais à quel coût pour les sociétés d’accueil comme pour les pays de départ…?<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon les estimations de l’OCDE, l’immigration stimule le produit intérieur brut.
Selon les estimations de l’OCDE, l’immigration stimule le produit intérieur brut.
©LUCAS BARIOULET / AFP

Radiographie du coût de l'immigration

Selon les estimations de l’OCDE, l’immigration stimule le produit intérieur brut.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch est écrivain, essayiste et universitaire français. Il a enseigné l'image politique à l'Université de Paris XII, a contribué à l'élaboration de l'histoire de la littérature de la jeunesse et de ses illustrateurs par ses ouvrages et ses expositions, et a publié plusieurs ouvrages consacrés à l'Afrique et aux aspects sociaux et économiques de l'immigration en France. Il a notamment publié La France en Afrique 1520-2020 (L'Harmattan), La tentation Zemmour et le Grand Remplacement (Ovadia 2021), Le coût annuel de l'immigration (Contribuables Associés 2022).

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Atlantico : Selon les estimations de l’OCDE, l’immigration stimule le produit intérieur brut. Quel est le coût de l’immigration pour les sociétés d'accueil ? Quelles sont les estimations de ce coût de l'immigration ?

Jean-Paul Gourévitch : Rapporté au PIB 2023 soit 2803 milliards d’euros, le coût proportionnel du déficit de l’immigration selon la grille de calculs OCDE, serait aujourd’hui de 39,5 milliards d’euros. C’est presque exactement le montant calculé par nos travaux publiés en août 2023 dans la monographie faite pour Contribuables Associés : « le coût de l’immigration en 2023 : dépenses, recettes, investissements, rentabilité ». Sauf que nous avons tenu compte des surcoûts de l’immigration irrégulière (3,6 Mds d’euros), et des dépenses de santé générées par les ravages de la drogue et du tabac pour la part relevant de l’immigration dans ces deux domaines soit 12 milliards d’euros. Ce qui nous a amenés à constater un déficit de 53,9 milliards d’euros soit 1,92% du PIB.  Plus  « une pénombre de l’immigration » non quantifiable, due à la difficulté de mesurer la rentabilité des investissement extérieurs faits par la France en direction des pays d’origine pour limiter les flux migratoires tout en accueillant largement leurs étudiants, et des investissements intérieurs  en matière d’éducation, de la politique de la ville et d’amélioration de la situation des immigrants et de leurs descendants directs, qui sont de toute façon différés jusqu’à ce que les intéressés s’insèrent dans le marché du travail.

Dans le détail, le déficit ne provient pas tant de la différence entre les recettes générées par les migrations (92,7 milliards d’euros) et les dépenses directes consenties pour eux (105,79 milliards d’euros) que des coûts indirects qui leur sont spécifiques : coûts des  structures qui leur sont dédiées ;  coûts régaliens de la justice, de la police et de la gendarmerie ; coûts sociétaux ou manques à gagner générés par les divers types de fraude, la contrebande, la prostitution, les trafics ; coûts humanitaires et coûts éducatifs. Ces dépenses dont le montant total atteint 54,60 milliards d’euros ne sont qu’imparfaitement compensées par les prélèvements que l’Etat opère sur la contribution des immigrés au PIB de la nation que nous avons estimés à 21,13 milliards d’euros.

Il est malheureusement quasi impossible de faire une étude comparative sur le coût de l’immigration avec nos voisins, chaque situation étant spécifique. Il semble néanmoins au vu des résultats affichés par l’OCDE, que la France en raison du nombre et de la composition de sa population immigrée, de l’importance de son immigration irrégulière et du différentiel de taux d’activité et d’emploi entre immigrés et non-immigrés, représente un cas particulier.

Don Diego de la Vega : Les bénéfices de l'immigration sont relativement bien documentés pour les pays du Nord. Ils sont bien suivis et bien calculés. Comme il s'agit de choses qui sont relativement matérielles et tangibles, cela est donc assez facilement traçable par les statistiques usuelles.

Les bénéfices de l'immigration sont connus. Cette population qui arrive va renforcer l'offre de travail et va aussi renforcer la demande. Du côté de l'offre, cela va permettre d'augmenter les capacités de production.

