Le Japon et la Corée du Sud peinent à faire face à la nouvelle pauvreté de leurs seniors et nous serions bien inspirés d’en tirer des leçons<!-- --> | Atlantico.fr
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Au Japon, le taux d’activité des 70-75 ans est de 33,5 %
Au Japon, le taux d’activité des 70-75 ans est de 33,5 %
©MARTIN BUREAU / AFP

Leçons

Abondance de personnes âgées, marché du travail défaillant et manque de flexibilité des systèmes de retraite ... Au Japon et en Corée du Sud, de nombreuses personnes âgées vivent en situation de grande précarité

Serge Guérin

Serge Guérin

Serge Guérin est professeur au Groupe INSEEC, où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La nouvelle société des seniors (Michalon 2011), La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! (Michalon, 2013) et Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors (Michalon, 2015). Il vient de publier La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Levy, 2017).

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Atlantico : La Corée du Sud a le deuxième taux de pauvreté monétaire le plus élevé parmi les personnes âgées de l’OCDE : près de 40 % des Sud-Coréens de plus de 65 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté fixé à la moitié du revenu médian national. Au Japon, ce taux est de 20 %. Quelles sont les principales causes de la précarité financière des personnes âgées en Corée du Sud et au Japon ?

Serge Guérin : En ce qui concerne la Corée du Sud, plusieurs facteurs entrent en jeu. Tout d'abord, le pays fait face à des défis démographiques majeurs. Nous y observons le taux de fécondité le plus bas au monde, avec une diminution significative au fil des décennies. Dans les années 50, ce taux était de 7 enfants par femme, et nous sommes désormais à seulement 0,67. Cette baisse compromet le renouvellement des générations, affectant également la dynamique des cotisations pour les retraites.

De plus, le système de solidarité en Corée du Sud est relativement récent, mis en place à la fin du XXe siècle, contrairement à des pays comme la France ou le Japon qui ont instauré des systèmes similaires bien plus tôt. Ce retard a conduit à des difficultés pour accumuler des fonds suffisants pour les retraites. Bien que la culture du travail soit très forte en Corée du Sud, les conditions de travail ne sont pas toujours optimales, ce qui se traduit par des rémunérations souvent insuffisantes.

Au Japon, les systèmes de retraite sont mieux organisés, mais ils ne sont pas exempts de défis. De nombreux Japonais continuent de travailler même après avoir officiellement pris leur retraite, ce qui complique la gestion des cotisations et des pensions. Ces personnes bénéficient souvent d'un mélange de revenus provenant de leur ancienne entreprise et de leur régime de retraite, mais ces allocations peuvent être inégalement réparties en fonction de leur parcours professionnel.

Dans les deux pays, la question de l'inégalité salariale et de la participation des femmes au marché du travail est préoccupante. Les femmes ont souvent des salaires inférieurs et sont moins susceptibles de déclarer leur travail, ce qui les expose à des difficultés financières accrues à l'approche de la retraite.



Comment ces pays luttent-ils contre la pauvreté des personnes âgées ? Quelles sont les mesures mises en place ?

Pour le Japon et la Corée du Sud, il est également fréquent que les individus continuent de travailler bien au-delà de cet âge : la moitié des personnes âgées en Corée du Sud et au Japon continuent de travailler après 65 ans, et une proportion significative, soit 33,5 % au Japon, travaillent même au-delà de 70 ans. Toujours au Japon, on compte encore plus de 11 % des plus de 75 ans qui sont en activité…

Les politiques japonaises permettent aux employés de travailler jusqu'à 70 ans, avec la possibilité pour les entreprises de les maintenir en poste au-delà de cet âge. Cette flexibilité contribue à financer le système de retraite et à fournir un soutien financier aux personnes âgées qui choisissent de rester actives sur le marché du travail. Notons qu’en France, la Caisse nationale d'assurance vieillesse et France Travail ont lancé une campagne d'information auprès des retraités pour les inciter à devenir agents de sécurité privée lors des Jeux olympiques de Paris.

De plus, des initiatives locales jouent un rôle très important dans la lutte contre la pauvreté des personnes âgées. Des mécanismes de recrutement temporaire, souvent organisés par des associations locales ou des municipalités, permettent de pourvoir rapidement des postes vacants, même avec des travailleurs âgés. Cette approche décentralisée est essentielle pour répondre aux besoins du marché du travail, en particulier dans des secteurs où la main-d'œuvre est nécessaire à court terme.


Comment pourrions-nous nous inspirer des mesures mises en place au Japon ou en Corée du Sud pour faire face à nos propres problématiques en matière de précarité des séniors ?

Une leçon à tirer des politiques menées dans ces pays, ainsi que dans les pays nordiques, est l'importance de la proximité dans la gestion de l'emploi et des besoins en main-d'œuvre. Plutôt que d'adopter une approche nationale uniforme, il serait judicieux de favoriser les initiatives locales qui permettent de mieux répondre aux besoins spécifiques des individus et des entreprises dans leur région.

Ensuite, nous devons lutter contre les stéréotypes négatifs associés au vieillissement, tant dans le monde du travail que dans la société en général. La valorisation de l'expérience des seniors est essentielle pour favoriser leur maintien en emploi et leur participation active à la vie économique et sociale. Plus largement, il faut de toute urgence repenser notre rapport au travail et à l’âge en encourageant une prolongation de la vie professionnelle, ce qui permettrait de mieux financer les retraites et de créer des richesses supplémentaires.



Qu’en est-il de la pauvreté des seniors en France ? Existe-t-il dans l’Hexagone des similitudes avec les cas nippons et sud-coréens ?

En France, le taux de pauvreté des personnes âgées est estimé à environ 6 %, mais ces chiffres peuvent varier selon les tranches d'âge. Par exemple, il est d'environ 6,7 % pour les 75-79 ans et de 12,5 % pour les 95 ans et plus. Bien que ces taux soient inférieurs à ceux observés au Japon et en Corée du Sud, la question de la précarité financière reste une réalité.

Le système de retraite français est plus efficace que ceux de ses homologues asiatiques. Cependant, des disparités persistent, notamment en ce qui concerne les pensions de réversion, souvent désavantageuses pour les femmes survivantes de couples mariés. De plus, la culture du travail en France tend à favoriser le départ à la retraite dès l'âge légal, ce qui peut créer des tensions sur le marché du travail, notamment pour les personnes âgées.

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