En revanche, les coûts de cette immigration sont beaucoup plus évanescents. Cela a des conséquences sur le plan sociétal et politique. Un organisme comme l'OCDE, qui est un organisme d'économistes et de statisticiens, a très peu de données. Il faut calculer ce que fait peser l'immigration sur le système de santé et sur le système éducatif mais aussi dans d’autres domaines. Tout cela est en général très peu fait ou fait à la louche. En réalité, il y a un très bon tracking des bénéfices et une très mauvaise traçabilité des coûts de l’immigration. Le cas de la France est très particulier car nous avons un rationnement qui se fait essentiellement par les quantités et non pas par les prix. La plupart de nos services publics ne sont pas du tout organisés en fonction des prix. Ils sont organisés de manière assez similaire à un mode soviétique.

Si une immigration n'est pas forcément choisie ou n'est pas forcément une immigration de travail, les afflux de migrants qui vont se succéder en France vont peser sur l'hôpital, sur l'école, sur les transports publics. Cela va peser sur de nombreux éléments de réseaux publics mais cela ne sera pas visible en termes de coûts, notamment en termes de coût en bien-être pour la population autochtone. Telle est la limite des études de type OCDE. Ces études ont un biais qui est en fait l'économisme. Elles permettent uniquement de traquer des choses qui opèrent à travers le PIB, à travers l'ordre concurrentiel. Mais ce que fait réellement peser l'immigration aujourd'hui comme poids sur l'État providence, sur le sentiment d'insécurité des Français ne rentre quasiment pas dans les données ou dans les chiffres de l’OCDE. Il faudrait avoir une vision beaucoup plus large, une vision en termes d'économie du bien-être. Or, l'OCDE ne rentre pas dans de telles considérations et ne fait pas la distinction entre une immigration choisie, voulue et une immigration subie. L’OCDE ne cherche pas à savoir quel est le taux d'activité des immigrants en France après un an, trois ans, cinq ans. Pour tous les dommages sociétaux et politiques liés au coût de l’immigration, l'OCDE ne peut pas en parler. 

Si l'immigration massive en provenance des pays du Sud amène éventuellement en 2027 un gouvernement populiste au pouvoir, qui se trouvera probablement être un gouvernement protectionniste, cela causera beaucoup de pertes. Mais cela, évidemment, ne sera quasiment jamais dans les études OCDE associées à 30 années d'immigration excessive.

En quoi la question du coût de l'immigration n'est pas comparable à celle de la croissance ?  

Don Diego de la Vega : Il y a des choses qui sont économiques et il y a des éléments qui ne se réduisent pas à l'économie et qui ne relèvent pas pour autant du racisme. Alain Finkielkraut parlait notamment du droit à la continuité historique. Si l’on ne transforme pas l'économie en un simple élément de comptabilité, l'économie vise le bien-être en réalité. La première question devrait être de savoir si l’immigration est-elle réellement voulue alors que toutes les études montrent que 70 % de la population française est opposée à plus d'immigration ? La réponse est assez univoque.

Un autre élément important est que ce n’est pas la même chose d'avoir une immigration dans un pays où vous avez un marché du travail flexible et une immigration dans un marché du travail qui est extrêmement compartimenté, dual, pour ne pas dire rigide. Or, le marché du travail français est très particulier. Si vous ajoutez une population, a fortiori “non voulue”, et qui n'a pas en plus les qualifications dont on a besoin puisqu’il ne s’agit plus d’une immigration de travail pour sa très grande majorité, cela crée des fortes tensions. La situation est différente aux Etats-Unis. Il y a aussi des tensions mais elles sont pour la plupart gommées par un marché du travail très flexible à la différence de la France.

La situation est assez similaire pour le marché du logement. Il y a peu de difficultés avec un marché du logement flexible avec une logique de marché. Mais lorsque vous avez eu un marché du logement en France qui fonctionne par une sorte de mélange entre un rationnement par les quantités sur les HLM, des éléments de flexibilité, des aides, cela entraîne de grosses tensions en cas d'afflux de populations extérieures. Le système français a évolué vers une sorte d'assistanat du berceau à la tombe par l'Etat providence avec des marchés du travail et du logement extraordinairement peu efficients. L'introduction de l'immigration coûte beaucoup plus cher qu’aux Etats-Unis, où cela entraîne aussi des tensions et des problèmes. Les conséquences peuvent se mesurer avec le vote en faveur de Donald Trump. Mais la situation est bien pire en France.

La croissance supplémentaire permise par l’immigration, selon les données de l’OCDE, n’est-elle pas absorbée pour tout ou partie par les coûts de l’immigration (les coûts de l’immigration sur le logement, les transports, les prestations sociales, le système de santé…) ?

Jean-Paul Gourévitch : Le résumé par l’AFP des travaux de l’OCDE, repris par la quasi-totalité des médias qui ne prennent pas soin de remonter aux sources, est largement biaisé. Analyser les coûts de l’immigration signifie qu’on ne se limite pas aux migrants en situation légale qui exercent un emploi dans le secteur formel mais qu’on examine la situation de toute la famille résidant en France et notamment de leurs descendants directs ainsi que le surcoût des migrations irrégulières. Or, parmi les pays de l’OCDE, la France est non seulement le pays qui en abrite proportionnellement le plus  - 600 000 en métropole et 200 000 dans l’Outremer selon nos estimations en phase avec celles de nos collègues - mais celui qui accueille le plus de Mineurs Non Accompagnés ou prétendus tels, qui ont un coût  en matière de prise en charge, de délinquance et de cohésion sociale.

L’OCDE a examiné trois scénarios :
Le scénario A qui se limite à la balance recettes- dépenses publiques laisse apparaître que la contribution des personnes nées à l’étranger représente un apport égal à 1,02% du PIB.
Le scénario B prend en compte l’ensemble des biens et services dont bénéficie la population immigrée. Le déficit est alors de 0,85% du PIB.
Le scénario C inclut l’ensemble des descendants de première génération et la contribution nette des immigrés devient alors négative de 1,41% du PIB soit 33 milliards d’euros dans l’année étudiée (2018).

C’est ce dernier qui nous parait le plus cohérent pour une approche de l’ensemble du coût de l’immigration. C’est aussi celui qu’ont retenu  l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie et la  Fondation pour l’Innovation politique  qui, dans sa brochure de mars 2023 Immigration : comment font les états européens, titre sans ambiguité (page 34) :  « Selon l’OCDE, en France, l’immigration en France coûte plus cher qu’elle ne rapporte ».

Don Diego de la Vega : Il est important de démystifier l’idée selon laquelle il ne serait pas possible d’obtenir de la croissance sans recourir à l’immigration ou qu’il serait impossible de résoudre les problèmes démographiques sans immigration. Des pays y arrivent très bien. Ces pays ont des gains de productivité alors même qu'ils ne font quasiment plus d'enfants et qu'ils n'ont absolument aucune immigration. Ces pays arrivent à faire 3 ou 4 % de croissance chaque année comme la France était encore capable de le faire jusque dans les années 1970. Cela concerne notamment la Corée du Sud et Taïwan. Il n'y a aucun problème pour ces pays-là. Par contre, il est évident qu'il faut travailler dur, mettre ses enfants à l'école, réaliser des gains de productivité et ne pas se tromper de politique économique comme ce fut le cas en confiant quasiment toutes les rênes à Francfort. Mais ces objectifs sont tout à fait réalisables, même avec 1,2 enfant par femme et même avec l'absence totale de matières premières. Il est possible également d’avoir une industrie viable et solide, comme la Suisse par exemple, en n'ayant pas des recours différents à l'immigration. Il n'y a pas de fatalité. L'important est que les données soient sur la table et qu’il y ait une certaine transparence.

Dans une société démocratique, il ne serait pas complètement aberrant de demander au peuple ce qu'il en pense. Si le peuple n’est pas consulté sur ces enjeux, la seule façon de réagir au problème est tous les cinq ans, à travers des élections générales. Cela va finir par poser problème. La majorité mainstream macroniste a fait une grave erreur en rejetant la proposition de la droite classique d'un référendum sur l'immigration. Ce “référendum” sur l'immigration aura lieu, mais en 2027.

Si l’immigration booste la croissance des pays riches selon l’OCDE, quel est l’impact pour celle des pays pauvres ? Quels sont les coûts et les conséquences de l’immigration pour les pays de départ ?

Don Diego de la Vega : Les conséquences vont dépendre du contexte des pays en question. Cela va dépendre de l'organisation du marché du travail, du développement de l'État providence, du caractère plus ou moins soumis aux contraintes de cette immigration. Actuellement, l'immigration booste le Texas et la Floride mais cela n’est pas forcément une chance pour tous les territoires et les pays de départ des immigrés.

La question de l’immigration est déjà une affaire très complexe pour les pays d’accueil, en termes de politique d’intégration, d’assimilation et sur l’estimation des bienfaits de l’immigration. Pour les pays de départ, la situation est tout aussi complexe.

Si vous faites sortir des délinquants et des détenus des prisons dans les nations du Sud, qu’ils quittent le pays pour atteindre les côtes françaises pour se diriger vers Marseille et Paris, cela est plutôt une “chance” pour les pays d’origine. Mais pour les pays latino-américains, la situation est beaucoup plus problématique. Certains pays sont littéralement handicapés par le fait que bon nombre de leurs meilleurs éléments quittent le territoire national.

L’impact négatif des départs des personnes les mieux formées est moindre pour des pays très densément peuplés comme l’Inde. Le départ de médecins indiens vers les Etats-Unis sera compensé par le nombre de médecins important en Inde. En revanche, pour des petits pays ou des nations avec une population beaucoup moins importante, l’émigration et les départs constituent un véritable drame. Il y a parfois un sentiment d'urgence à partir au sein de la population ou chez les personnes les plus démunies, les plus pauvres, notamment lorsque la situation sur place est intenable dans certains pays comme le Liban.

Pour certains pays, alors qu’ils ne sont pas particulièrement en guerre civile ou même si leur économie n’est pas réellement en difficulté, leur capital humain est drainé via les filières d’émigration par les pays du Nord.

En Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud, le tiers, voire la moitié, des jeunes diplômés parmi les plus compétents, parmi les plus ambitieux et parmi les plus mobiles, sont souvent les gens les plus motivés et sont ceux qui quittent leur pays pour le Nord.

Cela est compensé en partie par les transferts d’argent de la part des travailleurs immigrés auprès de leurs familles restées dans les pays d’origine.

Jean-Paul Gourévitch : Pour avoir travaillé un quart de siècle en Afrique subsaharienne, je peux avancer que leurs dirigeants semblent peu se préoccuper de l’impact de ceux qui partent sur l’économie mais aussi sur la cohésion sociale de leur pays.

Ils ne considèrent que les bénéfices immédiats de cette émigration :  la diminution du chômage (et des contestations) de ces  diplômés auxquels ils ne peuvent fournir des emplois correspondant à leurs compétences et à leurs aspirations, les fonds formels ou informels que le migrant envoie à ceux qui sont restés au pays, les retombées éventuelles de son activité sur les ressources du pays d’origine, les transferts de savoir-faire dont pourraient bénéficier leurs concitoyens, de la part de ceux qui ont appris à l’étranger de nouvelles techniques.
Ils ne voient pas ou ne veulent pas voir qu’ils ont engagé un processus délétère pour leur pays. La success story de ces migrants, largement médiatisée ou racontée par eux-mêmes quand ils reviennent passer leurs vacances avec leur famille, augmente la demande d’éducation et de formation dans le pays d’origine et stimule le désir d’émigrer. Les coûts que le pays de départ a engagés en matière d’éducation et de santé pour des ressortissants qui l’ont définitivement quitté ne seront jamais recouvrés. Ajoutons la perte de main-d’œuvre, de compétences et de ressources générée par la fuite des cerveaux et l’impact de cette dernière sur la vie des habitants : détérioration du marché du travail, dissociation des ménages, désertification des campagnes au profit de concentrations urbaines favorisant la délinquance, attisant les frustrations et générant une spirale de la précarité. Ces pays pauvres sont victimes de l’émigration qu’encouragent leurs dirigeants qui sont très riches.

Ce phénomène n’accentue-t-il pas les déséquilibres et les inégalités géopolitiques ? Le coût de l’immigration ne menace-t-il pas la croissance globale à long terme ?

Don Diego de la Vega : Ne comptez pas sur les études de Thomas Piketty ou d’Emmanuel Saez pour en parler. Il y a une omerta totale sur cette question. Le fait que l'immigration participe considérablement à notre dynamique de montée des inégalités est un réel tabou.

Cela concerne l'une des contradictions parmi les plus fondamentales de la gauche qui plaide plutôt pour la canonisation de ce que la gauche appelle les inégalités, la dispersion des revenus en réalité. La gauche n’a pas l'intention de combattre une immigration massive en provenance des pays du Sud.

Il a été bien montré dans les études de George J. Borjas que, pour les populations en provenance du Mexique, l'immigration a des aspects positifs. Pour les Etats-Unis, le fait de récupérer des Mexicains est favorable dans tout un tas de secteurs, mais l'un des inconvénients assez évidents d'un point de vue statistique est que cela renforce la polarisation des revenus désunis. Dans la plupart des pays riches, les nouveaux arrivants, les personnes issues de l’immigration ne sont pas issues des classes moyennes mais sont soit des talents qui seront amenés à avoir de grandes réussites, soit souvent il s’agit de populations relativement pauvres qui resteront dans les basses couches de la société en termes de revenus annuels. Cela renforce la polarisation. 

Tel est le problème de la gauche française qui occupe 95 % des postes d'économistes spécialisés dans les disparités de revenus. Ils ne veulent pas reconnaître cette situation. Ils ne veulent pas l'intégrer dans leur agenda de recherche. Ils ont presque systématiquement tendance à minimiser l'immigration et à minimiser ses effets sur les inégalités. Selon eux, les inégalités viennent plutôt du capitalisme, de la fin du fordisme, du passage à une économie plus financiarisée. Ils ne souhaitent pas que l’on puisse reconnaître qu’une bonne partie de la dispersion des revenus vient littéralement de ce phénomène polarisant de l’immigration. Le domaine de la recherche sur les inégalités tend à occulter complètement le phénomène migratoire et pointe du doigt les critiques et les discours de droite. Or, cela se matérialise bien et de façon très nette. 

Aux États-Unis, là où les indicateurs de Gini - permettant de rendre compte du niveau d'inégalité - sont les plus élevés, est presque systématiquement à côté d'une frontière. En France, il n’y a pas une situation plus inégalitaire qu’au coeur de la ville de Marseille qui est une terre d’accueil de l’immigration.

Ce phénomène de polarisation est assez peu documenté et surtout il est très peu relayé.

Aujourd'hui, les sociétés les plus égalitaires sont des sociétés où l'immigration a été voulue, maîtrisée et relativement organisée. Les pays concernés sont notamment la Norvège, l'Islande ou le Japon. Certains pays d'Asie sont des pays où les taux de délinquance et de criminalité sont les plus bas au monde. Cette corrélation n'entraîne pas automatiquement une causalité mais les pays qui se sont ouverts très largement à des flux extérieurs subitement en provenance de pays du Sud ont connu un surcroît de délinquance.

Comme le disait Milton Friedman, il est possible d’avoir une immigration libre en provenance du Sud ou d’avoir un État providence très ambitieux du berceau à la tombe, un peu comme en Suède, mais il n’est pas possible d’avoir les deux en même temps très longtemps. Cela repose sur un choix de société.

C’est pour cela qu’il est possible de critiquer l'organisation actuelle, notamment en France. Ce choix n'est pas présenté, n'est pas conscientisé véritablement dans l'offre politique.

Y a-t-il un biais derrière les conclusions et les données de l'OCDE par rapport au coût réel et à l’impact de l’immigration sur la croissance ?

Don Diego de la Vega : Il y a effectivement de très nombreux biais. L'un des coûts évident de l'immigration est que cela va mettre fin à l'État providence. Cette réalité apparaît au quotidien lorsqu’il faut attendre cinq heures aux urgences pour se faire soigner ou à travers le recul du niveau à l’école dans les résultats des enquêtes PISA. 

L’immigration non maîtrisée entraîne des désagréments. Cela doit conduire à nous interroger sur le maintien de l'État providence. En ayant recours à une immigration massive en provenance des pays pauvres, il faudra supprimer l'État providence ou en tout cas le réformer fortement puisque les ayants droit vont considérablement monter alors que les bienfaits pour l’économie ne seront pas suffisants. Le problème est le maintien de l'État providence qui est en crise d'organisation et de financement, notamment dû au vieillissement de la population.

Beaucoup d’observateurs estiment que l'immigration est une des solutions pour colmater l'État providence et notamment rajeunir la population. Or, on s'aperçoit que la manière dont on s'est organisé précipite la décrépitude des services publics et entraîne la chute de l'État providence. Cela peut amener à tous les extrémismes. Pour sauver des acquis sociaux, les Français sont prêts à tout. Ils sont prêts à voter pour n'importe qui. L’mmigration commence, dans les esprits, à se mettre en opposition et en contradiction avec le maintien des services publics et le maintien des aides, notamment pour le logement. Cette situation devient un cocktail explosif qui risque de nous surprendre en 2027.

Des pistes existent pourtant afin de prendre le taureau par les cornes avant que la situation ne dégénère. L'une des pistes serait de mettre en place un système d'immigration payante. Cette opportunité avait été avancée, notamment par Jean-Philippe Vincent. Cela permet d’avoir une immigration choisie et de doper les recettes fiscales. Des contrôles et le paiement d’une soulte pourraient être mis en place. Le montant du tarif de cette immigration payante, de cette facture à présenter aux nouveaux arrivants pourrait être débattu tous les ans au Parlement et pourrait être réajusté en fonction de nos besoins et des équilibres politiques au Parlement chaque année. Cela responsabiliserait les députés et cela permettrait d’avoir un système plus transparent. Ce système ferait rentrer de l'argent dans les caisses publiques et permettrait de responsabiliser les nouveaux entrants. Mais comme ce système est trop transparent, trop clair et avec un raisonnement trop économique, il est totalement refusé par l'entièreté du système politique français actuel. Ce système serait pourtant très efficace.

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